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Après la première série d’essais officiels des 8 heures de Suzuka, nous avons pu interviewer Randy de Puniet qui fait partie des cinq équipages pouvant briguer la victoire.

Nous en avons profité pour tenter d’apporter un éclairage sur cette course qui reste assez mystérieuse pour les passionnés français alors qu’elle déchaîne une véritable passion auprès des spectateurs et des constructeurs japonais.


Bonjour Randy, et tout d’abord bravo pour ta prestation sur Eurosport : du beau boulot avec plein d’informations en continu qui renseignent très pertinemment le téléspectateur…

« Merci à vous ! »

Venons-en aux 8 Heures de Suzuka et essayons de décrire précisément pourquoi cette course est si importante alors qu’elle est assez peu connue des passionnés français. Avant tout, rappelons que tu y as déjà participé…

« Oui, en 2014 avec Yoshimura. C’était l’année où j’étais pilote d’essai chez Suzuki en MotoGP, et vu que je n’avais qu’une Wildcard de prévue à Valencia et que j’avais toujours eu envie de faire Suzuka, c’était l’occasion d’y participer. C’était vraiment une bonne expérience et nous avions terminé deuxième. Cela m’a donné envie de renouveler ma participation dans d’aussi bonnes conditions. »

Pourquoi cette épreuve est mythique au Japon, alors qu’elle reste assez méconnue des passionnés européens ?

« Depuis tout le temps, et nous en sommes cette année à la 40e édition, cette course est très importante pour les Japonais. Toutes les usines japonaises font donc le maximum pour tenter de la gagner. Par exemple, même si certains vont en douter, cette année chez Honda, c’est plus important de remporter la course que le titre MotoGP. C’est pourquoi il y a énormément de motos d’usine, toutes marques confondues, et toujours autant de pilotes de Grand Prix et de Superbike. Il y a vraiment un très beau plateau et l’époque où les pilotes en championnat d’endurance avaient un peu délaissé cette épreuve est belle et bien terminée depuis trois ou quatre ans. N’oublions pas non plus les quelques pilotes japonais très habitués à ce circuit et qui contribuent à la force de certaines équipes. »

Les constructeurs moto font donc le maximum, mais les manufacturiers pneumatiques également…

« Oui ! En particulier Bridgestone qui se donne à fond depuis plusieurs années. Dunlop est également présent, tout comme Pirelli qui a fait un gros effort avec la Moriwaki pilotée par Takahashi et Kyionari. Tous les manufacturiers présents jouent le jeu et essaient d’être le plus performant possible. »

Une question qui revient souvent : pourquoi les équipes européennes qui dominent le championnat du monde, GMT, SERT et YART ne sont pas en position de se battre pour la victoire lors des 8 heures de Suzuka ?

« Principalement à cause du matériel. Par exemple, il semble qu’au GMT94, on dispose seulement d’un moteur en configuration « 24 heures » et non pas « 8 heures ». La différence est estimée entre 10 et 20 chevaux. L’optique de ces teams est donc de limiter la casse tout en visant le titre mondial. Les équipes officielles japonaises se moquent de cela : seules les 8 heures de Suzuka les intéressent et ont donc des moteurs préparés pour cela ! Du coup, leurs motos sont deux ou trois secondes plus rapides que celles des teams permanents qui tournent en 2’11.0 alors que nous roulons en 2’08.
Les teams européens ont donc une optique différente pour cette course, et c’est pour ça que moi, aujourd’hui, c’était soit je roulais avec une moto d’usine, soit je ne roulais pas. Se faire déposer par les autres motos ne m’intéressait pas. »

Sont-ils également toujours handicapés au niveau des pneus ?

« D’après ce que j’ai compris, les équipes de pointe, comme le GMT 94, le SERT ou le YART, bénéficient également des pneus japonais. »

En ce qui te concerne, comment peux-tu participer à cette course avec une Honda officielle alors que tu roules en endurance avec une Kawasaki ?

« Cela faisait un bon moment que j’essayais de faire Suzuka avec Kawasaki puisque je roule avec eux au Bol d’or et aux 24 heures motos. Mais il n’y avait plus de place sur la moto officielle, celle du team Green pilotée par Kazuma Watanabe, Leon Haslam, et Azlan Shah bin Kamaruzaman. Je m’étais donc fait une raison quand François Ribeiro (ndlr : directeur des opérations d’Eurosport Events, promoteur de l’EWC), l’organisateur, m’a appelé pour me demander si je voulais rouler sur la Honda FCC. C’était pour moi une grosse surprise, et grâce à Éric Mahé, nous avons pu trouver une solution pour que je puisse accepter cette proposition sans que cela ne compromette ma participation au Bol d’or pour Kawasaki. »

Parlons de ta moto. C’est une moto officielle…

« Oui. Ce qui s’est passé, c’est que Honda a fourni cette moto qui a été directement construite au HRC. Ils l’ont amenée à Suzuka avec les ingénieurs et des mécanos qui ont rejoint l’équipe FCC. L’équipe est donc constituée en partie d’hommes du HRC qui seront présents durant tous les essais et la course, ainsi que du staff FCC. »

Même si ça reste une moto dérivée de la série, tu te fais plaisir ?

« Oui ! Je me régale ! En plus, la condition numéro une était que je passe le mois entier au Japon. J’ai donc fait les tests du 5 et 6 juillet, puis là, ceux du 11,12 et 13, et on va encore rouler le 20 et le 21 avant de faire la semaine de course. Les autres pilotes de mon équipe n’étaient pas là le 5 et le 6 et ne seront sans doute pas là le 20 et le 21, sauf peut-être Bradl. Ils avaient donc besoin d’un pilote qui soit là tout le temps et j’étais disponible. Plus je roule, mieux c’est, surtout dans de bonnes conditions où c’est toujours agréable. »

Tu es donc l’ossature du team…

« C’est ça ! Ça se passe bien. En plus, le patron du team est super sympa, l’équipe aussi et j’ai bien été accueilli dans l’équipe. Après, passer un mois au Japon, c’est un peu long car ce n’est pas du tout la même culture que chez nous. Suzuka, c’est un peu mort aussi, mais bon… »

Pourquoi faut-il trois pilotes pour une course de huit heures ?

« Avant tout, car si un des pilotes tombe ou n’est pas bien, on ne peut pas finir la course tout seul. Après, si on a trois pilotes qui roulent aussi vite, c’est quand même mieux car cela permet de se reposer et d’être plus frais pour ses trois relais que l’on peut alors faire à bloc. Avec deux pilotes, il faudrait faire quatre relais, et vu la chaleur, et vu que ce sont des relais de 28 tours soit environ une heure, le quatrième relais est particulièrement éprouvant. »

Lors des essais de cette semaine, on a vu trois Honda se montrer les plus rapides, mais on sait que Yamaha est loin de lâcher l’affaire…

« Ce n’est pas compliqué : la troisième Honda (la Moriwaki) a mis des pneus de qualif pour faire son chrono. Aujourd’hui, après avoir regardé les tours par tour et les simulations, je dirais qu’il y a cinq motos, les deux Honda officielles, la Kawasaki, la Yamaha et la Suzuki, qui se détachent. Après ces essais, nous nous situons plutôt dans la première partie que dans la deuxième. Après, il peut tellement se passer de choses en endurance que tout peut arriver. Mais je pense que cette année, Yamaha ne va pas dominer comme les autres dernières années.
Chez nous, Dominique Aegerter a très bien roulé. On a roulé pareil avec les pneus course puis il a mis un pneu tendre le deuxième jour pour aller chercher 5 dixièmes. On a roulé en « petit huit » comme tous les gars de devant. En pneus course, personne n’a roulé en dessous de 2’08 et il n’y a qu’en mettant des pneus un peu plus soft que c’est tombé en 2’07.7 . Mais comme les pneus soft ne finissent pas les relais, cela ne sert pas à grand-chose. C’est juste bien pour la performance. »

Pol Espargaro possède le record en 2’06.000. Comment a-t-il fait ?

« Le truc, c’est qu’ils avaient des pneus de qualif mais il n’y en a plus maintenant car depuis l’année dernière, il y a une restriction de pneus. On a 20 trains de pneus pour faire les essais officiels, les qualifs et la course. Le pneu qu’on va utiliser en qualification pendant trois tours, on va même être obligé de l’utiliser lors de notre dernier relais. Donc je ne vois pas comment on pourrait battre le chrono d’Espargaro.  »

Quelle partie du circuit apprécies-tu particulièrement ?

« J’aime tout ! La première partie étape est top, le gauche avant la chicane aussi, même la chicane qui est lente a quand même son style… Le circuit est vallonné, il y a des virages en appui, il n’y a pas un moment où on se repose… Bref, il est magnifique ! La seule chose, c’est qu’il est super dangereux et qu’il ne faut pas regarder les à côtés. À certains endroits, ça fait un peu peur mais c’est comme ça. Il n’y a pas de solution pour améliorer la sécurité car il n’y a plus de place au niveau dégagements. »

Quelle vitesse maximum atteignez-vous ?

« Moi j’ai pris 300. Mais je crois qu’il y a eu 305 fait l’année dernière ou quelque chose comme ça. Pas dans la ligne droite des stands mais dans celle avant le gauche avant la chicane. »

Quelle est l’ambiance au niveau des spectateurs ?

« Il y a plus de 100 000 personnes, donc énormément de monde. Il y a aussi beaucoup de monde dans les paddocks, c’est très sympa et c’est une belle course. Les Japonais sont très respectueux et c’est toujours un plaisir de rouler ici car ils respectent les pilotes. Forcément, quand ça se passe comme ça, on a envie d’être plus sympa avec les gens. »

Votre objectif est-il clairement la victoire ?

« Oui, on part pour ça, mais après on verra : il peut se passer énormément de choses. Le podium, ce serait déjà top, et la victoire serait la cerise sur le gâteau. Maintenant, on va chacun faire notre maximum et essayer de ne pas commettre d’erreurs, et comme je dis « si tout le monde a fait le maximum et que l’on gagne, tant mieux, mais si on fait 2, c’est qu’il y aura une équipe qui aura été plus forte ». »

 

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