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Après avoir suivi avec la plus grande attention le parcours du team Monster Yamaha Tech3 lors de cette première demi-saison, en particulier avec les débriefings quotidiens de Johann Zarco (voir ici), et en faisant les point avec Hervé Poncharal quasiment après chaque course (voir ici), il était inconcevable de ne pas en faire le bilan avec ce dernier en ce point médian de la saison.

Toutefois, afin de ne pas trop répéter des choses qui ont déjà été reportées sur notre site, nous avons tenté de prendre un certain recul et d’aborder des sujets jusqu’ici non- évoqués.

Accès à la première partie


On vous souhaite donc que Monster signe rapidement car ça ne doit pas être simple de trouver un partenaire de cette taille…

« Ce n’est pas simple, mais il y a une chose qui est sure, c’est qu’il faut rendre grâce à la Dorna, car c’est quand même la Dorna qui est le chef d’orchestre et qui prend les décisions, avec l’IRTA, la FIM, les constructeurs, mais c’est la Dorna qui s’est battu parfois contre l’idée des constructeurs, qui a dû convaincre la FIM et les équipes d’aller là où on allait. Grâce à la Dorna donc, notre situation est meilleure. Carmelo Ezpeleta me l’a encore dit sur la grille du Grand Prix d’Allemagne : « tu te rappelles comment on a été maltraité et comment on s’est moqué de nous quand on est arrivé, au début, avec les CRT et les motos Open. Tout le monde s’est moqué de nous ». À l’époque, même certains grands pilotes disaient « mais qu’est-ce que vous faites ? Ce n’est plus le championnat du monde avec des moteurs développés de la série ! ». Mais grâce au fait que la Dorna n’a pas lâché, que tout le monde a adhéré, et que on savait où on voulait aller mais qu’il fallait en passer par là, on a réussi à faire une grille qui tient la route. On voit des Avintia, des Aspar, des Pramac, des LCR et des Tech3 qui fonctionnent et qui ont moins de mal à exister, parce que, justement, on est plus performant. Et ça, c’est grâce à cette réglementation technique. Et au final, grâce à la Dorna. »

C’est vrai qu’aujourd’hui, le plateau à meilleure allure qu’il y a quelques années et, sur bien des points, le MotoGP n’a pas à rougir face à la F1…

« Encore une fois, il n’y a pas de prétention dans ce que je vais vous dire, et il faut toujours avoir une approche humble, c’est du moins ma manière d’être : toujours faire preuve d’humilité, sans pour autant nier ses forces, mais ne jamais penser que ça y est, on est arrivé. Jamais ! Mais aujourd’hui, même si c’est incomparable et que l’industrie automobile sera toujours à un niveau que n’atteindra jamais l’industrie motocycliste, malgré tout aujourd’hui la grille dans son ensemble est certainement plus saine sur le plan financier. Il y a de nombreux contacts entre les nouveaux propriétaires de la Formule 1 et Carmelo Ezpeleta pour discuter, notamment de manière beaucoup plus ouverte concernant les calendriers, mais aussi pour des questions du genre « comment vous faites pour que vos équipes privées puissent être aussi performantes et, entre guillemets, aussi financièrement en forme que ça ? ». Ce qui n’est pas le cas en F1.
Nous ne sommes pas concurrents avec la F1, nous sommes complémentaires, donc il n’est pas question de dire qu’on est plus forts qu’eux. Mais tout ce qui a fait que l’on est arrivé aujourd’hui là où on en est, ça intéresse certains autres championnats et notamment la Formule 1. C’est évident. »

Ce petit débriefing que nous faisons, l’avez-vous fait avec Johann ?

« Non, parce que je ne vais pas parler à Johann de là où l’on en est techniquement parlant, ou des négociations que l’on a eu avec la MSMA. Je ne vais pas lui parler non plus de nos tractations car les pilotes s’en moquent un peu. Quelque part, cela ne les regarde pas. Mais par contre, vous le savez, j’aime beaucoup cette personne, Johann. Je l’adore ! Parce que c’est quelqu’un de différent et je trouve que cette différence là est vraiment intéressante. Donc je me suis permis de lui dire qu’il avait apporté énormément à l’équipe Tech3. En termes de retrouver un certain amour-propre, une certaine fierté, de nous redonner des sentiments et des joies qui sont intenses, comme se battre pour une première ligne, une pole ou un podium. Et ça, même si les mécaniciens sont des pros et font donc leur travail quels que soient nos résultats, c’est quelque chose que Johann a donné à l’équipe et que, moi, je peux sentir en comparant avec les années précédentes. Même s’il ne peut pas l’imaginer, il leur a donné la fierté, le bonheur et l’envie de se retrousser les manches comme jamais.

Ça, je le lui ai dit. Bien évidemment. Et je lui ai aussi dit qu’il nous avait aussi donné une visibilité qui nous aide sur le plan du business. Cela n’a rien d’officiel, ce sont plutôt des conversations à bâtons rompus mais je lui ai dit merci. Après, comme c’est quelqu’un d’assez pudique, un peu comme moi, il n’aime pas trop cela. Moi je n’aime pas que l’on me dise « bravo ». Je suis heureux quand on a fait notre travail le mieux possible et que ça se voit par un résultat tangible, mais pas quand on me dit « tu es fort, tu es beau ». Je voyais des articles où l’on disait que j’étais un « incroyable découvreur de talents ». Ce n’est pas vrai. Je suis un mec comme un autre, et des fois c’est bonne pioche, et des fois je me plante. C’est tout.

Donc oui, je parle de tout cela avec Johann, mais j’essaie toujours de le faire pour lui dire merci, mais sans qu’il se sente investi d’une mission, sans que cela lui mettre trop de pression et qu’il veuille alors encore en faire plus. Vous comprenez ce que je veux dire, parce que, en fin de compte, il faut le laisser comme dans le roman que j’ai adoré, « L’insoutenable légèreté de l’être »  de Milan Kundera. J’ai adoré le bouquin, j’ai adoré le film et j’adore cette phrase. Il faut laisser cette légèreté aux pilotes. Il ne faut pas leur dire que s’ils font de bons résultats, cela déclenchera des contrats qui nous permettront de continuer à exister, etc. Et que à l’inverse, s’ils ne font pas de bons résultats, Tech3 va mourir, etc. Jamais !

L’équilibre est là. Je dis « merci, c’est fabuleux, tu nous fais vivre des moments géniaux » mais je ne veux pas non plus faire en sorte qu’il se croit investi d’une mission et que s’il fait une contre-performance tout s’écroule. »

A l’inverse, y a-t-il eu le moindre petit reproche, par exemple à l’occasion de son changement de moto prématuré ?

« Jamais ! Jamais ! Bien sûr que, quand je l’ai vu rentrer, je me suis dit « mais qu’est-ce qu’il fait ? ». Je ne comprenais pas. Mais après, quand il m’a expliqué, j’ai tout à fait compris. Il a été très humble en se rappelant qu’il n’avait jamais roulé dans ces conditions en MotoGP. Il était très fort en Moto2 dans ces conditions, mais là, vu ce qu’il tombait, il a eu un réflexe de pilote Moto2 et il s’est dit que ça n’allait pas passer. Il était obsédé par le fait que, d’une seconde à l’autre, il allait se retrouver par terre. Donc il est rentré. Mais il m’a dit « n’oublions pas que c’est mon année de Rookie, que j’apprends et que je construis mon expérience en MotoGP ».
Guy et toute son équipe ont été à 200 % derrière lui. Tout le monde l’a pris dans ses bras car, après tout, ce qu’il faut retenir de la Hollande, c’est que, Un il fait la pole, et Deux il fait 11 tours en tête. Donc si on fait la gueule quand un pilote fait ça…
Non, cela fait partie de la course et de la vie. Rossi est tombé à trois virages de la fin au Mans, et Dieu sait s’il a de l’expérience…
Non, non, non. Honnêtement, il n’y a pas eu le moindre début de reproche par rapport à ce Grand Prix de Hollande. Jamais. »

Donc une équipe totalement soudée derrière ses deux pilotes…

« Une équipe totalement soudée, oui, mais cela ne m’a pas empêché, même si je n’aime pas cette expression, de remonter les bretelles à Jonas Folger le jeudi après-midi après le Grand Prix d’Italie, pour faire une critique constructive. Lui faire comprendre certaines choses que, quand tu es complètement immergé dans ton truc, tu ne vois pas. Il y avait aussi son chef–mécano et son manager personnel. Parfois, avec un peu de recul, tu vois des choses, et même si je ne suis pas en train de dire que c’est à cause de ça qu’il a progressé, même si on est une équipe soudée, il ne faut pas hésiter à dire qu’il faut réagir quand c’est nécessaire. Laurent Fellon le fait d’ailleurs très bien avec Johann Zarco. La vie est une remise en cause permanente de tout , et la course encore plus. »

Une question à laquelle personne ne peut répondre. Ne nous remerciez pas ! Ce splendide début d’année va-t-il se perpétuer lors de la seconde moitié de saison, ou peut-on penser que Yamaha Factory et consœurs vont réagir ?

« Je ne suis pas devin. J’ai toujours tendance à être un peu trop prudent, mais c’est vrai que la première moitié de la saison a été fantastique, fabuleuse, incroyable, au-dessus de nos attentes. Même s’il y a quand même eu neuf courses, du Qatar, où Johann a mené la course, à la dernière où Jonas a aussi mené quelques tours, on a été là. Donc ce n’est pas un feu de paille ou un coup ponctuel. Maintenant, c’est vrai que tu te dis toujours qu’une équipe satellite, en l’occurrence Tech3, dont le matériel est complètement figé, va se faire manger par les usines. On sait que chez Yamaha, ils ont eu quelques déceptions, par exemple en Catalogne où les deux pilotes Tech3 finissent devant eux, ou au Sachsenring où Jonas est de loin le meilleur pilote Yamaha devant les usines. Donc il est évident qu’ils travaillent énormément. La pause estivale n’est évidemment pas une pause pour l’usine au Japon ! Donc c’est évident que, de toute façon, de nouvelles choses vont arriver à Brno qui devraient normalement aller dans le bon sens. Leur matériel est en évolution constante et devrait normalement être de plus en plus performant. Donc on va voir. On va voir mais nos pilotes vont être meilleurs. Jonas et Johann, comme les autres Rookies qui sont en MotoGP, sont ceux qui, par définition, ont le plus de marge de progression. Et on le voit, course après course, dans la manière de gérer les pneus, dans la manière de gérer le format des qualifs, etc. Mais si je réagis de manière cartésienne, je vais vous dire que ça va être difficile de faire aussi bien que sur les 9 premières courses. »

Ahhh, mais on retrouve là le Hervé Poncharal qui nous disait qu’il allait se battre pour la 16e place…

« J’avais dit que l’objectif était le Top 10. Mais déjà, on est tous un petit peu superstitieux. Donc je n’aime pas dire ce qu’on va faire. Ça pourrait nous porter la scoumoune (rires) ! Mais en plus, c’est vrai que ce n’est pas normal d’avoir fait ce qu’on a fait dans la première partie de saison. Donc la deuxième partie de saison va-t-elle encore être entre guillemets « pas normale », je le souhaite, je le rêve, mais vous avez vu : Dall’Igna n’arrête pas de dire que les nouveaux carénages vont arriver, chez Suzuki ils bossent d’arrache-pied pour se sortir de la mélasse dans laquelle ils sont, chez Yamaha on vient d’en parler, chez Honda ils ont fait des essais à Brno, etc. etc. etc. Donc ça ne va pas être facile ! Peut-être qu’on les a pris à froid et que maintenant, ils seront moins froids à Brno que ce qu’ils étaient au Qatar.

Mais on va se battre ! Johann et Jonas sont partis en vacances avec l’esprit très positif, et ce sont des guerriers. Ils ne lâcheront jamais, en particulier Johann qui est un accrocheur comme on l’a vu l’année dernière quand il n’était pas en très bonne position au championnat. La façon dont il est revenu était impressionnante. On va se battre. Est-ce que ça va suffire ? C’est tout l’intérêt pour les spectateurs, dont les lecteurs de Paddock-GP ! »

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