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Nicolas Goubert, Directeur Adjoint de Michelin Motorsport, revient sur le Grand Prix du Qatar où la performance de Bibendum a été unanimement applaudie, à commencer par Hervé Poncharal et Casey Stoner.

Nous ayant parlé avec la plus grande franchise après les difficiles essais post-GP de valence, il nous semblait la moindre des choses de lui donner de nouveau la parole après la très belle performance des pneumatiques français sur le circuit de Losail, avant d’envisager le weekend en Argentine. 

Après les tests au Qatar, tout le monde s’était un peu focalisé sur les pneus avant, avec les 34 et les 36. Plus qu’une question de gomme, en quoi étaient-ils différents?

Nicolas Goubert: « En fait, on avait une offre avec la même gomme, mais, effectivement, la carcasse du 34 était plus rigide. »

Suite à ces essais, quelle était l’allocation disponible pour le Grand Prix du Qatar ?

Nicolas Goubert: « On avait amené ces deux pneus, 34 K et 36 K, plus un pneu additionnel qui était un 36 avec une gomme un peu plus rigide pour se mettre à l’abri d’éventuels problèmes d’usure qui ne sont pas apparus. Celui-là n’a donc pas été utilisé du tout et nous sommes restés sur les deux pneus que nous avions proposés lors des tests du Qatar, 34 K et 36 K.
Les pneus rigides ont été utilisés par Marquez, Lorenzo, Rossi et Crutchlow. »

Quand vous avez besoin d’un nouveau pneu, on est toujours sur un délai de fabrication de 3 semaines?

Nicolas Goubert: « Oui, globalement c’est à peu près ça. Parfois, quand on a simplement un complément à effectuer, on peut aller un peu plus vite. Par exemple, quand on arrivera sur des circuits qui se ressembleront et qu’on devra amener deux fois de suite les mêmes pneus, en particulier avec les pneus avant. »

Les pneus sont faits à la main ?

Nicolas Goubert: « Oui, les pneus sont faits à la main. »

Finalement, tout le monde s’était focalisé sur les pneus avant, car ils nécessitaient un temps d’adaptation, comme vous l’aviez souligné, mais finalement n’est-ce pas plutôt le pneu arrière qui a été déterminant pour la course ?

Nicolas Goubert: « Ha… Oui, peut-être, mais quand on regarde les résultats, les quatre premiers pilotes se tiennent dans deux secondes, un mouchoir. »

En deuxième et quatrième position, vous avez deux pilotes qui ont fait le même choix (NDLR arrière médium), en première et en troisième (NDLR arrière tendre), deux pilotes qui ont fait le même choix; si on avait inversé les montes, est-ce que cela aurait inversé les positions ?

Nicolas Goubert: « Je ne sais pas! (rires). Ce qui est clair, c’est qu’un Marquez a dit qu’il n’aurait pas pu utiliser l’autre pneu (NDLR le tendre). Il a dit aussi qu’il aurait espérait que le pneu de Lorenzo s’effondre, ce qui n’a pas été le cas (rires). »
Rossi nous a dit à la fin de la course « peut-être que j’aurais pu mieux faire avec l’autre, mais finalement je ne peux pas le savoir ».
Donc, sincèrement, je ne sais pas si cela aurait changé le résultat. »

Là où nous sommes un peu perdus, c’est quand Dovizioso dit  » à la fin de la course, mon pneu arrière était détruit, comme celui de Lorenzo » alors que Lorenzo a fait son meilleur chrono à deux tours de la fin et, en apparence, son pneu n’en laissait rien paraître, comme la caméra qui s’est bien focalisée dessus nous a permis de le constater.

Nicolas Goubert: « Je crois que le vocabulaire qu’il a utilisé est un peu exagéré. Je pense qu’il a voulu dire qu’il patinait plus qu’en début de course, et, comme il voyait Lorenzo qui était devant lui, qui patinait aussi, c’est pour ça qu’il a dû vouloir dire « on patinait de la même façon ». Il y a certainement eu une évolution du patinage et c’est pour ça qu’il a un peu exagéré, mais derrière, c’était probablement pareil. »

Et ça a beau patiner, les chronos sont là !

Nicolas Goubert: « Exactement ! C’est pour ça qu’on peut dire que son vocabulaire était exagéré, car quand on voit que Jorge fait son meilleur temps au vingtième tour… C’est évidemment le plus spectaculaire, mais les quatre premiers font leurs meilleurs temps entre le 15 et le 22e tour, quelque chose comme ça, donc tous en fin de course.
Peut-être aussi qu’ils se sont tous crachés un peu plus dans les mains, excusez-moi l’expression, car vous avez dû remarquer que Lorenzo fait son meilleur temps quand Marquez passe deuxième. On le panneaute Marquez deux, donc il en rajoute un peu plus. Avant, Vale avait fait son meilleur temps au 16e tour, quand il essayait de recoller, pendant un moment. Il y avait donc de bonnes raisons pour qu’ils se donnent un peu plus pour améliorer leurs temps, mais toujours est-il que le pneu a permis de le faire. Donc le pneu n’était pas détruit, ça, c’est clair! (rires) »

Avant de refermer cette page sur le Qatar, et comme vous avez l’habitude de dire les choses, avez-vous un « oui, mais » à exprimer après ce bilan éminemment positif ?

Nicolas Goubert: « Non. Sincèrement, là, c’est au-delà de mes espérances. Si on m’avez dit de signer pour ça, il y a un an ou même un mois, j’aurais tout de suite signé (rires). Voire même en début de weekend! (rires). »

Il est certain que vous avez dû ressentir un sérieux stress lors de ce premier Grand Prix.

Nicolas Goubert: « Oui, et quand on voit tout ce que les pilotes ont dit après la course, un Lorenzo qui embrasse son pneu, quatre ou cinq pilotes qui battent le record du tour, etc. C’était pour nous au-delà de vos espérances. »

Nous tournons donc la page du Qatar et portons nos regards vers l’Argentine.

Nicolas Goubert: « Exactement. Nous savourons notre weekend au Qatar, mais bien sûr , nous devons préparer l’Argentine. Or, si le Qatar était important, car il s’agissait de la première course, l’Argentine, comme Austin, représentent deux nouveaux défis. Au Qatar, il ne fallait pas qu’on rate notre retour, et il y avait beaucoup de points d’interrogation, mais nous avions la chance d’y avoir roulé dix jours auparavant.
En Argentine et à Austin, on n’a pas cette chance-là. Et non seulement nous n’y avons pas roulé dix jours auparavant, mais de plus, ce sont de nouveaux circuits pour nous, puisqu’ils n’étaient pas au calendrier jusqu’en 2008.
Nous y sommes allés faire une journée d’essais l’année dernière, le lundi après les courses, dans des conditions à peu près correctes en Argentine et pluvieuses à Austin, avec les pilotes d’essai. On ne regrette pas du tout de l’avoir fait, mais en douze mois, nos modèles ont évolué. On ne va donc pas y aller avec la même offre qu’à l’époque, et on va essayer de traduire le peu de choses que l’on a vu à l’époque pour essayer de ne pas faire d’erreur pour ces courses-là.

Mais le challenge est différent de celui de la première course, et on n’a moins d’entraînement sur ces terrains-là. »

Bridgestone y avait apporté un pneu arrière extradur, qui n’a servi qu’une fois, pour faire face à un revêtement abrasif et la courbe #11 très exigeante. Vous allez également apporter un nouveau pneu?

Nicolas Goubert: « Oui. Nous allons amener des pneus plus résistants que ceux qu’on avait au Qatar. Bien sûr, on regarde ce qu’avait utilisé Bridgestone, mais la difficulté vient du fait que l’on ne sait pas comment sont calées nos gammes par rapport aux leurs. Quand on voit qu’ils utilisaient le même pneu sur un circuit ou sur un autre, est-ce qu’on peut en tirer la conclusion que ce sera pareil pour nous? Non, pas directement.

Je prends un exemple. On utilise les 36 et 34 K au Qatar. Ces pneus ont fait la course, ils reviennent avec une usure donnée et ont donné satisfaction. Ceux de Bridgestone, pareil, mais un tout petit peu moins vite (rires). Je ferme la parenthèse (rires). Ils vont sur un second circuit, et ça passe. Ce n’est pas pour autant que ça me dit que les nôtres vont aussi passer. Leur niveau d’usure, je ne l’ai pas, je n’ai que le nôtre, donc je ne sais pas quelle marge ils avaient par rapport aux nôtres. Donc on a des informations, mais ce ne sont que des informations et on ne peut pas en tirer de conclusions directes du genre « ils ont utilisé tel pneu à tel endroit et à tel endroit alors ça va être pareil pour les nôtres ». Non. C’est intéressant, et bien sûr on le regarde, mais ce n’est pas suffisant.
C’est aussi ce qui fait l’intérêt de cette première année. »

Oui, mais le problème pour vous, maintenant, c’est que comme vous avez brillamment réussi votre entrée au Qatar, il est probable que ce soit un peu moins brillant sur un circuit ou un autre, durant cette année…

Nicolas Goubert: « Oui, forcément, ça va arriver. C’est clair. Nous on le sait, car on a placé la barre haute. J’espère simplement que les gens sont clairvoyants comme vous l’êtes et qu’ils savent qu’on ne va pas pouvoir réitérer la même performance 18 fois dans l’année lors de notre première année. »

Quelle est votre approche concernant les pneus asymétriques ?

Nicolas Goubert: « Tous nos pneus arrière étaient asymétriques au Qatar. Même si l’asymétrie sera moins marquée, en fonction de l’asymétrie du circuit, ils vont continuer à l’être sur les courses à venir et ce sera presque systématiquement une constante sur l’année. »

Ce sont des trigommes?

Nicolas Goubert: « Oui, avec une bande au centre un peu plus résistante, et droite et gauche en fonction de l’asymétrie du circuit. »

Et pour l’avant ?

Nicolas Goubert: « Pour l’avant, nous n’avons pas encore fait de pneus asymétriques. Nous sommes encore en phase de développement. Sur les circuits sur lesquels nous nous sommes rendus, à Valence nous n’en avions pas, et nous avons fait le constat qu’on aurait dû en avoir, à Sepang nous n’en avions pas et je pense que nous n’en avons pas besoin, on en aura probablement un à Phillip Island, et au Qatar nous n’en avions pas besoin.
Nous n’allons pas en apporter en début de saison, car cela ne se justifie pas vraiment, mais nous en aurons probablement au Sachsenring, à Phillip Island et à Valence.

Concernant les pneus multigommes, c’est nous qui avions, à l’époque, popularisé leur utilisation, puis nous avions été très rapidement suivis par les concurrents. Effectivement, ces pneus procurent un avantage assez déterminant, donc il n’est pas question qu’on les abandonne. »

Nous remercions grandement Nicolas Goubert de nous avoir accordé un moment de son temps si précieux entre son retour du Qatar et son départ en Argentine.