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Lors de la dernière manche du championnat FIM CEV Repsol, qui s’est déroulée il y a 15 jours à Jerez (voir ici), si Ricky Cardus, Eric Granado et Steven Odendaal ont animé les avant-postes de la course des Moto2, plus loin, Philippe Le Gallo s’assurait de son titre de Champion d’Europe Superstock 600.

Alors bien sûr, à 59 ans, notre propos n’est pas de dire que Philippe le Gallo est un jeune espoir en devenir, ni que, avec une demi-douzaine de participants sur l’année, la catégorie est extrêmement disputée… Et bien sûr, il n’est pas question ici de comparer le talent et la notoriété de ce nouveau champion d’Europe Superstock 600 avec celle d’un autre pilote dont l’âge de 38 ans semble énerver ses adversaires…

Non, il convient seulement de noter que l’on peut être suffisamment en forme à l’âge de 59 ans pour s’aligner dans une compétition internationale. Et la remporter !

Une belle leçon pour ceux qui hésitent encore à enfiler le cuir pour aller tourner, en loisir, sur un circuit le dimanche…

Philippe Le Gallo participe au championnat d’Espagne depuis 2010 et, cette année, la suppression de la catégorie Superbike l’a contraint à s’aligner en Superstock 600 au guidon d’une Yamaha. Le pilote du team Laglisse est un sportif accompli (équitation à haut niveau durant dix ans, VTT) et possède un environnement social bien rempli. Alors pourquoi, à l’âge où il pourrait profiter des plaisirs de la région lémanique le week-end, troque-t-il son costume pour un cuir afin de transpirer sur un circuit espagnol dans un environnement agressif et un relatif anonymat ?

Nous lui avons posé la question et demandé de retracer son parcours…

Philippe Le Gallo : « j’ai commencé à rouler très tard, puisque j’ai mis mes roues sur un circuit à 45 ans, après un parcours à haut niveau en concours complet en équitation. À l’époque, j’ai commencé par l’endurance et par le championnat de France FSBK Superbike 1000cc avec, au fil des années, Stéphane Duterne, Grégory Leblanc et Arnaud Vincent.

Il y a sept ans, je suis parti rouler en Espagne, en CEV, dans la catégorie qui s’appelait alors Xtreme. Il y a deux ans, j’ai eu l’opportunité de ma vie en intégrant le célèbre team Laglisse, aux côtés et à la demande de Carmelo Morales. L’année dernière, j’ai fait une très bonne saison en 1000cc, puisque j’ai marqué pas mal de points vu mon ancienneté, avec une meilleure place de 11e à Albacete.

Puis, comme la 1000cc disparaissait du CEV, j’avais le choix de continuer sur l’autre championnat d’Espagne ou de rester en CEV en passant en 600cc. L’autre championnat, je le connaissais puisque j’y avais terminé troisième il y a quelques années en catégorie Master, donc assez naturellement je me suis lancé dans la 600cc.

Je n’en avais jamais fait mais les premiers essais ont été très concluants puisque, aujourd’hui, je roule plus vite avec 600cc qu’avec une 1000cc. Cette année s’est donc très bien passée, même si rouler au sein des Moto2 n’est pas des plus faciles, surtout avec une nouvelle Yamaha qu’il a fallu développer.
Je dirais que ce titre est arrivé grâce à beaucoup de ténacité et de sérieux, en essayant avant tout de finir les courses sans forcément prendre trop de risques. »

Pourquoi la moto, après le cheval ?

« Je suis un fan de vitesse. C’était un désir de longue date mais cela s’est fait le jour où j’ai eu les moyens de le faire. Tout simplement. »

On imagine que pour vous battre avec des pilotes ayant parfois 40 ans de moins que vous, vous êtes au top de la forme physique…

« J’ai effectivement la chance d’avoir une physiologie particulière, et c’est vrai que les médecins sont assez étonnés parce que j’ai certaines capacités physiques d’un gamin de 25 ans. Mais je m’entraîne aussi beaucoup, en général deux heures par jour. Ma dose quotidienne est de 50 km de VTT et je fais aussi énormément de surf quand j’ai la possibilité d’être à la mer. J’ai donc une condition physique au top et j’arrive à être devant les gamins de 16, 17 ou 18 ans qui sont avec moi dans le team Laglisse lorsque nous faisons des entraînements en commun à vélo. Donc disons que j’ai la chance d’avoir un physique qui répond encore extrêmement bien, mais il y a aussi l’envie de se dépasser en permanence. Cela a toujours été mon moteur dans la vie. Comme aujourd’hui, au fil des sorties, on est plus rapide avec la 600 qu’avec la 1000, je n’ai pas le sentiment d’avoir atteint mon maximum. Je vais donc essayer de continuer, si on me laisse l’opportunité de le faire, parce que le problème de l’âge est que cela n’amuse pas tout le monde que les vieux, sans être exceptionnels, arrivent à être un peu performants (rires). »

Les vieux, comme vous dites, n’ont donc aucune raison de ne pas enfiler un cuir et d’aller tourner sur le circuit le plus proche de chez eux…

« Oui, tout à fait, j’en suis intimement convaincu. Alors c’est vrai que, à côté, je fais pas mal de moto, comme de l’enduro ou du supermotard, mais c’est vrai qu’aujourd’hui, beaucoup devraient penser à aller sur la piste plutôt que de prendre des risques sur la route. Le plus gros problème, ce ne sont pas les limites physiques, mais plutôt le mental. Il y en a beaucoup qui se mettent des barrières. On n’est pas non plus obligé d’aller au-delà de ses limites et de se faire mal, mais aujourd’hui, les seules limites sont celles que l’on se fixe, plus, malheureusement, les limites que les autorités et les règlements vous fixent. Par exemple, j’aurais bien aimé pouvoir aller faire une wild card en mondial, mais si tout le monde est OK, y compris la Dorna, le règlement de la FIM ne le permet pas, la limite d’âge étant fixée à 50 ans. »

Votre message est extrêmement positif, d’autant qu’on pourrait en extrapoler que Valentino Rossi, à seulement 38 ans, a encore de longues années devant lui…

« Après, c’est dans la tête. Personnellement, j’ai la chance de ne pas m’être épuisé en étant jeune. Les circuits sont éreintants, les voyages sont fatigants et la compétition de haut niveau, il faut le reconnaître, c’est fatiguant. Entre l’équitation et la moto, cela fait plus de 20 ans que je suis dans le haut niveau, et c’est vrai que c’est quand même nerveusement fatiguant. Après, c’est plus une histoire de challenge. Pour quelqu’un comme Rossi, qui est exceptionnel, a tout gagné et est hors catégorie, je ne sais pas, mais pour le monsieur tout le monde que je suis, il ne faut pas se fixer de limites et il faut y aller ! 
Mon coach de bord de piste, qui est Efren Vázquez et qui a quand même beaucoup de métier, ne comprend pas comment, à mon âge, on peut rouler aussi vite avec la position que j’ai, car je ne suis pas du genre à poser le coude. Je le prends plutôt comme un compliment (rires). Et le plus beau compliment qu’il m’ait fait, c’est de me dire que je lui donnais à réfléchir et qu’il allait peut-être reprendre la compétition à haut niveau… »

Merci Philippe le Gallo, bravo pour votre titre, et encore plus pour la très positive leçon de vie !