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Dans la série « et avant ce circuit, il se passait quoi dans le coin? », attaquons-nous au circuit de Barcelona-Catalunya, situé sur la commune de Granollers…

A Granollers, même en consultant nos archives espagnoles, on ne trouve pas grand-chose; juste quelques courses automobiles en ville, avec ce goûteux mélange de prototypes et de voitures de tourisme propre à ce genre d’épreuves, ainsi que quelques rares photos d’une course de motos…


1969  Doc.Carles Bosch

Pares, Ossa et Carol, Montesa, à Granollers. Fin des années 60′

Granollers 1971 – Crédit photo : Louis Oulevey

Granollers 1971 -Crédit photo : Louis Oulevey

Granollers 1971 -Crédit photo : Louis Oulevey

Et malgré la présence de l’usine Derbi, à Martorelles, soit environ 5 kilomètres du circuit de Catalunya, où se sont déroulées quelques courses, il faut descendre plus au Sud pour trouver une compétition motocycliste de renom, c’est à dire à Barcelone et plus précisément au Parc de Montjuïc.

Encore un circuit en ville, certes, mais celui-ci a un glorieux passé puisqu’il a reçu des courses de F1 et continuera jusqu’en 1986 à recevoir les 24 heures d’Endurance moto; il mériterait donc un sujet à part entière!


Départ F1 en 1969

Mais pour trouver un « vrai » circuit précurseur de Catalunya, il faut encore descendre un tout petit peu plus au Sud, à Sitges Terramar, où l’on trouve encore aujourd’hui les restes de ce qui fut le Monthléry espagnol; façon de parler puisque le circuit français fut construit juste après l’autodrome de Sitges.
Comme on le verra plus loin, pour un pays, se doter d’un autodrome était alors un signe de prospérité et de modernisme…

Cette fois, au lieu de fouiller les sites de nos correspondants espagnols, nous avons préféré rendre une (longue) visite virtuelle à la bibliothèque nationale espagnole; l’occasion de constater, une fois de plus et avec regret, que nous sommes, dans ce domaine aussi, ni plus ni moins qu’un pays assez en retard puisque les Espagnols ont depuis longtemps numérisé et passé à l’OCR quasiment l’ensemble de leurs archives nationales, presse comprise, et les offrent en consultation gratuite sur le web.
Vous avez dit « France, pays de culture pour tous »?

Alors, dans une sorte de vengeance puérile, nous ne traduirons rien, mais il sera facile, pour tout un chacun, de s’imprégner de l’espoir, de la grandeur, puis de l’abandon de ce qui fut et reste une sorte de gâchis…

L’histoire commence en 1922… Vous avez un moment ?


Plongeon dans le passé: l’autodromo de Sitges-Mirramar

25 février 1922: l’Heraldo Deportivo présente à ses lecteurs le projet à travers un dossier plus que complet…

7 avril 1922: le roi est enthousiaste, débloque des crédits et une commission arrive…

22 avril 1922 : réunion de travail à Madrid…

16 septembre 1922 : le lancement du chantier est prévu pour demain…

5 octobre 1922 : compte-rendu de cette manifestation…

15 décembre 1922 : d’autres photos de la pose de la première pierre…

Les plans sont présentés (origine inconnue)…

15 février 1923 :  les travaux ont débuté et la maquette de la piste est présentée…

6 mars 1923 : les travaux commencent à prendre forme…

9 mars 1923 : on annonce la fin des travaux pour fin juin et les premières courses pour octobre…

31 juillet 1923 : le roi veut faire parrainer son circuit par les rois d’Angleterre et d’Italie…

31 juillet 1923 : on adjoint sept détenus aux quarante ouvriers pour accélérer les travaux…

1er août 1923 : les travaux ne sont toujours pas terminés mais la première course est entièrement planifiée, primes comprises…

Pendant cette propagande euphorique, les ouvriers sont en grève.
Evidemment la presse n’en parle pas…
Elle ne le fera que le 3, dans tous les journaux, quand les ouvriers reprendront le travail.

3 août 1923 : on « résout » le conflit et on passe à la vitesse supérieure. 200 ouvriers!

23 août 1923 : le roi donne deux coupes pour les futures courses…

Les travaux avancent (origine document inconnue)…

Affiche de la première manifestation qui sera, en fait, le 2ème Grand Prix d’Espagne, le premier ayant eu lieu dix ans auparavant près de Madrid.  (origine inconnue)…

12 octobre 1923 : on allège les formalités douanières des ports pour faciliter la venue des concurrents étrangers…

20 octobre 1923 : lors des essais, un pilote étranger se blesse…

28 octobre 1923: le deuxième Grand Prix d’Espagne a bien lieu, effectivement parrainé par l’Italie et le Royaume-Uni…

30 octobre 1923 : compte-rendu des courses inaugurales. Notez que la censure ne se cache pas…

Notez la piste initialement prévue pour les motos; à côté des chevaux!

Mundo graphico :

Rare photo des motos qui, notons-le, tournent en sens inverse des voitures…

15 novembre 1923 : comme d’habitude el Heraldo Deportivo offre le reportage le plus complet…

Vidéos retraçant la vie du circuit…

 


Hélas, hélas, malgré tout le faste de cette première manifestation, il se murmure que les caisses du constructeur-organisateur, Frick Armangue, ont été vidées par les entreprises de travaux publics qui ont exigé d’être payées sur le champ et que les prix clairement claironnés dans toute la presse n’ont jamais été donnés aux vainqueurs des diverses catégories. 
Sitges commence à avoir mauvaise réputation…

Cela n’empêche pas les organisateurs de prévoir le premier Grand Prix Moto du championnat d’Espagne, le 18 mai 1924, conjointement au Gran Premio Internacional du « Real Moto Club de Cataluña ».

Cette fois, le roi se déplace…



On y verra encore une course en janvier 1925

Puis une en décembre 1925

Une en septembre 1926…

Une en avril 1927…

Et puis ce fut à peu près tout jusqu’au début des années 30′!

1931
D’une part le public boudait un peu les épreuves car Sitges, à cette époque et malgré une ligne de chemin de fer, n’était pas vraiment facile d’accès depuis une Barcelone alors éloignée de 24 kilomètres, d’autre part le peuple commençait à se passionner pour l’aviation en plein essor et, enfin, la situation financière de l’Autodromo Nacional, son appellation officielle, était tout sauf bonne !

L’oval est racheté en 1929 par Edgar Morawitz qui le destine aux motocyclettes.
La guerre mettra un terme à ces projets et le circuit restera en l’état jusqu’au années 50′ où se disputent quelques ultimes manifestations sur une piste jugée alors peu sûre (trop inclinée et sans rails) et peu adaptée aux vitesses « modernes », en particulier au niveau des raccords virages relevés-lignes droites, trop cassants.

Les terres sont alors rachetées par un fermier qui élèvent des poulets et en interdit l’accès à tout visiteur.
Dans les années 90′, quelques téméraires tentent d’utiliser le tronçon encore praticable durant la nuit, mais il faut attendre le début des années 2000 pour que Marcel Ricart prenne le contrôle des installations, les fassent nettoyer et ouvre à nouveau la piste aux clubs et constructeurs en attendant la création d’un véritable Resort.

C’est ainsi que l’on récemment pu y voir la Bultaco Cazarécords ou les Audi R8 officielles en 2012…

 

 

Aujourd’hui, avec un peu de diplomatie, vous pouvez encore le parcourir à pieds et vous imprégner des lieux.

Pour cela, rendez-vous simplement à Sitges, commune située à une bonne vingtaine de kilomètres au sud de Barcelone par l’autoroute C-32, sortez à la sortie #26 et laissez-vous descendre vers la mer; vous trouverez alors l’autodrome sur votre gauche, quasiment libre d’accès si tant est que vous demandiez poliment le droit à une des trois ou quatre familles qui y habitent…