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Jerez de la Frontera, 4 mai 1997. Tous les regards se portent sur un homme ; Álex Crivillé. Sur le point de réaliser la plus grande course de sa carrière, il reste impassible, concentré depuis la première ligne. À ses côtés, des tueurs. sa droite, un seul homme, en la personne de Nobuatsu Aoki, sur Honda. À sa gauche, l’armada Repsol Honda, avec Mick Doohan et Tadayuki Okada, en pole.

Pause. Afin de comprendre cet épisode, un petit flashback s’impose. Arrivé en 500cc pour la saison 1992, l’équipe officielle Honda – bientôt sponsorisée par Repsol – le débauche de chez Pons pour 1994 avec des ambitions solides. Seulement voilà. Mick Doohan écrase toute concurrence et s’envole vers son premier titre de champion du monde. L’australien ne se contente pas de gagner. C’est une véritable dictature. 143 points le séparent de Cadalora, deuxième, et 173 d’Álex. Si la saison 1995 est certes plus disputée, le résultat final est le même.

Crivillé a largement progressé entre temps. En 1996, il fait assurément partie des favoris mais son début de saison est compliqué. Quand vient Jerez, quatrième manche du championnat, il compte bien redresser la barre. Doohan est parti de la pole, comme d’habitude, mais Crivillé tient bon en tête de course. Plus la distance à parcourir s’amenuise, plus « Mad Mick » se rapproche. Il a sa proie en vue. Dans le dernier tour, Crivillé est encore premier mais la confusion gagne les tribunes. En effet, il semble que les fans pensaient que la course était terminée ! Ils envahissent la piste alors même que les deux hommes se livrent une bataille dantesque !

 

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Mick Doohan en 1996, intouchable. L’Australien était sur une autre planète au milieu des nineties. Photo : Box Repsol

 

Crivillé, distrait, perd la première place au milieu des spectateurs (une scène mythique). Dans le dernier virage serré, il part à la faute et chute lourdement, ne pouvant qu’observer au loin la victoire de son coéquipier. La désillusion est immense. Cette année 1996 fut marquée par ses deuxièmes places, sept au total, et une nouvelle leçon de Doohan. L’affront, devant son public, était incommensurable. Malheureusement, les deux premières courses de l’année 1997 ne jouent pas en sa faveur. L’espagnol termine deux fois deuxième, à chaque fois derrière Doohan. Ce dernier est-il imbattable ? Peut-il remporter toutes les courses d’une saison comme l’ont fait Agostini ou Surtees avant lui ?

Puis vient Jerez, un an après l’humiliation. Aoki à sa droite, Doohan et Okada à sa gauche. Une fois le départ donné, Crivillé prend immédiatement les commandes et sort en tête de la Curva Expo’92. « Taddy » Okada, en feu, emboîte le pas et se montre menaçant. Étonnement, Doohan peine à suivre le rythme imposé et s’enlise autour de la quatrième place. Cela ne lui ressemble pas.

Le déroulé de la course est étrange. Álex roule tellement vite qu’il en devient impossible à doubler, et ce bien avant de s’échapper. Les adversaires se portent à sa hauteur, tentent de freiner plus tard en prenant la corde mais absolument rien n’y fait, il ressort toujours devant. L’autre héros du jour, Carlos Checa (Honda Pons), semble être le seul à pouvoir ne serait-ce que prendre l’aspiration à Crivillé. Mais ne parvenant pas à suivre le rythme, « El Toro » en fait trop et chute. Désormais, la Honda NSR500 frappée du n°2 progresse seule en tête.

 

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En vainqueur. Photo : Box Repsol

 

Loin derrière, Okada faiblit et doit laisser sa place à Doohan dans les derniers instants. Crivillé est dans la zone, rien ne peut l’atteindre. Il s’impose avec cinq secondes d’avance. Dans le tour de décélération, il n’exulte pas. Félicité par un Okada très sport, il s’empare d’un drapeau espagnol et célèbre avec les dizaines de milliers de spectateurs. Crivillé est vengé, en gagnant « à la Doohan », devant Doohan. La boucle est bouclée. Cependant, il garde les pieds sur terre. Comme à son habitude, Álex reste humble et mesuré dans son interview d’après course.

La suite de la saison ne laissa de place à aucun suspense. Mick s’en alla remporter dix courses consécutives (ce qui aurait pu faire treize si ce n’était pour cet exploit individuel), tandis que Crivillé se blessa lourdement à Assen et fut contraint de manquer une grande partie de l’exercice. L’histoire d’une belle rivalité, quoique déséquilibrée. Certes, Doohan était meilleur que Crivillé, là n’est pas la question. Ce jour là, après avoir subi une quasi-humiliation pareille quelques temps auparavant, Álex a été immensément grand, quoi qu’on en pense.

Vous rappelez-vous de cette course ? Dites-le moi en commentaires !

Photo de couverture : Box Repsol

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