Quelle course de folie ! Hier, Marco Bezzecchi a triomphé d’un Grand Prix dont on va se rappeler, car il y avait de tout : des retournements de situation, des chutes, du suspense, du grand pilotage avec des dépassements de folie… je crois que c’est peut-être, mon épreuve favorite cette année, en tout cas jusqu’à maintenant. Le « Bez » était un vainqueur surprise, oui, mais cela ne veut pas dire que ce n’était pas mérité. Analyse.
Un vrai racer
Tout d’abord, je me dois de rappeler que j’aime beaucoup Marco Bezzecchi. Je trouve que sur la grille, actuellement, peu ont plus de charisme et de personnalité que lui, quelque chose qui manque cruellement au MotoGP actuel – et à tous les sports de notre époque, en réalité. C’est un vrai racer, qui se fiche pas mal de ce que les gens pensent de lui, qui dit ce qu’il a envie, que ça plaise ou non. Et en plus, il a beaucoup de talent ; je trouve que sa saison 2023 est l’une des meilleures jamais réalisée par un outsider en catégorie reine.

Franchement, il a frappé fort. Photo : Michelin Motorsport
Pour en revenir à la course d’hier, effectivement, elle était promise à Fabio Quartararo ; ça ne fait aucun doute. Mais je reviendrai mercredi sur l’effort d’« El Diablo », ne vous en faites pas, car lui aussi mérite bien un article. Cependant, cela ne signifie pas que Bezzecchi n’a pas cravaché pour s’imposer, et qu’il n’a pas été la chercher de très loin ! En effet, sur une moto inférieure aux Yamaha, Honda et autres Ducati, il a réussi à se hisser rapidement aux avant-postes alors qu’il s’élançait de la 11e place. Il n’a pas été chanceux en Q2, avec ce drapeau jaune ramassé dans les derniers instants, mais il n’a rien lâché. Il a multiplié les dépassements de grande classe, et termine quand même quatre secondes devant le deuxième, ce n’est pas rien. Quand il est dans un bon jour, il est très difficile de l’arrêter : toutes ses victoires en MotoGP sont de véritables corrections.
J’aurais été heureux que Quartararo l’emporte, mais je ne le suis pas moins de voir Bezzecchi sur la plus haute marche du podium. Il a connu une saison 2024 très compliquée, et j’ai conscience que beaucoup de fans – ou plutôt, fanatiques – français ne l’aiment pas en raison de son affinité avec Valentino Rossi, d’une part, et de ses déclarations sur Marc Marquez, de l’autre. Sa signature chez Aprilia a été très critiquée, et beaucoup lui ont tourné le dos. On l’annonçait totalement perdant face à Jorge Martin, puis, contre Ai Ogura. Et finalement, c’est lui qui a eu le dernier mot, en attendant la prochaine. Alors, pour toutes ces raisons, ce succès est amplement mérité.
Bezzecchi récompense Aprilia
https://twitter.com/MotoGP/status/1926623642848264344
Il n’y a pas que Bezzecchi qui a exulté à Silverstone. Même si je n’ai pas d’affinité particulière avec Aprilia – ni avec aucune marque, d’ailleurs, le MotoGP reste un sport de pilotes comme la Formule 1 –, je dois vous avouer que j’espérais secrètement une victoire de la firme de Noale depuis deux semaines. L’affaire Martin a révélé deux choses : que le « Martinator », en attendant ses explications, n’était apparemment pas si fiable que ça ! En effet, il y a eu beaucoup de spéculation, mais les propos de Massimo Rivola après la course révélaient clairement que les rumeurs étaient vraies ; si Martin n’avait pas voulu partir, jamais il n’aurait osé dire une chose pareille. Deuxièmement, qu’Aprilia s’est fait avoir, notamment parce que Rivola himself a peut-être été « trop gentil » au moment d’ajouter cette fameuse clause en dernière minute. Et les deux options rendent l’équipe Aprilia plus attachante, car, de toute évidence, et même si j’attends de plus amples informations pour l’affirmer, ils m’ont tout l’air d’être les victimes dans cette affaire.

Bezzecchi a toujours le mot pour rire, mais n’est pas corporate pour autant. Photo : Michelin Motorsport
La marque italienne, totalement lésée par les concessions en comparaison des très avantagés Yamaha et Honda, était au fond du trou, aussi bien médiatiquement que sur la piste. La RS-GP25, peut-être pas si bien née, a réalisé un début de saison assez poussif, et malchanceux par-dessus le marché. Comme je l’avais dit dans une précédente analyse, je pense qu’Aprilia n’a pas été récompensé à sa juste valeur. La disqualification d’Ai Ogura et la chute de Marco Bezzecchi en Argentine ont grandement contribué à cette entame désastreuse sur le plan comptable, sans parler de l’absence du champion du monde en titre Jorge Martin. Si l’on omet ces facteurs déterminants de l’équation, il y avait quand même du positif, mais il n’était pas visible.
Et enfin, ce potentiel a explosé au grand jour à Silverstone, une piste historiquement favorable à la RS-GP. Nul doute que cette victoire fut vécue comme une véritable délivrance par Aprilia, qui a enfin un argument à faire valoir pour conserver Jorge Martin, si c’est encore possible. Je n’ai vraiment rien contre Yamaha et Honda, mais leur retour quasi instantané me laisse assez froid, car je sais qu’il est artificiel. Aprilia et KTM doivent cravacher deux fois plus, car ils n’ont ni l’avance de Ducati, ni les concessions et la puissance financière des deux mastodontes nippons. C’est un sujet complexe que j’ai souvent abordé en filigrane, mais cette semaine, je me suis promis d’en faire un article détaillé pour vous faire comprendre son importance. Quoi qu’il en soit, voir ce combo Bezzecchi/Aprilia gagner me donne la banane, car c’est une belle revanche à tous les niveaux.
Je suis curieux de savoir ce que vous avez pensé de cette victoire surprise. Dites-le-moi en commentaires !

Pour Martin, il n’y avait pas pire timing. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport