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MotoGP

Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur un sujet important trop souvent ignoré par les fans de MotoGP. Cela fait maintenant plusieurs semaines que j’évoque le retour des constructeurs japonais en filigrane, dans différents articles. Effectivement, il est foudroyant : Honda et Yamaha cumulent, sur les trois derniers Grands Prix, trois poles, une victoire et deux podiums. Et pour autant, je ne suis pas particulièrement impressionné. Je sais que ça peut choquer, mais je vais m’expliquer.

 

Les concessions en MotoGP

 

Vous entendez souvent parler des concessions MotoGP, mais les connaissez-vous vraiment ? Si vous êtes calé, vous pouvez directement avancer au point « Gel des moteurs ». Je vais vous l’expliquer en un paragraphe, aussi simplement que possible. Les concessions sont des avantages offerts par le règlement aux constructeurs en fonction de leur niveau. Si une marque gagne tout, alors elle pourra faire moins de tests, aura moins de wild-cards, etc. Et si une marque est à la traîne, alors, elle bénéficiera de plus de carénages différents, plus de moteurs… ce système assez ingénieux existe pour garantir l’homogénéité du plateau, en théorie. Je ne vais pas vous détailler le calcul, mais les concessions sont relatives aux points récoltés par les marques sur des périodes données.

 

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Après le Grand Prix d’Espagne, Claudio Domenicalli, PDG de Ducati Corse, affirmait que « Ducati évoluait avec un règlement différent » suite au podium de Quartararo. Et il avait raison. Photo : Michelin Motorsport

 

À la lecture du précédent paragraphe, un terme vous a peut-être choqué : l’homogénéité. On se demande où elle est, car Ducati gagne tout depuis 2022. S’ils travaillent mieux et qu’ils engagent plus de motos, c’est logique, et fair. Sachez que la domination de Ducati ne plaît pas moins à vous qu’aux dirigeants de la DORNA, qui se rendent compte que le public aimerait aussi voir davantage de marques aux avant-postes.

 

Le gel des moteurs en MotoGP

 

On en vient donc aux catégories de concessions. Les constructeurs, toujours d’après leurs résultats, sont classés en quatre catégories : A, B, C et D. En A, on retrouve Ducati, qui ne bénéficie que de 170 pneus pour les tests, d’aucune wild-card pour la saison, et qui ne peut faire homologuer que deux carénages différents par an. La firme de Borgo Panigale domine tellement que personne n’est en catégorie B. En Catégorie C, on retrouve KTM et Aprilia, et en D, les deux constructeurs japonais, à savoir, Honda et Yamaha. Au milieu de la saison, les cartes peuvent être redistribuées en raison des résultats, ce qui ne devrait pas tarder (pour juillet). Mais c’est sous ce régime que ce sont disputé les sept premiers Grands Prix.

Maintenant que vous avez le paysage en tête, laissez-moi vous parler du gel des moteurs, car c’est précisément le point qui me dérange. Pour limiter les coûts et inciter les constructeurs à se focaliser sur 2027, les équipes ont dû geler leurs moteurs avant le Grand Prix de Thaïlande 2025. Ils devront composer avec jusqu’à la fin de la saison 2026. Tous ? Non. Seules les marques de la catégorie D peuvent encore travailler librement sur leur moulin, tant qu’ils n’ont pas le pourcentage de points nécessaire pour passer en « C ». Il faut savoir que cela a été approuvé par tous les directeurs d’équipes MotoGP, mais plusieurs détails me gênent dans cette histoire.

 

Aprilia et KTM lésés

 

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Honda se focalise moins sur le moteur que Yamaha, mais leurs progrès sont aussi permis par les nombreuses wild-cards d’Aleix Espargaro. Photo : Michelin Motorsport

 

Qui en sort gagnant ? Ducati, d’abord, et je vais vous expliquer pourquoi. La marque italienne a une base largement supérieure au reste, et c’est encore le cas puisque la Desmosedici GP24 est encore dominante en 2025. D’ailleurs, le moteur scellé pour les saisons 2025 et 2026 est similaire à celui utilisé en 2024. Yamaha et Honda, eux, ne sont pas seulement gagnants : ils ont touché le jackpot.

Les deux géants nippons peuvent faire évoluer librement leurs moteurs, pendant que KTM et Aprilia – qui n’était guère loin du rang « D » à la fin de la saison dernière – doivent composer avec le même moteur pendant tout ce temps. Si l’on s’arrête à cette réflexion, ça peut paraître logique. Et puis, si Aprilia et KTM se ratent, ils passeront en D et bénéficieront des mêmes avantages que Yamaha et Honda en MotoGP. Oui, mais non.

Si Aprilia et KTM passent en D, ils pourront effectivement toucher immédiatement au moteur (en plus des autres paramètres relatifs à la catégorie de concessions), comme le confirme le point 2.4.2.6 du règlement technique. Mais si Yamaha et Honda passent de D à C, alors les contraintes ne seront effectives qu’au début de la saison prochaine ! Cette différence s’explique par le fait qu’il est difficile de planifier le développement d’un moteur. Si les cartes sont redistribuées en cours d’année, cela signifierait donc que Yamaha et Honda gagneraient a minima une demi-saison sur le développement par rapport à Aprilia et KTM. Passe encore.

 

Un faux argument ?

 

Il existe un plus gros problème, et celui-là me chagrine réellement. La FIM a introduit ce gel des moteurs en prétextant une baisse des coûts, ou plutôt, pour inciter à réorienter ceux-ci vers 2027. Sauf que ce n’est pas le cas. Yamaha et Honda, deux des plus gros constructeurs mondiaux, ont des moyens illimités pour travailler sur cet organe. Nous ne sommes qu’en juin, et Yamaha a planché sur quatre moteurs différents cette saison. Il y a celui avec lequel les pilotes ont débuté l’année, bien sûr. Puis, il y a l’évolution du quatre en ligne apportée pour les tests de Jerez, qui est désormais adopté par les pilotes. Il y a également le fameux V4, dont le coût est estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros – car il faut changer toute la moto – par certains ingénieurs. Et, finalement, il y a le 850cc de 2027 qu’il faut développer en parallèle. Ne trouvez-vous pas cela totalement contradictoire avec la volonté de la FIM, qui voulait limiter les dépenses en MotoGP ?

 

Sans lui manquer de respect, voir Jack Miller aux avant-postes en 2025 doit vous mettre la puce à l’oreille. À Silverstone, il a dit qu’il n’avait « jamais piloté une moto aussi performante » sur ce tracé, alors qu’il a été pilote d’usine Ducati pendant deux ans. Photo : Michelin Motorsport

 

Les deux plus puissants, sous prétexte qu’ils ont fait de mauvais résultats les saisons passées, ont carte blanche. Voici la raison pour laquelle je ne suis pas particulièrement impressionné par les résultats de Quartararo et de Zarco, même si j’ai conscience que la victoire de ce dernier était plus circonstancielle que les trois poles d’« El Diablo ». Aprilia et KTM sont les grands perdants, car ils ne jouissent pas d’un matériel de base aussi performant que Ducati, et, en plus, ils ne peuvent pas, ou très peu, l’améliorer. S’ils repassent en « D », ils pourront s’y mettre eux aussi. Mais Aprilia n’a pas la même force de frappe que Yamaha, et a donc meilleur temps de rediriger ses efforts sur la prochaine MotoGP ! Ils ne pourraient pas se permettre de copier la firme d’Iwata, et c’est en ça que la règle me gêne.

Je voudrais vous poser une simple question : pensez-vous que la catégorie D aurait été exemptée du gel des moteurs si Aprilia et KTM y étaient en lieu et place des Nippons ? Je n’oserais pas affirmer que les constructeurs japonais sont favorisés, mais on a vu que leurs efforts n’ont absolument pas porté leurs fruits ces dernières années. Depuis 2020 pour Honda et 2022 pour Yamaha, ils sont dans le dur, et n’arrivent même pas à rivaliser avec de bien plus modestes entreprises. Si j’étais aux manettes et que je voulais à la fois stopper la domination Ducati, et à la fois faire revenir les Japonais dans le match de manière assez artificielle, je ne m’y prendrais pas autrement.

 

Conclusion

 

Attention : je n’accuse personne, et je ne me plains pas de ces mesures. Après tout, ça fait plus de spectacle en piste, et ça permet aux excellents pilotes que sont Fabio Quartararo et Johann Zarco de se relancer en MotoGP. Je voulais simplement vous mettre au courant de la réalité des choses, et je pense qu’il est légitime de se questionner sur ce prompt retour devant, après plusieurs années consécutives de résultats en berne. Cela ne veut pas dire qu’ils ne travaillent pas dur, car Yamaha démontre actuellement une discipline de fer, une réelle envie de revenir au top avec un recrutement d’ingénieurs de génie. Mais cela est aussi conditionné par cette aide réglementaire dont trop peu de gens parlent.

Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de tout ça. Dites-le-moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

Le pire, c’est que passer de « C » à « D » est difficile, car ça ne tient pas compte de la performance, mais seulement des résultats. Par exemple, pour ses trois poles dominantes, Quartararo n’a récolté « qu’une » deuxième place. Aprilia, nulle part depuis le début de saison, a gagné une course qui devait être perdue. La règle ne tient pas compte de la dynamique. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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