C’est passé un peu inaperçu, mais Carmelo Ezpeleta a fait quelques commentaires plutôt alarmants sur le Grand Prix d’Aragon. S’il a réaffirmé son amour pour le Motorland et cette région de l’Espagne, il a également affirmé qu’en cas d’expansion mondiale, le championnat MotoGP pourrait avoir à se séparer de ce tracé après 2026. Qu’en penser ? Aragon est-il toujours au niveau ? Doit-on le sacrifier ? Une analyse s’impose.
La logique inquiète
Ezpeleta, que l’on doit remercier pour ce qu’il a apporté aux Grands Prix motos, est très intelligent. Il sait qu’avec l’arrivée de Liberty Media, le MotoGP peut exploser à l’international, et bénéficier d’une exposition similaire à la Formule 1. Personnellement, je crois qu’on ne pourra jamais rattraper le championnat de monoplaces en termes de popularité, mais je pense tout de même qu’il y a du potentiel.

En danger ? Photo : Michelin Motorsport
On a vu, avec la F1, le championnat s’américaniser ces dernières années. Les circuits historiques sont en danger : Spa-Francorchamps ne va subsister qu’en alternance – ce qui n’est jamais bon signe –, alors que Monaco, le joyau de la couronne, pose question au vu du piètre spectacle qu’il propose. Le MotoGP pourrait donc être amené à se séparer de ses bijoux et se rediriger aux USA ou dans les pays du Golfe.
C’est en ce sens qu’Aragon pose question, et je comprends tout à fait la logique de Carmelo Ezpeleta. Oui, c’est un circuit exceptionnel, mais l’Espagne, avec quatre courses, a une place trop importante de nos jours. C’était sans conséquence il y a dix ans, mais on ne peut plus seulement avoir des Espagnols et des Italiens – qui, de surcroît, parlent très mal anglais – au plus haut niveau. C’est aussi grâce à l’émergence de pilotes aimés et appréciés partout dans le monde que la F1 en est là, car elle veut être partout à la fois, pas uniquement concentrée sur un pays ou une région du monde.
Cela peut paraître fou, mais jamais notre championnat n’a autant eu l’accent espagnol. Tous les jeunes talents qui arrivent sont issus de ce pays, et, pour la majorité d’entre eux, de Catalogne. C’est aussi visible dans les catégories de promotion, par ailleurs. Selon moi, cette dynamique est absolument incompatible avec la croissance apparemment désirée par les hauts décisionnaires.
Aragon, le cœur du problème ?
Parlons maintenant du circuit, car il est vrai qu’Aragon catalyse ces critiques depuis plusieurs années. C’est la cible facile en péninsule ibérique, notamment parce que le lieu n’est pas sexy. Il faut savoir que les investisseurs visent les « gros marchés », les grandes villes attractives pour l’image, d’une part, mais aussi pour le business. C’est particulièrement visible en F1, où le développement s’articule autour des mégalopoles, comme Miami, Las Vegas, Jeddah, Madrid, Abou Dabi, et bien d’autres. En comparaison, le désert d’Alcaniz, bourgade de 16 000 habitants, ne fait pas rêver, vous en conviendrez – d’un point de vue purement business, je n’ai rien contre le paysage.

Le mur, c’est sympa, mais ce n’est pas très vendeur. D’ailleurs, les audiences n’étaient pas très bonnes en Espagne pour ce GP diffusé en clair – comme toutes les autres manches espagnoles là-bas. Photo : Michelin Motorsport
À vrai dire, je ne vois pas quel autre tracé nous pourrions supprimer si l’on devait en enlever un du calendrier. Jerez est absolument intouchable, c’est un endroit trop important pour le MotoGP et son histoire. Il y a aussi Valence, mais ce circuit est connecté à une assez grande ville, en plus de revêtir d’une importance considérable pour le mondial, car c’est là que se déroule la finale. Puis, reste Catalunya, lié à une vraie grande destination touristique et une région culturellement importante, dont la majorité des pilotes sont issus.
Aragon est également le plus récent tracé des quatre, introduit en 2010. Il n’a jamais vraiment su s’imposer : la preuve, il était absent en 2023 et cela n’a choqué personne, on l’aurait presque oublié. Le tracé est apprécié par les pilotes, et s’il est vrai que les épreuves en petites catégories sont souvent passionnantes, on a connu plus de purges que de batailles serrées en MotoGP. C’est le fusible en Espagne, sans aucun doute.
Conclusion
Répondons à cette ultime question : L’Espagne a-t-elle trop de circuits ? Je crois que oui, et que la fin de cette ère est proche. Si Liberty Media applique la même stratégie qu’à la Formule 1, il sera impensable de compter quatre – et ne serait-ce que trois – circuits dans le même pays. Personnellement, je préférerais voir disparaître Catalunya qu’Aragon, mais je suis conscient que la situation géographique du Motorland joue contre lui ; Valence suivra s’il est nécessaire de trancher dans le vif.
D’ailleurs, comme ouverture, je vous propose de réfléchir aux autres circuits qui pourraient ne pas survivre à un changement de propriétaire. Par exemple, je serais très surpris de voir les MotoGP courir sur de vieux tracés européens, comme le Sachsenring ou Brno encore dix ans, au rythme où Liberty Media impose ses changements.
Que pensez-vous du circuit d’Aragon, et surtout, comment réduiriez-vous l’influence espagnole en Grands Prix motos ? Dites-le-nous en commentaires !

Si ça ne tenait qu’à moi, Catalunya aurait déjà disparu du calendrier. Les courses y sont globalement très peu intéressantes en MotoGP. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport