Qu’est-ce qui peut bien différencier les plus grands champions des très bons pilotes ? En MotoGP, tous ont le talent pour s’imposer, pour créer la surprise, voire, pour remporter un titre. Mais tous ne sont pas Marc Marquez. Pourquoi ? L’une des qualités partagées par toutes les plus grandes légendes se résume en une phrase : ils sont capables de gagner quand c’est nécessaire. Et cette fois, Marquez a montré à Pecco Bagnaia que c’était fini pour lui, tout du moins, en 2025.
Le meilleur Grand Prix de sa carrière
Je ne sais pas si je suis le seul à y avoir pensé, mais j’ai trouvé que ce GP d’Italie était le meilleur de toute sa carrière. Oui, pour moi, c’est plus fort que n’importe quelle victoire au Sachsenring ou à Austin, plus fort encore que son premier succès au plus haut niveau. Celle-ci, elle surpasse toutes les autres en raison du contexte.

Une décoration tout simplement magnifique. Photo : Michelin Motorsport
Même s’il était favori avant d’arriver en Toscane, Marc Marquez faisait face à son plus grand challenge cette saison. Il était déjà largement devant au classement général, mais Pecco Bagnaia pouvait profiter du Mugello pour enfin battre Marquez cette année, ce qui n’est encore jamais arrivé quand les deux pilotes franchissent la ligne. Le circuit était immensément favorable à l’Italien, qui y était invaincu depuis 2022. Pour cette raison, Marquez arrivait avec un état d’esprit bien différent : son objectif était de perdre le moins de points possible, alors que Pecco, lui, devait gagner, marquer son territoire, relancer sa saison.
Pour bien comprendre l’enjeu, il faut rappeler que, si certains circuits sont favorables à Bagnaia, comme Assen qui arrive, celui-ci était singulier parce qu’il est, en même temps, historiquement défavorable à Marc Marquez. Il n’y avait gagné qu’une seule fois en MotoGP, en 2014, au terme d’une bagarre acharnée avec Jorge Lorenzo. Il m’a très souvent déçu au Mugello, et c’est, à mon sens, le circuit où il est le moins fort. À cela, il faut rajouter la menace qu’incarne son frère Alex, et tous les Italiens qui veulent bien faire à domicile ; Franco Morbidelli et Fabio Di Giannantonio, notamment, pouvaient s’avérer dangereux. Comme nous l’avons vu samedi après-midi, le public n’était pas avec lui, ce qui, potentiellement, pouvait rajouter de la pression supplémentaire sur les épaules du n°93.
Et pourtant. Malgré ces paramètres contre lui, ce contexte défavorable, il ne fit qu’une bouchée de ses adversaires. Le vendredi, il n’était pas particulièrement impressionnant, mais bien placé. On pouvait penser que Bagnaia avait la main suite à la Practice, mais les qualifications nous ont rappelé qui était le patron. Marquez, assez sereinement, oserais-je dire, réalisa le nouveau record du tour et sa 100e pole en carrière par la même occasion. Pendant le Sprint, pas plus de suspense. Il s’agissait de sa huitième réalisation cette année. Pour rappel, le record de victoires sur le format court en une saison est toujours détenu par Jorge Martin (neuf en 2023)… mais nous ne sommes qu’à la neuvième manche.
Finalement vint le Grand Prix, sur lequel j’ai davantage de choses à dire. Outre le fait que ce fut le meilleur de la saison jusqu’à maintenant, ces cinq premiers tours voulaient dire beaucoup. J’ai eu une impression particulière, que je n’avais pas ressentie depuis longtemps. C’est comme si Bagnaia jouait à la bagarre tout seul. On sentait bien que les deux voulaient passer devant, d’accord, mais Marquez ne donnait absolument pas l’impression de forcer. La science de la bataille est l’un des points faibles de l’octuple champion du monde, qui a perdu de trop nombreuses courses en un contre un. Mais cette fois, il paraissait tellement au-dessus, tellement en contrôle, que Bagnaia me faisait de la peine. C’est comme quand un grand frère s’amuse à rendre des petits coups peu puissants à son cadet.

Depuis Jerez, son approche est juste excellente. Photo : Michelin Motorsport
Pecco, lui, était sur le fil, tentait l’impossible, se torturait pour essayer d’impressionner, peut-être, son vis-à-vis. Mais Marquez a réagi de la bonne manière. Il n’était pas aussi incisif, et préservait ses pneus. Passé le cinquième tour, Bagnaia était en perdition, derrière Alex Marquez, sans rien pouvoir faire. C’est pour cette raison que je ne considère pas ces cinq premières boucles comme une grande joute ; en réalité, l’un des deux protagonistes maîtrisait totalement la situation sans rien craindre. Et l’autre, malheureusement, était agressif, mais pas menaçant.
First win at Mugello since 2014 🔙
This is what it feels like 🎉 #ItalianGP 🇮🇹 pic.twitter.com/iUVc1V9Zjx
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) June 22, 2025
Marquez vs Bagnaia ; une différence d’attitude
C’est en cela que Marquez était si fort. L’Espagnol n’est pas retombé dans ses travers, il ne s’est pas laissé happé par le piège de l’attaque à outrance, de la prise de risque. Et comme je le dis depuis fin 2022, c’est comme ça qu’il est le plus fort, pas quand il se met dans la tête que c’est « le champagne ou le gravier » pour reprendre l’expression de Fabio Di Giannantonio.
Son langage corporel était totalement en adéquation avec son pilotage. Calme, posé, tranquille, même pas dérangé par les nombreux fans qui le huaient à l’arrivée du Sprint. Ce Marquez heureux que l’on voit évoluer depuis le début de saison est définitivement l’un des meilleurs pilotes de tous les temps, et c’est ce genre de week-end qui peut entériner sa place dans le débat du plus grand de l’histoire. Reste à faire la même chose à Assen, un circuit sur lequel Bagnaia était imprenable ces dernières saisons, mais où Marc Marquez est également beaucoup plus fort qu’au Mugello.
Je suis curieux de savoir ce que vous avez pensé de ce week-end de Marquez. Est-ce celui qui lui garantit définitivement le titre de champion du monde ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Une classe d’écart. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport