Marc Marquez a retrouvé son éclat depuis son arrivée chez Ducati en 2024. Après des années de galère chez Honda, marquées par des blessures et une RC213V en perte de vitesse, l’octuple champion du monde domine à nouveau, écrasant la concurrence, y compris ses coéquipiers. En 2025, sur la Desmosedici GP25, Marquez a remporté la presque totalité des courses (sprints inclus), reléguant Francesco Bagnaia, double champion du monde, à plus de 100 points au classement. Cette domination rappelle ses années fastes chez Honda (2013-2019), où il éclipsait Dani Pedrosa et Jorge Lorenzo, remportant six titres MotoGP. Mais ce parallèle soulève une question brûlante : Ducati risque-t-il de subir le même sort que Honda, dont le projet MotoGP ne s’est jamais remis de l’appropriation totale par Marquez ?
Chez Honda, Marquez était le centre névralgique. Entre 2013 et 2019, il a accumulé 56 victoires et 420 points en une saison record (2019), masquant les failles d’une moto difficile à piloter pour ses coéquipiers. « J’étais le seul à gagner sur la Honda. Les autres souffraient », a-t-il reconnu. Quand les blessures l’ont écarté en 2020, Honda s’est effondré, incapable de développer une machine compétitive sans son pilote star. De 2020 à 2023, Marquez a porté à bout de bras une RC213V défaillante. Le départ de Marquez pour Gresini Ducati en 2024 a laissé Honda dans un marasme, avec seulement une victoire d’Alex Rins en 2023 et de Johann Zarco au Mans en 2025, le tout depuis 2018.
Aujourd’hui, chez Ducati, Marc Marquez reproduit ce schéma. À Buriram, il a dominé le Grand Prix de Thaïlande, prenant la pole, le meilleur tour et la victoire, laissant Bagnaia dans l’ombre. Son frère Alex, sur une GP24 chez Gresini, suit de près, mais Bagnaia, sur la même machine usine, semble désemparé. Marquez, avec son style agressif et son génie pour repousser les limites, extrait le maximum de la Desmosedici, comme il le faisait avec la Honda. Mais cette mainmise pourrait-elle fragiliser Ducati à long terme. A Brno, il a dominé encore son sujet, mais aucune autre Ducati n’a partagé son podium tchèque.
Marc Marquez est une bénédiction et une malédiction. Il gagne, mais il aspire tout l’oxygène
Le risque est réel. Honda s’est reposé sur le talent exceptionnel de Marquez, négligeant un développement équilibré. Quand il a chuté, le projet s’est écroulé. Ducati, avec son armada de huit motos sur la grille, a une structure plus robuste. La Desmosedici domine depuis 2022, remportant 18 des 19 Grands Prix en 2024. Cependant, l’arrivée de Marquez a bouleversé l’équilibre. En forçant son passage dans l’équipe usine au détriment de Jorge Martin, il a non seulement privé Ducati d’un champion en devenir (Martin, désormais chez Aprilia), mais aussi fragilisé Pramac, passé chez Yamaha.
Si Marquez continue d’éclipser Bagnaia et monopolise les ressources techniques, Ducati pourrait devenir dépendant de son génie, comme Honda autrefois.
Pourtant, Ducati semble mieux armé pour éviter ce piège. Contrairement à Honda, qui misait tout sur Marquez, Ducati bénéficie d’une profondeur de talents et d’une ingénierie de pointe menée par Gigi Dall’Igna. Cependant, si la GP25 est une évolution mineure de la GP24, Marquez fait la différence.
Ducati dispose d’un vivier de données, avec plusieurs pilotes compétitifs capables de fournir des retours variés, contrairement à Honda, où Marquez était souvent le seul à tirer son épingle du jeu. « Nous avons une structure solide. Marc est un atout, pas une dépendance », insiste Gigi Dall’Igna, le cerveau derrière le succès de Ducati.
Cependant, des signaux inquiétants émergent. Bagnaia, pourtant double champion pour la marque, semble déstabilisé par l’omniprésence de Marquez. « Pecco doit se battre contre un coéquipier qui monopolise l’attention », note un post sur X, reflétant le sentiment de certains fans. Si Marquez continue de tout rafler, il pourrait démoraliser ses coéquipiers, comme Pedrosa et Lorenzo à l’époque de Honda. L’exode de talents comme Martin vers Aprilia montre que Ducati n’est pas à l’abri de tensions internes. Marc Marquez est une bénédiction et une malédiction. Il gagne, mais il aspire tout l’oxygène.
Le parallèle avec Honda s’arrête pourtant là. Ducati, contrairement à son rival japonais, a une culture d’innovation et une gestion proactive. En 2024, malgré la perte de Pramac, l’équipe a restructuré ses partenariats satellites avec Gresini et VR46, assurant une continuité. Marquez lui-même nuance son rôle : « je ne suis pas là pour tout prendre. Je veux gagner, mais Ducati a une base solide sans moi. »
Cette humilité, réelle ou stratégique, contraste avec son emprise totale chez Honda. Le danger pour Ducati existera si Marquez devient l’unique point de référence, au détriment d’un développement collectif. Pour l’instant, la marque italienne semble naviguer habilement, utilisant le génie de Marquez pour briller tout en préservant sa structure. Mais l’histoire de Honda reste un avertissement : un champion peut élever une équipe au sommet, mais une dépendance excessive peut précipiter sa chute. Ducati devra veiller à ne pas céder tout son projet à l’insatiable Marquez, sous peine de voir son empire vaciller lorsqu’il raccrochera le cuir.
Course MotoGP GP de République tchèque
Classement général MotoGP