Yamaha est dans une situation assez étrange, et se retrouve maintenant avec une équation très difficile à résoudre. D’un côté, Fabio Quartararo extrait le maximum de sa moto, notamment en qualifications. Le Français, déjà auteur de quatre pole positions cette saison, parvient à se hisser fréquemment au niveau des meilleurs, au moins dans cet exercice. Mais il ne pourra pas faire revenir la firme aux diapasons au top tout seul, il lui faut un très bon supporting cast, d’autres pilotes capables de briller, au moins de temps en temps. Et c’est là tout le problème.
Un casting à la hauteur de l’ambition
Yamaha est peut-être le constructeur le plus ambitieux de la grille. Doté d’une puissance financière considérable, la marque japonaise travaille sur de nombreux projets en même temps, et se permet même de développer un moteur 1000cc V4, qui va à l’encontre de sa philosophie en MotoGP, pour un an seulement. À vrai dire, on ne sait même pas si on le verra en course. Les moyens mis en place sont faramineux, et Pramac Racing, sans doute la meilleure écurie privée de l’histoire de la discipline, a rejoint les rangs. On pourrait donc croire que tout va pour le mieux, mais le problème, c’est que les pilotes ne sont pas au niveau du challenge.

Yamaha ne doit pas faire comme Honda, qui s’est trop reposé sur Marc Marquez. Photo : Yamaha
C’est assez triste à dire, mais c’est la vérité. J’étais particulièrement impressionné du recrutement d’Augusto Fernandez en tant que pilote d’essai, car je l’ai toujours bien aimé et qu’il est un remplaçant de luxe : il est rare d’avoir des champions du monde si jeunes à disposition à ce poste. Je ne peux pas vraiment dire s’il fait du bon travail ou non, car son œuvre est discrète. En course, ce n’est pas trop ça – notamment à Brno –, mais je reste optimiste.
Trois pilotes en danger
Vient maintenant le moment d’évoquer les titulaires, le vrai sujet qui fâche. Si ça ne tenait qu’à moi et si on ne m’imposait pas de restrictions, je changerais trois pilotes sur quatre. Vous avez bien lu. Tout d’abord, Miguel Oliveira, le choix le plus évident. Chez Pramac, il n’y arrive pas, et a encore été blessé en début de saison. J’en ai fait un article récemment, mais je vais le redire ici : je ne vois pas d’issue favorable pour le Portugais. Avec la future arrivée de Toprak Razgatlioglu en 2026, il est très difficile de l’imaginer conserver un guidon chez Yamaha, d’une part, mais ailleurs également.
Ensuite, parlons d’Alex Rins, qui, apparemment, est également menacé. Alors, il est assez régulier, certes, mais ne casse pas trois pattes à un canard. Bien sûr, Fabio est une star, l’un des meilleurs pilotes de la grille. Mais l’écart est juste trop important entre les deux hommes. Un seul top 10 le dimanche, un seul finish dans les points en Sprint, 18e du classement général, seulement 42 points au compteur (contre 102 pour un Quartararo qui aurait pourtant pu avoir plus), derrière Jack Miller… ça fait beaucoup.
Cela fait deux ans maintenant que je dis que Rins n’y est plus, je ne le reconnais pas. Il a perdu la fougue, il n’a plus le visage aussi éclairé qu’avant. Pourtant, il n’a que 29 ans, mais j’ai la forte impression que, comme pour Miguel Oliveira, la fin est proche. Et il ne s’est pas encore blessé, mais, si l’on se fie à son bilan depuis son arrivée en MotoGP lors de la saison 2017, une nouvelle absence est plus que probable. La place de Rins est dans une équipe satellite, avec l’ambition de faire deux-trois coups d’éclat dans l’année, un peu comme lorsqu’il était chez Honda LCR. Mais pas dans une équipe qui veut revenir et rester au sommet.
Reste donc Jack Miller, actuellement pressenti pour remplacer Alex Rins dans l’équipe d’usine. Je comprends parfaitement l’intérêt d’avoir un Australien dans l’équipe, car c’est une nationalité importante pour la DORNA comme pour Liberty Media. Je reconnais également que, contrairement à Rins et Oliveira, « Jackass » a été capable de trouver de la vitesse au guidon de la YZR-M1, notamment en Thaïlande, à Silverstone et à Austin. Et je vois également le potentiel de retombées médiatiques que sa personnalité pourrait générer à l’ère du nouveau propriétaire américain. Je sais tout ça, oui. Mais est-ce que Miller pilote d’usine vous ferait encore rêver en l’an 2026 ? Je veux dire, il est capable de s’illustrer de temps en temps, mais son début de saison n’a rien d’exceptionnel.

Alex Rins est bien trop discret. Photo : Yamaha
Premièrement, il est toujours atteint d’une irrégularité chronique, ce qui n’aide pas son bilan statistique, et gâche de belles occasions. Deuxièmement, la réalité est la suivante : il est 14e du classement, loin de Quartararo. Certains me diront qu’il débute sur Yamaha, et c’est la vérité. Mais rappelez-vous de ses années KTM : il n’a jamais été aussi bon que sur les premières manches, pour une raison qui m’échappe.
Ainsi, son profil ne me convainc guère, et j’ai du mal à entrevoir ce qu’il pourrait apporter de plus en tant que pilote d’usine.
De nouvelles têtes, la solution ?
Revenons rapidement sur la signature de Toprak, à laquelle je ne croyais pas du tout. Ça fait maintenant deux ans que je vous répète la même chose : je suis persuadé qu’il n’arrivera pas à s’accommoder aux MotoGP. La différence de niveau entre le Superbike et la discipline reine est aujourd’hui trop importante. Mais au moins, Yamaha a pris un risque, et je le salue. Là encore, ce choix est intéressant du point de vue marketing, mais ça ne fait pas gagner des courses. Je peux me tromper, mais j’ai peur d’une nouvelle erreur de casting.
Pour pallier à ces problèmes, je miserais sur de nouvelles têtes. On parle de Diogo Moreira, pilote brésilien en Moto2, et ça serait très bien aussi ! Yamaha a encore le temps, car l’objectif est d’être prêt pour 2027, j’imagine, lorsque les cartes seront rebattues. Alors, pourquoi ne pas prendre un risque avec un, voire deux jeunes prometteurs ? Quand je pense que l’excellent Aron Canet ou le leader du championnat Moto2 Manuel Gonzalez n’ont toujours pas de guidon, ça me fout en rogne de voir Oliveira et Rins décrochés sans que les susnommés n’aient la moindre chance d’accéder à ces positions.
Quoi qu’il en soit, je n’imagine pas le futur de Yamaha en MotoGP sans l’éviction de certains éléments. C’est cruel, mais c’est la dure loi du sport de très haut niveau.
Qu’en pensez-vous ? Que feriez-vous avec des moyens illimités ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

On dit que Miguel Oliveira est un très bon pilote d’essai, pourquoi ne pas le recycler à ce poste. Mais du coup, qu’adviendrait-il d’Augusto Fernandez ? Une nouvelle équation à double inconnue. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Yamaha