Chez Aprilia l’histoire de la saison 2025 s’écrit à deux vitesses. Marco Bezzecchi, brillant transfuge de l’équipe VR46, s’est rapidement imposé comme un pilier du projet RS-GP25. À l’inverse, Jorge Martin, recruté comme champion du monde en titre, peine à retrouver son rythme après une cascade de blessures qui ont compromis sa première moitié de saison.
Lorsque Jorge Martin a signé chez Aprilia à l’intersaison, tous les regards étaient tournés vers le nouveau duo qu’il allait former avec Bezzecchi. Mais ce rêve de domination à deux s’est vite heurté à la dure réalité du sport : une fracture de la main dès les premiers tours de roues en mars, puis un terrible crash au Qatar en avril, avec 11 côtes cassées et un hémopneumothorax.
Résultat : Martin a manqué 10 des 11 premières courses de la saison, un retard quasi impossible à combler dans une grille MotoGP plus serrée que jamais.
Malgré ce parcours chaotique aggravé par des velléités de départ prématuré, le pilote espagnol de 26 ans affiche des signes encourageants : une quatrième place en République tchèque, des performances solides en Autriche et en Hongrie, et une présence de plus en plus visible aux avant-postes.
Pendant que Martin panse ses plaies, Marco Bezzecchi construit discrètement l’une des meilleures saisons de sa carrière. L’Italien a déjà six podiums à son actif, dont une victoire au Sprint de Misano depuis la pole, et une bataille épique face à Marc Marquez pour la victoire lors du Grand Prix de Saint-Marin.
Il occupe actuellement la quatrième place du championnat, à seulement 8 points de Pecco Bagnaia (Ducati), dans la lutte pour la médaille de bronze. Sa régularité et son adaptation rapide à la RS-GP25 impressionnent autant que sa capacité à extraire le meilleur de la machine dans toutes les conditions.
Bezzecchi et Martin : une entente cordiale chez Aprilia … pour combien de temps encore ?
Le week-end de Misano a illustré la bonne entente actuelle entre les deux pilotes Aprilia. En essais libres, Bezzecchi a « tracté » Martin jusqu’en Q2, tandis qu’en retour, l’Espagnol a servi de lièvre à son coéquipier lors de la Q2, lui permettant de décrocher la pole.
Mais Massimo Rivola, PDG d’Aprilia Racing, reste lucide : « je suis fier de Jorge et Marco, il y a une excellente ambiance dans le box. Mais j’espère qu’elle restera même lorsqu’ils seront tous deux au sommet. » Et de glisser, non sans ironie à notre collaborateur sur place Luca Bartolomeo : « deux pilotes aussi forts ne devraient pas vraiment être amis. »
Une rivalité latente ? Peut-être. Car dès que Martin retrouvera son niveau de qualification — son talon d’Achille actuel — la lutte pour le statut de n°1 chez Aprilia s’annonce féroce.
Le constat est sans appel : pour rivaliser à armes égales avec Bezzecchi, Martin doit retrouver son tranchant du samedi. Lors du GP de Catalogne, il ne s’est qualifié qu’en 18e position — un handicap énorme à ce niveau. Et tant que le champion du monde 2024 ne résout pas ce point faible, Bezzecchi restera le leader de facto du projet Aprilia.
Ce qui attend Aprilia est ainsi évalué : Bezzecchi est en lice pour le top 3 mondial, et il a prouvé que la RS-GP25 pouvait gagner. Martin est encore en phase de reconstruction, mais la pointe de vitesse reviendra — et avec elle, peut-être des étincelles dans le box.
Une belle situation à gérer en MotoGP pour Aprilia, mais aussi un test grandeur nature de sa capacité à gérer deux coqs dans le même poulailler.