Il y a des champions qui partent en pleine gloire, et d’autres qui savent reconnaître le moment de lâcher prise. Jonathan Rea appartient à la seconde catégorie. Le sextuple champion du monde de Superbike, monument de la discipline, a annoncé que 2025 serait sa dernière saison. Une décision mûrie, douloureuse, mais portée par une lucidité implacable.
La carrière de Rea s’est construite sur l’obsession de gagner. Mais à Most, lors d’une chute en essais libres, un déclic brutal a tout changé. « En glissant, j’ai fait un petit contrôle d’épaule. J’ai vu la moto arriver vers moi et je me suis dit : je n’en ai plus besoin, et j’ai su que c’était fini. »
Ces quelques secondes ont scellé son destin. L’homme invincible, forgé par des années de triomphes, a senti la fatigue, les blessures et le poids du temps. Il n’était plus question de titre ou de podiums. Mais d’arrêter, enfin.
Rea n’a jamais rien fait d’autre que courir. Depuis l’âge de cinq ans, sa vie s’est confondue avec les circuits. Alors, il l’admet sans détour : la retraite l’effraie. « J’ai peur de la retraite. Pour moi, l’avenir est incertain et c’est un sentiment étrange. Ça m’inquiète. »
Son salut, il l’imagine désormais loin des podiums, dans les moments simples – regarder ses enfants jouer au football, profiter d’une vie qu’il n’a jamais vraiment eue. La gloire passée s’efface devant une quête plus intime : l’épanouissement personnel.
Jonathan Rea : « je veux terminer en sachant que j’ai donné 100 % à chaque tour, chaque séance, chaque course »
Il reste encore trois manches. Et même s’il sait que le temps des victoires s’éloigne, Rea refuse de conclure dans l’anonymat. « Je veux terminer en sachant que j’ai donné 100 % à chaque tour, chaque séance, chaque course. (…) Si les étoiles s’alignent, ce sera peut-être un conte de fées. » Pas question de lever le pied : jusqu’au bout, il restera un guerrier.
Après son règne avec Kawasaki, son passage chez Yamaha a ressemblé à une traversée du désert. Peu de résultats, beaucoup de frustration. Mais là encore, Rea a choisi d’apprendre plutôt que de s’aigrir.
« Ça a été plus difficile que prévu, mais j’ai appris énormément sur moi-même. (…) Il n’y a rien de pire que de partir et de se dire : Et si je n’avais pas essayé ? »
Avec six titres, 119 victoires et une longévité hors norme, Rea n’a plus rien à prouver. Pourtant, ce qu’il retient, ce n’est pas seulement l’or et les records. C’est l’accomplissement d’un rêve d’enfant.
« Le World Superbike a réalisé mon rêve. Il m’a donné l’occasion de devenir champion du monde. Je dois tout au WorldSBK ; il a façonné ma vie. »
Et s’il quitte la scène, il promet qu’on le reverra encore, quelque part dans le paddock, pour transmettre le flambeau.
Jonathan Rea ne sera plus là en 2026. Mais son ombre planera toujours sur le WorldSBK. Sa dernière bataille n’est pas de décrocher un titre de plus, mais de conclure son histoire avec dignité, fierté, et une paix intérieure durement gagnée. Car c’est peut-être ça, le vrai triomphe d’un champion : savoir quand s’arrêter.