Le MotoGP sous pavillon Liberty Media poursuit son grand ménage stratégique. Après avoir bousculé le calendrier, les droits TV et même rouvert le débat sur les titres mondiaux à comptabiliser pour la postérité, les nouveaux patrons du championnat réaffirment une idée qui fait grincer des dents : réduire le nombre de pilotes espagnols pour rendre la grille plus « internationale ».
Carmelo Ezpeleta, patron historique de Dorna et architecte de la mondialisation du MotoGP, a répété son objectif : « nous voulons avoir les meilleurs pilotes du monde, mais s’ils sont de nationalités très différentes, c’est encore mieux. »
Sous-entendu : trop d’Espagnols tuent la diversité. Ezpeleta l’avait déjà dit par le passé, allant jusqu’à affirmer que « certains » parmi eux « ne devraient pas être en MotoGP ». Sauf que la réalité des catégories intermédiaires lui envoie un message brutal : l’Espagne continue d’écraser la concurrence.
Mais pendant que les dirigeants du MotoGP rêvent d’un plateau plus varié, le championnat Moto3 offre un scénario diamétralement opposé : les cinq premières places du classement mondial sont espagnoles.
José Antonio Rueda file vers le titre, poursuivi par Angel Piqueras, Maximo Quiles, David Muñoz et Alvaro Carpe. Seule une possible remontée de l’Australien Joel Kelso pourrait casser ce monopole.
Même les rares alternatives semblent anecdotiques : Adrian Fernandez (7e) sauve l’honneur de Honda, tandis que Luca Lunetta, Taiyo Furusato ou Valentin Perrone apparaissent loin derrière. Le vivier international que cherche Ezpeleta reste introuvable.
En Moto2, le constat est presque aussi cruel pour la stratégie de diversité. Manu Gonzalez mène le championnat, mais n’ira pas en MotoGP en 2026, alors que le Brésilien Diogo Moreira, pourtant moins dominant, y accèdera avec Honda. Aron Canet, autre espagnol en lice pour le titre, restera également sur la touche.
Le message est clair : le MotoGP veut de la diversité, quitte à freiner des pilotes espagnols pourtant plus performants.
Une politique risquée : Liberty Media va-t-il affaiblir le niveau pour cocher des cases ?
Ezpeleta assure qu’« avoir plus de pays représentés n’est pas une obligation, mais quelque chose que les équipes comprennent comme bénéfique ». En réalité, Liberty Media pousse en coulisses pour un plateau plus vendeur à l’international, quitte à frustrer les talents espagnols.
Les perspectives annoncées illustrent cette tension : la Turquie et le Brésil arriveront au Calendrier en 2026. Il faut donc des héros locaux pour susciter l’attention.
Mais limiter artificiellement l’accès des pilotes espagnols pourrait aussi abaisser le niveau sportif. Les meilleurs jeunes sont espagnols, formés dans une filière Red Bull Rookies Cup / CEV qui reste la référence mondiale. En les écartant au profit d’un passeport, le MotoGP prend le risque de sacrifier son excellence au nom du marketing.
Ce nouvel épisode s’inscrit dans un contexte tendu. La même semaine, le paddock s’est enflammé autour de l’idée de rendre invisibles deux titres de Marc Marquez pour recalculer les palmarès historiques. Aujourd’hui, c’est tout le système espagnol — celui qui a façonné Lorenzo, Marquez, Pedrosa, Mir, Martin ou Acosta — qui se retrouve visé.
Problème : les résultats parlent d’eux-mêmes. Le Moto3 est une armada espagnole, Le Moto2 est presque aussi dominé, et le MotoGP lui-même reste porté par Marc Marquez. Liberty Media veut diversifier… mais le talent, lui, refuse de se plier aux quotas.