La purge est totale. KTM, symbole du génie mécanique autrichien, vient de changer de peau – et de patron. Après avoir flirté avec la faillite, la marque orange est désormais contrôlée à 75 % par le géant indien Bajaj, et son PDG Gottfried Neumeister a posé les cartes sur la table : “Si je trouve une pièce moins chère en Chine, je l’achèterai là-bas.” Voilà. Le ton est donné.
Il y a un an, KTM respirait par un tuyau d’oxygène financier. 1,8 milliard d’euros de dettes, des stocks monstrueux, et une direction trop occupée à collectionner les logos : MV Agusta, CFMoto, Husqvarna, GasGas, X-Bow… une galaxie ingérable. Résultat : plus de stratégie, plus de cash, plus de cap.
Bajaj est arrivé comme un chirurgien dans un bloc d’urgence : 800 millions d’euros injectés, 600 pour éponger les dettes, 200 pour rallumer les machines. En échange ? Le contrôle total. Stefan Pierer, l’homme qui avait fait de KTM un empire, cède tout. Fin de l’ère autrichienne pure. Place au pragmatisme indien.
Fini dès lors les jouets de luxe et les délires marketing. Le X-Bow ? Poubelle. MV Agusta ? Dehors. CFMoto ? On garde l’usine, pas la vitrine. Neumeister ne veut plus qu’un mot d’ordre : focus. “Nous avions 52 projets simultanés, c’était du suicide industriel.”
Résultat : la production à Mattighofen est coupée de moitié. Une seule équipe d’assemblage, 110 000 motos en 2026 au lieu de 220 000 avant la crise. Et surtout : pas de bénéfice avant 2027. Mais cette fois, KTM veut vendre moins pour vendre mieux.
L’objectif n’est plus de remplir les parkings des concessionnaires, mais de reconstruire la confiance.
KTM : made in Austria… mais pas trop, du Ready to Race au Ready to Survive
Le PDG se veut rassurant : “la production restera en Autriche.” Mais dans la phrase suivante, il balance : “si je trouve une pièce moins chère en Chine, je l’achèterai là-bas.”
Et c’est tout le paradoxe du nouveau KTM : un pied à Mattighofen, l’autre à Pune, et la tête déjà à Shenzhen.
La moto autrichienne restera peut-être “designée” en Europe, mais son ADN s’internationalise à coups de devis et de pragmatisme industriel.
Et quand Bajaj dit que “l’industrie manufacturière européenne est morte”, Neumeister, lui, répond par l’action.
KTM veut redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une marque brutale, radicale, taillée pour ceux qui sentent encore l’huile et l’adrénaline. Plus de gadgets, plus de bullshit, juste des motos qui respirent la performance et la sueur. “Nous devons nous souvenir de ce qui a fait notre force et oublier le reste.”
Un discours qu’on n’avait pas entendu depuis longtemps chez les “oranges”, étouffés par les bilans et les ambitions démesurées. Mais entre les dettes, la perte d’indépendance et la réduction de la production, une question plane : KTM survivra-t-elle sans vendre son âme ?
Alors, KTM renaît, oui, mais sous perfusion indienne. Les fans puristes grinceront des dents, les financiers applaudiront. Une chose est sûre : l’ère du “Ready to Race” romantique est terminée. Place à l’ère du “Ready to Survive”.