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Chine

Un simple entretien, et tout un secteur vacille. La déclaration de Zhang Xue, ex-directeur de Kove, aujourd’hui patron de ZXMOTO, n’est pas une prédiction : c’est un missile balistique lancé de Chine droit sur les usines japonaises et européennes. « Dans les cinq prochaines années, les marques chinoises connaîtront une croissance fulgurante. Elles deviendront leaders ; 50 % des grandes marques seront chinoises. » D’un côté, la phrase paraît arrogante. De l’autre… elle est terriblement crédible.

Car pendant que les constructeurs historiques se congratulent en célébrant 50 ou 70 ans d’existence, la Chine est déjà en train de les enterrer sous un rouleau compresseur industriel.

La Chine n’entre plus pour être dans l’industrie moto… elle entre pour la prendre. On le sait : la Chine veut tout, tout de suite. Mais c’est la première fois qu’un cadre de ce calibre met des mots sur ce que Pékin prépare réellement.

Et au cas où le message ne serait pas assez clair, Zhang précise son arsenal :« J’ai actuellement 200 ingénieurs, l’année prochaine 300 ou 400. » Imaginer Honda dire ça aujourd’hui ou Ducati doubler son département R&D en douze mois, c’est impossible. En Chine ? Une ligne budgétaire, deux signatures, trois mois. C’est fait.

Avertissement ou menace ? Les petites marques occidentales sont les premières dans la ligne de mire. Zhang n’y va pas avec des pincettes. Il pose les cartes sur la table, façon chirurgien sans anesthésie :

« Les marques de second rang vont traverser un marché très difficile. Leur avenir sera incertain. Les petites marques qui fabriquent en Chine ou qui y sous-traitent leurs composants auront beaucoup, beaucoup de mal dans les cinq prochaines années. »

Traduction brute, sans filtre : la Chine va d’abord écraser les petits… puis elle s’occupera des gros.

Et le sous-texte est glaçant : les constructeurs occidentaux qui dépendaient de la Chine vont bientôt devoir se battre pour obtenir les mêmes pièces que les marques chinoises — qui seront évidemment servies en premier. C’est le début d’un rapport de force que l’Occident n’a aucun moyen de gagner.

Zhang reconnaît l’ironie : « Nous ne fabriquons que les moteurs et les châssis. Tout le reste provient de fournisseurs externes. » Autrement dit : même une marque chinoise made in China n’est pas autonome. Mais l’Occident ? Il dépend encore plus. Et c’est bien là que la bascule pourrait se produire.

ZXMoto Chine

« La Chine avance vite, peut-être trop vite »

Le vrai problème : la Chine fabrique tout…  Zhang le sait mieux que personne : la Chine a des usines, des ingénieurs, des capitaux, des designs, des prix imbattables. Ce qu’elle n’a pas ? « La réputation. La notoriété se construit sur des décennies, pas sur des années. »

Honda, Yamaha, BMW, Ducati… ce sont plus que des marques : ce sont des mythes industriels. Et la Chine veut leurs mythes. Elle veut leur prestige. Elle veut leur marché premium. Elle veut leurs clients. Elle veut leur héritage — sans avoir à en payer le prix du temps.

Le danger réel est que la Chine avance trop vite… même selon les Chinois. Dans l’interview, Zhang lâche un aveu presque inquiétant : « La Chine avance vite, peut-être trop vite. »

C’est comme entendre un pilote dire qu’il est à deux doigts de perdre l’avant — et qu’il continue quand même à rentrer dans le virage. Mais pourquoi s’arrêter ? Pendant que l’Europe discute normes, CO₂ et restrictions, la Chine lance trois nouveaux moteurs par trimestre.

Zhang déroule son plan comme s’il annonçait le menu du lendemain : « Je veux être dans les dix premiers constructeurs mondiaux. Cette année : six modèles. L’année prochaine : quinze. Et 300 à 400 ingénieurs. »

Chez un constructeur japonais, un nouveau moteur prend parfois 10 ans. Chez certains européens, un simple restylage prend 36 mois. En Chine ? Un modèle, c’est six mois. Un moteur, 12 à 18 mois. Une plateforme, un claquement de doigts.

Le combat n’est pas loyal. Et surtout : il est déjà perdu si rien ne change. La Chine ne veut pas être un acteur majeur… elle veut être le centre de l’industrie moto mondiale. La sortie de Zhang Xue n’est pas une fanfaronnade. C’est une radiographie brute du futur.

Dans 5 ans, la moitié des grandes marques pourraient être chinoises. Les petites marques occidentales auront disparu ou seront absorbées. Les fournisseurs chinois choisiront leurs clients — probablement en commençant par leurs propres marques. Le marché moto occidental sera en position défensive, peut-être pour la première fois de son histoire.

La question n’est plus la Chine va-t-elle dominer la moto ? La vraie question est : qui pourra résister quand elle décidera de prendre tout le marché ? Et pour l’instant, la réponse est simple : personne.

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