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radio MotoGP

Tout ce que je craignais est en train d’arriver. Progressivement, la radio va faire son apparition en MotoGP. Les tests, actuellement, se multiplient, et Johann Zarco était de corvée à Valence pour tester la technologie. Le moins que l’on puisse dire, c’est que son avis était des plus tranchés, et pas dans le sens de cette pseudo-innovation.

 

Le MotoGP est un sport individuel

 

Si vous avez manqué la nouvelle, laissez-moi vous résumer l’histoire : de 2025 à 2027, DORNA va progressivement introduire les communications radio. D’abord entre la direction de course et les pilotes, jusqu’à aboutir, sans aucun doute, à des échanges complets entre les pilotes et les stands, exactement comme en Formule 1. D’ailleurs, lors du Grand Prix de Valence, on a brièvement entendu une discussion entre Jorge Martin et son pitwall, non sans grésillements hilarants.

 

radio MotoGP

La communication entre Martin et ses ingénieurs m’a fait penser à la conférence de presse où Schumacher avait demandé à Vettel de rapprocher le micro de la bouche de Rosberg, pour ceux qui ont la référence. Photo : Michelin Motorsport

 

Je ne suis d’accord avec rien de tout ça, et ne croyez pas que je suis un grand nostalgique, ou que je préfère le passé à l’avenir. Simplement, notre époque tend à confondre qualité et popularité. Ce n’est pas parce que la radio est omniprésente en Formule 1 que c’est bien.

Ce que j’aime, dans le MotoGP, c’est sa simplicité. Je peux facilement expliquer à un novice le principe d’une course. Une vingtaine de pilotes se battent pendant 45 minutes. Pas de stratégie, pas de consignes de course, pas d’arrêts aux stands. Juste, du grand pilotage, des dépassements, et une poignée droite essorée du début à la fin. Vous pensez peut-être que la radio n’altérera pas cette philosophie, mais vous vous trompez : c’est la porte ouverte aux abus en tous genres.

Si vous y réfléchissez, il existe peu de sports aussi populaires que le MotoGP dans lequel les athlètes sont livrés à eux-mêmes. Naturellement, le tennis me vient en tête, et encore. Depuis peu, le coaching a été dépénalisé, c’est-à-dire que les génies de la raquette peuvent recevoir des consignes depuis les tribunes, sans pour autant entretenir de conversation. Là encore, la polémique a grondé sur les courts du monde entier, car le charme du tennis réside aussi dans la solitude du sportif. C’est une bataille contre l’adversaire, mais aussi contre soi-même.

 

Les dérives possibles

 

Quels arguments en faveur de cette introduction ont été invoqués par DORNA ? La sécurité, d’abord. Comme dit précédemment, les communications radio seront d’abord autorisées entre la direction de course et les pilotes. Maverick Vinales, l’année dernière, évoquait l’utilité de cette démarche si un quelqu’un tombe devant lui et demeure dans une position dangereuse. Si on en reste là, d’accord. Reconnaissez simplement qu’il s’agit de cas rarissimes, si rares qu’ils ne nécessitent sans doute pas l’installation de tout un système radio. Mais, globalement, tout le monde est en droit de se demander à quoi cela sert ? Quel est l’intérêt ?

Une fois que le robinet est ouvert, impossible de l’arrêter. Comme c’est déjà prévu, les communications devraient pouvoir permettre aux pilotes de répondre à leur pitwall, exactement comme en F1. Et, comme en F1, vous pouvez vous attendre à toutes sortes de dérives qui ôteront assurément du charme à notre sport. Voici quelques exemples.

 

 

Yamaha

Quartararo n’était pas fermé à l’idée. Photo : Michelin Motorsport

 

1. Consignes de course. Alors que le MotoGP était resté jusqu’ici quasi imperméable aux consignes, permettre aux ingénieurs de communiquer directement avec leurs pilotes ouvrira grand la porte à ces pratiques parfois antisportives. Il existe de nombreux exemples de pilotes « forcés » de donner la victoire à leur coéquipier en monoplace, de manière plus flagrante que ce que nous avons connu jusqu’ici sur deux roues. Elles pourraient déjà le faire aujourd’hui avec les pitboards, mais c’est plus difficile d’ignorer les appels répétitifs du directeur de son équipe qu’un simple « mapping 8 » sur son panneau.

2. La toxicité des fans. Si les communications radio demeurent indisponibles au public, alors, ceci n’arrivera pas. Mais je ne vois pas pourquoi à ce stade, Liberty Media se priverait de copier la Formule 1. La diffusion des messages par la réalisation internationale représente presque une économie à elle toute seule en F1. Les vidéos officielles postées sur YouTube reprenant les commentaires les plus drôles ou acerbes de chaque course font des millions de vues. Le problème, c’est que le promoteur joue avec la nature compétitive des athlètes. Il n’est pas rare qu’ils s’insultent, s’énervent ou s’agacent. Comme le rappelait Sebastian Vettel, c’est tout à fait normal, et on serait sans doute très étonnés des réactions des joueurs de football si eux aussi étaient entendus. Dans une ère où la toxicité des spectateurs sur les réseaux sociaux est à son paroxysme, cela n’aidera pas les pilotes qui sont déjà sifflés lorsqu’ils chutent. Un commentaire déplacé de Marc Marquez sur un enfant de la VR46 – ou inversement – pourrait déclencher une vague de haine sans précédent.

3. La robotisation des pilotes ; ou, pour moi, ce qui peut arriver de pire. Si les stands peuvent communiquer avec nos héros, ils feront beaucoup moins d’erreurs, prendront moins de décisions par eux-mêmes, et pourront se reposer sur leurs ingénieurs. Cela limitera le culot, et ne fera que mécaniser des pilotes qui le sont déjà de plus en plus.

Si les pilotes actuels ont du mal à se détacher complètement de leurs émotions pour négliger leur instinct, je suis prêt à parier qu’une génération plus tard, nous n’aurons plus que des jeunes loups qui ne feront que suivre les ordres dans l’oreillette. En F1, ça ne pose pas de problème : même Lewis Hamilton fait ce qu’on lui dit de faire pour conserver ses pneumatiques. Son implication dans sa propre performance est moindre que n’importe quel pilote en MotoGP.

 

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Johann Zarco n’a pas été tendre avec la radio aux essais de Valence. Photo : Michelin Motorsport

 

Que pensent les pilotes de la radio en MotoGP ?

Comme sur tous les sujets de ce genre, les pilotes doivent avoir le dernier mot. Alors, qu’en pensent-ils ? Ils sont assez mitigés, pour les plus modérés et ceux qui sont contre n’hésitent pas à le dire. De nombreuses voix se sont élevées contre cette nouveauté. Le plus vocal était sans doute Pecco Bagnaia, qui prévoit de refuser d’utiliser la radio, quitte à se prendre des pénalités ! Johann Zarco aussi est contre, comme on l’a vu récemment, comme Pedro Acosta et Marc Marquez – dans une moindre mesure. Vous l’aurez compris, c’est loin de faire l’unanimité, sans parler des problèmes liés au fait d’avoir un système non loin du crâne – et donc potentiellement dangereux – évoqués par Acosta, ou alors, du bruit que fait la moto.

« Je pense que je vais prendre des amendes à chaque course, car je ne vais rien mettre du tout »

Pecco Bagnaia

 

Conclusion

 

Je ne vais pas refaire le match, vous avez compris pourquoi je ne veux pas de la radio. Dans cette ultime partie, je voudrais juste témoigner de ma déception quant à cette démarche. Encore une fois, le MotoGP copie la Formule 1, peut-être dans le but de générer plus d’interactions sur les réseaux sociaux et donc de gagner encore en popularité, car ce type de contenu plaît. Comme si notre discipline était l’éternelle seconde, condamnée à rester dans l’ombre d’un autre sport objectivement moins passionnant de nos jours. Mais la F1 vend. Il n’y a plus que les chiffres qui dictent ce qui est bien ou non.

Tout cela reste mon avis, bien sûr, et peut-être changerais-je d’opinion ultérieurement. Si c’est le cas, je n’aurai aucun mal à reconnaître mon erreur.

Bien évidemment, je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. Dites-moi si vous êtes pour ou contre en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

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Et si ça donne un avantage, les pilotes l’utiliseront, exactement comme l’électronique. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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