Il est l’heure de débriefer cette saison. Comme tous les hivers depuis deux ans, cette chronique analyse en détail la campagne de chaque pilote, du moins bien classé au champion du monde. Il s’agit là d’apporter un point de vue argumenté sur la performance de chacun de nos héros, afin d’en discuter tous ensemble. Vous êtes prêts pour ce nouveau volet, consacré à Ai Ogura, qui a disparu des radars au cours de la saison ? C’est parti !
L’épisode d’hier était consacré à Jack Miller ; retrouvez-le en cliquant ici.
Une saison rookie difficile
Il m’est très compliqué de juger la première saison d’Ai Ogura en MotoGP. Refaisons le film. Arrivé en tant que champion du monde Moto2 en 2024, le Japonais, signé chez Trackhouse, s’est immédiatement illustré dès le premier Grand Prix. Il fut l’auteur d’un excellent week-end en Thaïlande, l’un des meilleurs débuts pour un rookie dans l’histoire récente. Quatrième en Sprint et cinquième en Grand Prix, il a pu regarder les favoris dans les yeux, les faire trembler au départ.

Ogura était bluffant en Thaïlande. Photo : Michelin Motorsport
Sa bonne forme s’est poursuivie en Argentine, mais il fut disqualifié pour raison technique, malheureusement. À partir de là, beaucoup pensaient qu’Ogura avait le potentiel pour décrocher le prestigieux titre de rookie de l’année, et qu’il allait même largement battre Fermin Aldeguer, d’autant plus que celui-ci était moins flamboyant sur les premières manches. Je n’ai jamais vraiment adhéré à cet argumentaire, car Aldeguer, depuis sa fin de saison 2023 en Moto2, semble avoir un truc en plus.
Ma théorie s’est confirmée par la suite. Lentement, Ogura marquait de moins en moins les esprits, mais toujours avec une vitesse assez impressionnante. Puis, il lui est arrivé ce qu’on ne souhaite à aucun pilote, mais surtout, aucun rookie : une grosse blessure. En général, il est encore plus dommageable de manquer des courses dans sa première saison. Certains arrivent à s’en remettre et à revenir au plus haut niveau très rapidement – comme Jorge Martin –, mais d’autres payent cash ce manque de roulage à ce moment crucial de leur carrière, et parfois avec des intérêts, sur plusieurs années.
Ogura se fractura le tibia à Silverstone, et manqua la manche anglaise, puis la suivante, à Aragon. Et, depuis, il ne s’est plus illustré une seule fois de l’année. Certes, il compte une sixième place en Catalogne, ce qui reste un bon résultat, mais sur une saison, c’est finalement très peu. Comme si ça ne suffisait pas, il dut repasser par l’infirmerie, suite à une lourde chute subie à Misano. Cette fois, la main était blessée, ainsi que le pied gauche. Il participa tout de même au Sprint à Motegi, sur ses terres, mais préféra manquer la course dominicale ainsi que le week-end suivant en Indonésie. De plus, il faut noter qu’il n’avait pas pu participer aux cruciaux essais post-Misano, ce qui a encore réduit son temps de roulage dans l’année.
Il a disparu
Les Japonais, en règle générale, sont très réservés, ce qui n’aide pas à les percevoir comme des pilotes marquants ; on a tendance, pour beaucoup, à les effacer. Et si Takaaki Nakagami était encore assez bavard en conférence de presse, ce n’était pas le cas d’Ai Ogura, sans doute celui qui a le moins souvent pris la parole dans les médias cette année (à égalité avec Brad Binder). Cela renforce cette impression d’effacement, car on ne le voit pas à l’écran, mais pas dans les interviews d’après course non plus ! On sentait qu’il était un peu en difficulté au moment de répondre aux questions, car, comme bon nombre de ses compatriotes, ses capacités en anglais sont limitées.

Vous préférez l’Aprilia Trackhouse bleu et jaune ou « Gulf » ? Photo : Michelin Motorsport
Si l’on cumule sa nature discrète, ses résultats moyens une fois rétabli, et quatre courses manquées pour blessure, on obtient un pilote assez peu mémorable à la 16e place du championnat. En début de saison, j’avais vu juste quant au Japonais, puisque je l’avais imaginé 17e, dernier des pilotes Aprilia.
Cette sensation de voir un pilote disparaître fut également renforcée par les résultats des autres pilotes Aprilia : paradoxalement, Ai n’a jamais fait mieux que sa quatrième place en Sprint à Buriram, soit sa toute première course en MotoGP. Les autres, eux, sont montés en puissance, jusqu’à rivaliser, pour Marco Bezzecchi, avec Marc Marquez au niveau du rythme. Même Martin, blessé toute l’année ou presque, s’est illustré en Hongrie avec une fabuleuse remontée. Ogura a avoué qu’il lui semblait plus aisé de se lâcher lorsqu’il ne connaissait rien du sport, alors que l’apprentissage lui a fait théoriser l’art du pilotage en MotoGP. En somme, il allait plus vite quand il se reposait davantage sur son instinct.
Conclusion
Il serait injuste de qualifier la saison d’Ai Ogura de décevante, car cette blessure à Silverstone lui a vraiment cassé son processus d’apprentissage. Il a montré de belles choses à quelques reprises, oui, mais n’a pas non plus réussi à s’imposer dans le paysage médiatique du MotoGP, ce qui, à notre époque, peut représenter un problème. J’espère qu’il rebondira en 2026.
Qu’avez-vous pensé de sa première campagne au plus haut niveau ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

À notre époque, Ai Ogura va devoir se dépêcher s’il veut rester en MotoGP quelques années encore. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport




























