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Xavier Forés

Vu de l’extérieur, le Championnat du monde Superbike semble incarner l’un des derniers grands rêves mécaniques : voyager autour du globe, piloter des machines d’exception, appartenir à une élite sportive admirée, et en vivre confortablement. Mais cette vision romantique, Xavi Forés la démonte méthodiquement dans le podcast Fast and Curious, révélant une réalité beaucoup plus dure, souvent invisible, parfois presque indécente.

Car si 2018 fut la meilleure saison de sa carrière — cinq podiums, une Ducati satellite menée aux portes de la victoire, le titre de meilleur pilote indépendant — elle fut aussi le prélude à une désillusion immense. Beaucoup imaginaient Forés propulsé vers un guidon d’usine, ou à tout le moins assuré d’un contrat solide pour 2019. La vérité est crue : la meilleure proposition qu’il a reçue tenait en un salaire annuel de… 12 000 euros.

Oui : 1 000 euros par mois pour courir au sommet d’un championnat mondial.

Forés le raconte sans détour : « j’ai reçu quelques offres pour courir en Superbike. Franchement, c’était pire que de travailler chez McDonald’s ou au supermarché. On me proposait 12 000 euros par an. »

Ainsi, après sa saison la plus aboutie, il a pris une décision inimaginable pour un pilote au sommet : il a refusé, et il s’est retiré. Car accepter un tel salaire après avoir couru avec les meilleurs revenait à renoncer à toute dignité professionnelle. Et il sait que d’autres, moins chanceux ou moins visibles, ont été contraints de dire oui. Nous parlons ici de chiffres d’avant-pandémie ; la situation, aujourd’hui, n’a fait qu’empirer.

Xavi Fores Bimota Sbk 2025

Xavi Forés : « c’était pire que de travailler chez McDonald’s ou au supermarché »

La comparaison avec les catégories supérieures est tout aussi vertigineuse. Jack Miller, il y a quelques semaines, révélait que certains rookies MotoGP en 2025 touchaient 2 500 euros par mois. En MotoGP. À l’ère où les budgets atteignent des sommets, les salaires des jeunes pilotes posent question.

Xavi Forés poursuit, et son témoignage prend une dimension plus intime :

« Je montais régulièrement sur le podium du championnat du monde. Chaque podium me rapportait 1 000 euros. Un pilote d’usine, lui, en gagne 20 000 ou 30 000. Je pensais avoir ma chance dans une équipe officielle. J’ai été très déçu. Ce fut un véritable choc. C’est là que j’ai compris que le monde de la moto n’était pas ce que j’imaginais. »

La disproportion est effarante : être l’un des meilleurs privés au monde, engranger des podiums, et toucher la même prime qu’un salarié modeste dans n’importe quelle entreprise. En face, les pilotes d’usine signent des accords trente fois supérieurs — un gouffre financier et symbolique.

Xavi Forés reviendra pourtant en 2020, au guidon d’une Kawasaki satellite, pour une ultime saison. Puis il raccrochera définitivement, non sans rester dans le paddock : il est aujourd’hui pilote d’essai pour Bimota, un rôle prestigieux mais loin des feux de la compétition. À 40 ans, il sait qu’un retour comme titulaire n’est plus envisageable, mais il insiste sur une vérité fondamentale que beaucoup ignorent : « Un pilote professionnel doit investir beaucoup d’argent rien que pour se préparer et s’entraîner. »

Et c’est peut-être là que réside la dimension la plus troublante du témoignage de Xavier Forés. Car au-delà du manque de reconnaissance contractuelle, c’est l’économie même du pilotage professionnel qui semble devenue dysfonctionnelle : un métier qui coûte plus qu’il ne rapporte, une discipline qui exige l’excellence mais rémunère parfois moins qu’un emploi précaire, un rêve qui bascule dans l’absurde.

Aujourd’hui, le métier de pilote moto n’a plus le prestige qu’on lui prêtait autrefois, même dans ses catégories les plus nobles. Et le récit de Xavi Forés agit comme un rappel brutal : derrière l’apparente gloire des podiums, le monde du Superbike — et dans une moindre mesure celui du MotoGP — repose encore sur des sacrifices personnels inimaginables et sur une précarité silencieuse que seule la passion permet de supporter… jusqu’au jour où elle ne suffit plus.

Fores Bimota Sbk 2025

 

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