C’est une annonce qui a résonné comme un coup de tonnerre dans le paddock : Renault a acté sa sortie définitive de la Formule 1. Lorsque le dernier moteur frappé du losange a rendu l’âme à Abu Dhabi, ce n’était pas seulement une unité de puissance qui s’éteignait, mais un pan entier de l’histoire de la F1. Un géant est tombé. Et sa chute n’a rien d’un accident.
Ce départ ne ressemble pas à une simple décision stratégique. Il a la saveur amère d’un abandon, celui d’un constructeur qui fut jadis l’un des piliers du championnat, mais qui a fini par se perdre dans les méandres de la gestion corporate, loin de la passion brute de la course.
Le constat est brutal : Renault quitte la F1 sans équipe cliente, un cas unique sur la grille moderne. Autrefois moteur de référence, le constructeur français s’est retrouvé marginalisé par des unités de puissance peu performantes, peu fiables, et surtout incapables de rivaliser avec Mercedes, Ferrari ou Honda dans l’ère hybride.
Le symbole est cruel : Alpine elle-même abandonnera les moteurs Renault à partir de 2026. La boucle est bouclée. Le constructeur n’a même plus confiance en son propre savoir-faire.
Et pourtant, Renault fut un pionnier. À la fin des années 1970, il bouleverse la F1 avec le turbo. La fameuse “Théière jaune” ouvre une ère nouvelle, et Jean-Pierre Jabouille offre en 1979 la première victoire d’une F1 turbo.
Puis vient Alain Prost, les podiums, les désillusions… mais aussi l’apprentissage. Renault persévère, innove, et finit par trouver la bonne formule.
La véritable apothéose arrive avec Williams. À partir de 1989, Renault devient la référence technique absolue. La FW14B de 1992 reste l’une des monoplaces les plus dominantes de l’histoire : 9 victoires en 16 courses, titres pilotes et constructeurs, une supériorité technologique écrasante.
À la fin de 1997, Renault quitte la F1 au sommet, avec 5 titres constructeurs, 75 victoires et 82 poles. Une sortie par la grande porte… qui ne sera malheureusement pas la dernière.
Dans les années 2000, Renault revient en tant qu’équipe officielle. Avec Fernando Alonso, la magie opère à nouveau : titres pilotes et constructeurs en 2005 et 2006, mettant fin à l’hégémonie Ferrari-Schumacher.

Renault : l’héritage restera, mais le géant est mort
Mais ce second âge d’or sera bref. Le départ d’Alonso marque le début d’un lent déclin, accentué par des choix discutables, des scandales (Crashgate 2008), et une perte progressive de crédibilité.
Ironie de l’histoire : Renault redeviendra champion… avec Red Bull, de 2010 à 2013. Quatre titres consécutifs, mais dans un climat de tensions permanentes. Lorsque l’ère hybride débute, Renault rate le virage technique. Manque de puissance, fiabilité fragile, communication catastrophique. La rupture avec Red Bull est inévitable – et définitive.
En rachetant Enstone, Renault pensait reprendre le contrôle. Mais l’équipe devient progressivement une entité corporate, déconnectée de la culture racing.
Le fameux « plan 100 courses » de Laurent Rossi tourne à la caricature : objectifs flous, changements incessants de direction, vision absente.
La passion disparaît. Les costumes remplacent les ingénieurs visionnaires. Les décisions se prennent en salle de réunion, pas au bord de la piste.
L’annonce qu’Alpine abandonnera les moteurs Renault en 2026 scelle le destin du constructeur en F1. La chute est totale. Ce qui fut un symbole d’innovation, de courage technique et de succès est devenu un cas d’école de mauvaise gestion et d’aveuglement stratégique.
Renault restera à jamais associé aux plus grandes pages de la Formule 1 : le turbo, Williams, Alonso, Red Bull. Mais le Renault moderne n’est plus digne de cet héritage.
Cette disparition n’est pas celle d’un moteur, mais celle d’une philosophie. Quand la course cesse d’être une passion et devient un simple outil marketing, la chute est inévitable.
Renault n’a pas été battu par la concurrence. Il s’est battu lui-même.





























