En 2025, la MotoGP n’a pas seulement changé de génération : elle a changé de visage. Trois rookies ont débarqué dans la catégorie reine avec des parcours, des cultures et des mentalités radicalement différentes. Somkiat Chantra, Fermin Aldeguer et Ai Ogura n’ont pas seulement appris la MotoGP : ils l’ont mise à l’épreuve. Et parfois, ils l’ont secouée.
Voici trois rookies, trois histoires qui n’auraient jamais dû se croiser …
Somkiat Chantra, c’est d’abord un symbole. Premier Thaïlandais de l’histoire en MotoGP, pur produit de l’Asia Talent Cup, il incarne un rêve collectif plus grand que lui. « La première fois que j’ai entendu que j’allais en MotoGP, je pleurais », confie-t-il. Son arrivée chez LCR Honda n’est pas un calcul cynique : c’est une promesse faite à toute une région du monde.
Fermin Aldeguer, lui, débarque avec une certitude presque dérangeante. « Je connais le talent que j’ai, je connais mon potentiel ». À 19 ans, l’Espagnol n’est pas là pour apprendre gentiment : il est là pour s’imposer. Ducati mise sur lui très tôt, trop tôt selon certains. Mais le pari est clair : Aldeguer n’est pas un pari marketing, c’est un projet de pouvoir.
Ai Ogura, enfin, arrive en champion du monde Moto2 2024. Discret, méthodique, presque froid. « Je me sens juste incroyable », lâche-t-il après son titre, sans jamais hausser le ton. Lui ne promet rien. Il montre.
Avant même de poser une roue en MotoGP, les trois rookies ont été broyés par les attentes.
Pour Aldeguer, la saison 2024 tourne à l’épreuve mentale. Contrat MotoGP signé avant même le premier Grand Prix, soupçons permanents, critiques incessantes. « Ils avaient trop d’opinions », résume-t-il. Beaucoup doutent. Trop. Pourtant, Gigi Dall’Igna tranche : « j’étais quasi sûr, quand j’ai signé avec lui, qu’il avait le talent ». La saison devient « un peu un cauchemar », mais Ducati ne recule pas. Et Ducati a rarement tort quand elle insiste.
À l’inverse, Ogura écrase la Moto2. Propre, constant, mature. Il bat tout le monde et convainc son équipe qu’avec lui, on peut « vraiment construire un avenir ». Aucun bruit, aucun excès, mais une autorité technique évidente.
Pour Chantra, l’accession à la MotoGP relève presque du choc émotionnel. Pas de plan à cinq ans, pas de storytelling artificiel : juste une opportunité qui tombe… et une famille appelée en larmes.
Entre Ogura et Chantra, l’histoire dépasse le paddock. Dix ans côte à côte depuis l’Asia Talent Cup, colocataires à Barcelone, meilleurs amis dans la vie. Leur arrivée simultanée en MotoGP est un moment presque intime. Le cliché est parfait : amis en dehors, rivaux sur la piste* Et pourtant, la MotoGP ne fait jamais de cadeaux aux belles histoires.
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Les débuts 2025 : la réalité frappe fort les rookies et 2026 ne pardonnera rien
La saison démarre en Thaïlande. Pour Chantra, c’est un conte de fées populaire. Ambiance « électrique », ferveur nationale, émotion brute. Résultat : 18e. Sportivement modeste, humainement immense.
Ogura, lui, frappe comme un vétéran. 5e pour sa première course principale. Les comparaisons pleuvent. Marc Marquez 2013 est cité. Ogura avoue se sentir « partie intégrante du MotoGP » dès ses débuts. Le message est clair : il est déjà à sa place.
Aldeguer débute plus discrètement (13e), mais sent très vite un basculement. « En Amérique, j’ai senti que quelque chose changeait dans mon style ». En France, il monte sur le podium. Le rookie cesse d’être une promesse : il devient une menace.
Pendant que Chantra s’enfonce dans une saison « un peu un cauchemar », souvent à plus d’une seconde de la pole, Aldeguer explose littéralement.
Pole position. Course maîtrisée. Victoire dominante. À 20 ans et 183 jours, il devient le deuxième plus jeune vainqueur rookie de l’histoire, juste derrière Marc Marquez. Le débat est terminé. Ducati avait raison. Dall’Igna est validé. Aldeguer est sacré Rookie de l’année 2025.
Pour Ogura, la saison reste brillante mais chaotique. Chutes violentes, blessures, irrégularité. Mais son équipe insiste : « Son retour d’information est vraiment, vraiment bon ». Il ne fait pas de bruit, mais il construit.
2026 arrive déjà et ne pardonnera rien. Pour Ogura, ce sera « le moment de faire un vrai pas en avant ». Plus d’excuses, plus de statut de rookie.
Pour Aldeguer, la pression change de nature. On parle déjà de lui comme futur coéquipier de Marc Marquez en 2027. Dall’Igna ne freine pas : « il sera le futur de notre marque en MotoGP ».
Pendant ce temps, de nouveaux fauves arrivent : le futur champion Moto2 et surtout Toprak Razgatlioglu. La question plane, obsédante : que peut vraiment faire Toprak sur une MotoGP ?
2025 a été une saison d’apprentissage pour certains, de révélation pour d’autres. Une chose est sûre : le MotoGP ne fait pas de sentiment. Elle consacre vite, elle élimine encore plus vite.
Chantra a lutté pour exister. Ogura construit dans le silence. Aldeguer, lui, a déjà frappé à la porte du pouvoir. Et dans ce championnat sans mémoire, une seule règle demeure : les rookies d’hier sont les patrons de demain… ou des souvenirs très coûteux.

































