L’histoire de Casey Stoner est l’une des plus cruelles ironies du MotoGP moderne. Yamaha avait tout : le talent sous les yeux, un accord presque signé, un futur champion prêt à éclore. Et pourtant, la marque japonaise a hésité, temporisé, calculé. Résultat ? Elle a offert sur un plateau à Ducati l’un des titres mondiaux les plus improbables – et les plus marquants – de l’ère MotoGP.
Car contrairement à la légende, Stoner n’était pas destiné à Borgo Panigale. Son plan était clair : s’épanouir en MotoGP avec Yamaha. Et ce plan avait même été validé… sur le papier.
À la fin de l’année 2005, le MotoGP se prépare à un tournant. La catégorie reine change, les places sont chères, et Casey Stoner s’impose déjà comme l’un des jeunes les plus convoités du paddock après son vice-titre en 250 cc. Yamaha est intéressé. Très intéressé.
Stoner l’a raconté lui-même, sans détour, dans une interview accordée à TNT : « oui, ils ont conclu l’accord à deux reprises. En 2005, avant 2006, je devais rejoindre une équipe satellite, puis l’équipe d’usine l’année suivante. »
Tout semblait verrouillé. Une trajectoire logique, propre, sécurisée. Et puis… plus rien. « Soudain, tout est devenu silencieux. »
Le silence de Yamaha n’était pas une simple hésitation. Pour Stoner, le message était clair – et amer.
« De toute évidence, ils se servaient de moi comme levier pour obtenir la signature de quelqu’un d’autre à un salaire inférieur. »
Après une saison chez LCR Honda, Yamaha revient à la charge pour 2007. Nouvelle discussion. Nouvel espoir. Et… nouvelle disparition.
« Ils m’ont proposé un contrat pour 2007, puis plus rien. Je me suis retrouvé sans rien. On était perdus, sans aucun plan. »
À ce moment précis, la carrière de Stoner est suspendue à un fil. Le pilote est talentueux, rapide, mais sans guidon garanti. Et c’est là que l’histoire bascule.

Ducati, le choix par défaut de Casey Stoner après Yamaha … devenu chef-d’œuvre
C’est Ducati qui décroche le téléphone. Pas par vision à long terme, pas par stratégie géniale. Par nécessité.
À Borgo Panigale, le plan initial s’appelait Marco Melandri. Mais Melandri est sous contrat. Ducati doit trouver une solution provisoire. Et Stoner devient… un remplaçant.
« Nous savions que nous n’étions qu’un plan B. Ils voulaient Melandri. J’étais là parce qu’ils n’avaient pas d’autre option. »
Pire encore : « Ils n’avaient absolument pas l’intention de me garder. » Mais le “remplaçant” va faire exploser toutes les certitudes.
En 2007, Casey Stoner réalise l’impensable : il dompte une Ducati réputée brutale, imprévisible, presque ingérable, et décroche le titre de champion du monde MotoGP dès sa première saison avec l’équipe officielle.
Un exploit technique. Un exploit mental. Et une gifle monumentale pour Yamaha.
« Yamaha m’a motivé », lâche Stoner, avec un sourire que l’on devine encore aujourd’hui. « Ils ont clairement regretté leur décision. »
Ce que Yamaha a perdu ce jour-là n’était pas seulement un pilote. C’était un style unique, une capacité rare à piloter à la limite sans électronique salvatrice, et un champion capable de transformer une moto “impossible” en arme absolue.
En croyant jouer la montre, Yamaha a joué contre elle-même. Ducati, elle, a ramassé les morceaux… et écrit l’histoire.
En MotoGP, le talent ne prévient pas deux fois. Yamaha a douté. Ducati a tenté. Et Casey Stoner est devenu champion du monde.
































