L’histoire devait être belle. Elle l’a été… à moitié. En 2025, Aprilia Racing a frappé fort en attirant deux des noms les plus excitants du marché : Jorge Martin, champion du monde en titre, et Marco Bezzecchi, étoile montante italienne. Deux contrats de deux ans, une ambition claire, et l’espoir assumé de jouer enfin le titre mondial. Un an plus tard, le tableau est radicalement contrasté. Et à Noale, l’heure des décisions approche.
S’il fallait une preuve que le pari Bezzecchi était le bon, la saison 2025 l’a fournie sans ambiguïté. Troisième du championnat avec 353 points, trois victoires, et une régularité impressionnante, l’Italien a porté Aprilia à bout de bras.
Seul Marc Marquez, impérial avec 11 succès et le titre, a fait mieux en nombre de victoires. Un constat qui nourrit les ambitions de la direction.
Massimo Rivola, PDG d’Aprilia Racing, ne cache plus son intention de faire de Bezzecchi le nouveau visage du projet :
« Je suis convaincu que Marco peut se battre pour le titre mondial, et il est convaincu qu’Aprilia peut lui en donner les moyens. Il y a une connexion naturelle entre Marco et moi. »
Le tournant ? Silverstone. « Après les difficultés initiales et inévitables d’adaptation, Silverstone a été le déclic. L’empathie alimente la performance car elle repose sur la confiance. »
À 27 ans, Bezzecchi est désormais vu comme le pilote autour duquel bâtir l’Aprilia de l’ère post-Espargaró. L’objectif est clair : prolongation au-delà de 2026, statut de pilote numéro un, et attaque frontale du titre.
À l’inverse, le passage de Jorge Martin chez Aprilia ressemble à une tragédie sportive. Champion du monde 2024, l’Espagnol n’a jamais pu défendre sa couronne. Sept Grands Prix disputés sur 22. Quatre arrivées seulement. 21e du championnat, 34 points.
La liste des blessures donne le vertige : hémopneumothorax, fractures multiples aux mains et aux pieds, clavicule cassée, onze côtes fracturées. Un corps broyé, une saison anéantie.
Son meilleur résultat ? Une 4e place en Hongrie, après une remontée héroïque depuis la 16e position. Trop peu pour juger réellement son potentiel sur la RS-GP.
Rivola le reconnaît à demi-mot : « pour le sprint final, j’aimerais le voir avec un coéquipier à 100 % afin que l’équipe n’ait pas à se concentrer uniquement sur lui. »
2026 : l’année de vérité chez Aprilia, pour une cohabitation devenue fragile
Comprendre : Aprilia a besoin d’un Martin en pleine possession de ses moyens… ou devra trancher.
Sur le papier, Aprilia rêvait d’un duo capable d’élever le niveau interne. Dans les faits, Bezzecchi s’est retrouvé seul au sommet, tandis que Martin luttait simplement pour revenir sur une moto.
L’Italien a gagné à Silverstone après l’abandon de Fabio Quartararo, puis s’est imposé à nouveau au Portugal et à Valence, profitant de l’absence de Marquez blessé. Il a également joué la victoire aux Pays-Bas, en République tchèque et à Misano.
Martin, lui, a même reconsidéré son engagement envers Aprilia après son terrible accident au Qatar. L’Espagnol a tenté d’activer une clause libératoire — refusée par Noale — pour signer un contrat de trois ans avec Honda. Un épisode qui laisse des traces.
Officiellement, Aprilia veut prolonger les deux pilotes. Officieusement, la hiérarchie est en train de se dessiner. « L’objectif est de renouveler leurs contrats et de faire de Bez notre pilote vedette. » Tout est dit.
2026 devra répondre à une seule question : Jorge Martin peut-il encore être le Jorge Martin champion ?
S’il revient à 100 %, Aprilia disposera de l’un des duos les plus explosifs du plateau. S’il rechute — sportivement ou physiquement —, Noale devra assumer un choix stratégique lourd : bâtir autour de Bezzecchi seul.
Aprilia n’a plus le luxe de l’attente. Bezzecchi est prêt. L’usine le sait. Le paddock le voit. Rivola y croit. Martin, lui, joue son avenir sur une seule carte : le corps et le chrono.
À Noale, l’ère des paris MotoGP est terminée. Place aux décisions.
