pub

Décidément, le spectacle fut au-delà de nos espérances ce weekend en Allemagne à l’occasion de la manche du MotoGP au Sachsenring. Pilotes et teams ont tout donné, pour ne pas dire trop, en espérant l’emporter. Les fortunes furent pourtant bien diverses.

Une fois n’est pas coutume, commençons par les grands perdants du show : Honda tout d’abord.

Autant le dire clairement, ce fut non seulement une débandade mais surtout la confirmation d’un désastre dont on ne sait vraiment s’il aura une fin.

La vraie question se pose en ces termes : le HRC a-t-il vraiment besoin de kamikazes pour réussir ? Assurément oui puisque la moto est à ce point conçue qu’elle doit être violentée pour performer. Et le seul encore en mesure de le faire est – ou plutôt était – Marc Márquez. Malheureusement pour lui, les lois de la physique se sont rappelées à son bon souvenir : cinq chutes spectaculaires et invalidantes auront émaillé son weekend, le poussant même à renoncer dimanche après celle de trop, qui le laissa sonné et incrédule au bord de la piste. L’idole a jeté l’éponge, et ses commentaires acerbes n’augurent rien de bon pour la suite, que ce soit en matière de résultats ou de la continuité de sa collaboration avec le constructeur.

 

 

Comment a-t-on pu en arriver là ? Honda s’est assurément fourvoyée en n’écoutant que son prodige lors de son arrivée dans la catégorie reine en 2013. Dani Pedrosa peut en attester, lui qui donnait l’orientation et participait au développement avant que le trublion Márquez ne le musèle. « Titanium » fait aujourd’hui – et brillamment – les affaires de KTM. La marque nippone, drapée dans sa dignité, n’en dit mot mais s’en mord les doigts !

Car oui, après la grave blessure consécutive à sa chute en 2020 sur le circuit de Jerez, Márquez absent n’a pu assurer la continuité technique d’une machine orientée pour ses seuls souhaits, dont aucun autre de ses coéquipiers n’arrivera jamais à se satisfaire.

Ultime camouflet pour le constructeur, les pilotes doivent évidemment être intégrés dans la conception et cela ils l’ont toujours nié. On voit aujourd’hui le résultat : plus personne ne désire conduire une RC213V, à moins bien sûr de n’avoir d’autre option, demandez à Joan Mir ou Álex Rins ! Fut une époque, une proposition de contrat au sein du HRC ne se refusait pas. Les rôles sont aujourd’hui inversés.

En considérant l’impressionnante liste de champions qui ont gagné au guidon d’une Honda, on n’ose imaginer le constructeur se faire hara-kiri en sortant définitivement de la compétition. Ils auraient trop à y perdre tant l’aura promotionnelle de ce championnat est forte. Maintenant, en considérant ce qu’a fait Suzuki, pourquoi Honda ne procéderait pas de même ? La route semble tellement longue pour un retour gagnant du constructeur… De plus, ses activités industrielles ne comprennent pas que la moto, loin de là : automobile, aviation, produits d’équipement, robotique. Une image négative nuit potentiellement à l’ensemble. En cela, couper la branche morte serait pour un temps salvateur avant un nouveau retour aux affaires. Honda en F1 n’a pas procédé autrement avec des come-backs gagnants. Peut-être serait-il temps et repartir d’une page blanche en moto ?

 

 

Yamaha, un ton en-dessous dans le mélodrame, n’est également pas à la fête. A commencer par son héros Fabio Quartararo qui continue de descendre dans les profondeurs du classement. Terrible pour la marque aux diapasons, elle qui disposait de l’une des machines les plus homogène du plateau. Encore une fois, les Japonais ont misé sur la continuité plus que l’évolution, pétris de certitudes sur leurs vieilles recettes techniques. Quand un constructeur comme Aprilia savait évoluer et modifier profondément les entrailles de ses machines (RS3 trois cylindres au début des années 2000, retour en 2015 avec un V4 dont l’angle d’ouverture évoluera), Yamaha persistait sur l’homogénéité du quatre en ligne. Certes le fameux « Big Bang » aura pris la place du traditionnel « Screamer », mais guère plus de révolutions que ce calage de l’allumage.

Les marques européennes, challengers héroïques, n’ont finalement eu de cesse d’évoluer quand les nippons s’endormaient sur leurs lauriers. Avec un moteur désormais à la traine en matière de puissance et un châssis qui ne s’harmonise plus à ces contraintes, les performances régressent.

Ultime camouflet pour le pilote français : son coéquipier Franco Morbidelli se paie désormais le luxe de le devancer plus souvent qu’à l’habitude. Bien que sous contrat jusque fin 2024, on imagine aisément « El Diablo » au moins écouter le chant des sirènes de la concurrence pour la suite, et Dieu sait qu’il a encore beaucoup d’atouts à faire valoir. A moins que Yamaha ne se réveille et évite la noyade.

 

 

Les européens en revanche ont assuré le spectacle : Ducati surtout et KTM en brillant challenger nous ont ravi par les joutes de haute volée de leurs pilotes. Jorge Martín, exception faite de la pole, aura gagné les deux épreuves avec brio et combativité, s’affirmant désormais comme un sérieux prétendant au titre. Il devra juste faire preuve d’autant de maturité que Francesco Bagnaia au sommet de son art : toujours calme, performant quand il le faut, l’Italien semble bien parti pour conserver sa couronne en continuant ainsi, alors que le niveau n’a jamais été aussi relevé.

 

 

Un léger ton en-dessous, Johann Zarco, Brad Binder, Marco Bezzecchi et consorts ont malgré tout été flamboyants et s’invitent de façon régulière au festin. C’est bien simple : Ducati truste 8 des 10 premières places en courses. Même si l’armada de Bologne est en supériorité numérique, reconnaissons que la Desmosedici est plébiscitée par tous les teams qui performent tour à tour : Prima Pramac, Mooney VR46, Gresini. Plus aucun circuit ne lui fait peur.

KTM Factory et Tech3 GASGAS sont presque à la hauteur.

 

 

Aprilia, un temps perçu comme LE challenger désigné, devra finalement attendre un peu avec sa RS-GP. Faute également à des compétiteurs par trop souvent fauchés dans leurs élans. Le cas de Miguel Oliveira est à ce titre révélateur : fulgurant en début de saison, il se remet très (trop ?) lentement de deux blessures consécutives. Pendant ce temps le train passe…

Prochaine gare : Assen.

Tout le monde descend ? Nouveaux éléments de réponse jeudi.

Tous les articles sur les Pilotes : Fabio Quartararo, Francesco Bagnaia, Johann Zarco, Marc Marquez