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Pour beaucoup, les problèmes rencontrés en début d’année par Fabio Quartararo sont uniquement liés à son choix de changer de team. Or ce dernier, champion du monde en titre avec Danny Kent, rappelons-le, a profité de l’hiver pour changer de motos en passant de Honda à KTM.

Pour en savoir un peu plus, voire beaucoup, et même revenir sur les débuts du champion français en Grand Prix, nous avons donc interviewé Eduardo Martin, le riche homme d’affaire espagnol qui a découvert et accompagne “El Diablo” depuis ses débuts en championnat d’Espagne.

Eduardo, pouvez-vous nous donner votre vision de la première saison de Fabio en Grand Prix?

Eduardo Martin: “Nous avons débuté avec des attentes très différentes de ce qu’on pouvait lire dans la presse. On pouvait alors lire qu’on voulait être champion du monde… Mais non!
Dans son entourage, y compris Alzamora (team manager de son équipe Estrella Galicia), tout le monde a dit que Fabio avait le talent pour pouvoir se battre pour le titre. Mais c’était très différent que de se mettre la pression pour le faire!

L’année dernière, il a roulé en se projetant au maximum sur la prochaine course, mais pas plus loin, et il n’avait pas la pression que la presse a reportée. Il avait juste la pression normale d’un pilote qui débute en championnat du monde. Je suis avec lui tous les jours, et je pouvais le voir sur son visage; c’était la pression normale de la course, et c’est très différent de celle qui pèse sur celui qui pense que tout le monde attend qu’il soit champion du monde.
Seuls les journalistes ont parlé de ça, mais pas nous.

Je crois qu’ici, il n’y a pas un seul pilote qui soit en championnat du monde pour jouer. Tout le monde cherche à donner le meilleur, et c’est comme ça qu’on a commencé la saison. Mais seulement en cherchant à voir ce qu’on pouvait améliorer la semaine prochaine par rapport à la semaine passée. Et c’est la même chose que l’on fait maintenant.

Alors, il a roulé en 2013 avec une FTR-Honda, il a roulé en 2014 avec une Honda, et en 2015, on a pensé que ça allait être plus facile d’être aux avant-postes. Et les chronos ont été très bons en début de saison. Qu’est-ce qui s’est passé ensuite?

Le Mans a été le point d’inflexion. Il a fait la pole, et la moto était magnifique. Vraiment. Il est venu me parler après la qualification et m’a dit: “Eduardo, elle est parfaite. Il ne faut rien toucher du tout”.  Puis, en course, dès qu’il a mis les gaz, la puissance du moteur était partie. Il n’a pas reconnu la moto, ce n’était plus la même, celle qui avait fait la pole. Il s’est dit “je n’ai pas oublié comment piloter entre la pole et la course” et, complètement frustré, il a fait une erreur.
En début de saison, je lui avais dit “Fabio, statistiquement, tous les pilotes qui font deux résultats blancs diminuent beaucoup leur possibilité de faire un bon résultat final. Tu dois garder en tête que si, pendant une course, tu ne te trouves pas bien ou que la moto n’est pas bien, ou simplement que ce n’est pas le jour, il ne faut jamais aller à la limite. Il faut garder la tête froide.”
Mais en France, avec tout le monde, bien sûr qu’il a voulu tout montrer et a fait ce qu’il ne devait pas faire. Il a piloté à la limite, exploité tout ce que la moto pouvait donner, et même plus, et est tombé.

Ça été le commencement de discussions sur les réglages de la moto avec le team. Je ne dirai jamais que ce n’était pas un bon team; c’est un team magnifique et toutes les personnes sont magnifiques. Seulement, il n’y avait pas la communication suffisante, l’alchimie, pour que les indications données par le pilote soient bien entendues. Cela a été compliqué. Alors on a continué comme ça pendant toute la saison, et j’avais des réunions avec l’équipe pour qu’ils me disent ce qui se passait.

Par exemple, à Barcelona, je peux vous dire une chose très concrète; Fabio avait le record de la piste, obtenu en championnat d’Espagne. Mais il lui a été impossible d’être aux avant-postes au Grand Prix. Alors qu’est-ce qui s’est passé? Il n’a pas été possible d’avoir de bons réglages durant tout le week-end. Après les essais, Fabio a dit “je ne reconnais pas la moto, ce n’est pas croyable. J’ai roulé ici, mais là ce n’est pas possible.” Et en course, ça a été pareil.
Alors après celle-ci, je suis allé voir l’équipe et ils m’ont répondu “Eduardo, cela a été impossible pour nous de trouver les bons réglages.”
Je leur ai répondu “écoutez, je ne suis pas ingénieur, mais je me sers de mon bon sens; si, avec les mêmes conditions de température que l’année dernière et le même moteur, on a des réglages qui fonctionnent bien, pourquoi on ne met pas directement les réglages de l’année dernière?”

A ce moment, je dois dire que c’est moi qui ai commencé à mettre un petit peu de pression sur le team, parce que ça ne marchait pas. Je sais qu’il y a beaucoup de politique et beaucoup de chose, mais on est ici pour avoir la sensation que tout le monde prenne la même direction. J’ai alors dit à Emilio (Alzamora): ” ce petit, qui a aujourd’hui la tête froide, va avoir un jour la tête chaude et tomber en se faisant mal. Ce (jeu? jour?), c’est fini.”

Et c’est ce qui s’est finalement passé à Misano et la saison s’est terminée comme ça. A cause du contrat avec le team Monlau, notre intention était de terminer l’année dernière, puis, avec tout ce qui s’était passé, cela ouvrait pour moi la porte à écouter et discuter avec tout le monde.

Normalement, on devait aller avec Aki Ajo et j’en ai informé Emilio et Leopard (tous les deux alors sur Honda). Le responsable du team Leopard à parlé avec Honda et leur a dit “si vous ne faites rien pour garder un garçon comme ça avec Honda, peut-être que c’est à moi de penser à changer de Honda à KTM”.

Dans ce contexte, on a signé avec Leopard qui était encore Honda. Ce n’est donc pas qu’on a laissé Honda. Et je dois dire que dans le contrat, on avait le droit de refuser si le team changeait de Honda à KTM.
Puis le team nous a demandé “qu’est-ce que vous pensez?”.

On savait qu’avec KTM on n’aurait pas les références pour cette année, et que c’était un risque, mais Fabio est jeune et il a le talent. Je voulais qu’il soit avec une compagnie comme KTM qui est énergique et va à la bataille; et cette année ils sont toujours toujours devant! Je voulais avoir la sensation que le team était vraiment à ses côtés. L’alchimie avec l’ingénieur, c’est clair que c’est la chose que l’on n’avait pas l’année dernière, et avec Christian (Lundberg), on l’avait déjà. Telle était la situation, l’année dernière.”

A suivre…

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