Le décor était pourtant familier : un samedi ensoleillé à Misano, temple italien du MotoGP, là où les drapeaux jaunes à l’effigie de Valentino Rossi flottent depuis deux décennies comme un emblème national. Mais ce 13 septembre, les tribunes ont été le théâtre d’un malaise profond, réveillant les vieux démons d’une rivalité que l’on croyait éteinte.
Marc Marquez, alors en tête de la course Sprint du Grand Prix de Saint-Marin, chute violemment dans le virage final. Glissade spectaculaire, plus de peur que de mal, mais surtout… une ovation. Des cris de joie, des applaudissements. Dans les tribunes, des dizaines de fans, visiblement vêtus de jaune fluo, célèbrent la chute du numéro 93. Une image glaçante diffusée en direct dans le monde entier.
Valentino Rossi, pourtant à la retraite depuis 2021, n’était même pas sur la piste, mais son ombre planait sur l’événement comme un nuage chargé d’électricité statique.
Ce n’est un secret pour personne : entre les camps de Rossi et de Marquez, la fracture date de 2015. L’épisode de Sepang a marqué un tournant dans l’histoire du MotoGP moderne, empoisonnant la relation entre deux générations. Même après le retrait du « Doctor », la haine larvée persiste.
Le comportement d’une frange bruyante de tifosi lors de ce Sprint n’a pas seulement choqué les observateurs : il a aussi déclenché de véritables altercations physiques en tribune. Selon Speedweek et des témoins présents, entre six et huit supporters se sont affrontés verbalement et physiquement, opposant fidèles de Marquez aux inconditionnels de Rossi, dans une atmosphère rendue explosive par la provocation.
L’incident de Misano et le silence de Rossi embarrassent les anciens pilotes et les diffuseurs
L’ancien pilote Stefan Bradl, désormais consultant pour ServusTV, n’a pas caché sa consternation : « quand Marc est tombé, les Italiens ont célébré. Sportivement, c’est difficile à accepter… mais c’est comme ça, ici. »
Même DAZN Espagne s’est fendue d’une diffusion des images de Rossi esquissant un sourire peu après la chute de son ancien rival, ce qui n’a fait qu’attiser les flammes.
Marc Marquez, pour sa part, n’a pas réagi à chaud. Le lendemain, il a remporté le Grand Prix, devant Marco Bezzecchi, chouchou local, dans une ambiance lourde. Son calme et sa résilience ont été salués par Davide Tardozzi, team manager Ducati, qui a parlé d’une “gentillesse extraordinaire”.
Mais pendant ce temps, une question gênante monte en volume : où est la parole de Valentino Rossi ?
De plus en plus de voix, comme celle de Scott Redding, estiment que le nonuple champion du monde aurait dû intervenir depuis longtemps* pour calmer ses fans. Sans demander d’excuses, un simple message de pacification suffirait. « Rossi n’a pas à féliciter Marquez, mais il pourrait dire : “Tournez la page.” Et il ne l’a pas fait. »
Il est juste de noter que le Corriere Romagna a rapporté une ambiance globalement pacifique après la course, sous le podium, où Italiens et Espagnols ont partagé leurs chants. Mais l’incident du samedi reste un signal d’alarme, un rappel que certaines rancunes sont toujours à fleur de peau.
Rossi est une légende. Un monument. Et c’est peut-être précisément pour cette raison qu’il doit prendre la parole avec la hauteur qui lui sied. Non pas pour défendre Marquez, mais pour montrer à ses fans que le sport ne se construit pas sur la haine. L’épisode de Misano a prouvé une chose : en MotoGP, les cicatrices ne se referment jamais toutes seules.
Et pendant ce temps, Marc Marquez, hué un jour, ovationné le lendemain, trace son chemin vers un nouveau titre, avec en toile de fond, les fantômes du passé qui refusent de disparaître.