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Carlo Pernat

Il y a un an, Enea Bastianini pensait sauver sa carrière en signant chez KTM. Aujourd’hui, il incarne malgré lui le symbole d’un constructeur qui vend du rêve mais ne livre que du bricolage. Ducati l’a sacrifié pour offrir la Desmosedici d’usine à Marc Marquez et l’Italien a dû rebondir. On lui a tendu une planche de salut orange, repeinte aux couleurs de l’ambition et de la compétitivité. Mais Carlo Pernat révèle aujourd’hui cette planche était déjà vermoulue.

Chez Ducati, Bastianini se battait pour les victoires, parfois pour le titre. Chez KTM Tech3, il bataille pour entrer dans le top 10. Son exil sportif est brutal : du rôle de challenger à celui de figurant. Certes, un éclair à Barcelone – un podium arraché au prix de son talent – a laissé croire à une remontée. Mais c’était un mirage. À Saint-Marin, pour son GP national, « The Beast » a été réduit à l’impuissance : aucune vitesse, aucun point.

2025 devait être son année de relance. En réalité, c’est un chemin de croix. D’abord, Enea perd son manager historique Carlo Pernat, puis son chef mécanicien fétiche Alberto Giribuola claque la porte juste après le podium catalan. Mais le pire vient de l’usine : les hommes qui avaient convaincu Bastianini de signer ont disparu un à un.

Fabiano Sterlacchini, cerveau technique du projet, quitte KTM en juin 2024. Francesco Guidotti, patron de l’équipe officielle, est éjecté peu après, remplacé par Aki Ajo. Les repères techniques s’évaporent, la stratégie se délite. Résultat : Bastianini se retrouve engagé dans un projet fantôme, sans les architectes qui l’avaient attiré.

Carlo Pernat, désormais retiré du paddock pour raisons de santé, parle sans filtre. Et ses mots claquent comme un acte d’accusation contre KTM :

« Nous avons signé avec KTM après le Mugello », raconte-t-il. « Cette semaine-là, jusqu’au moment où nous sommes allés signer à Mattighofen, nous avons été accueillis par Sterlacchini, Guidotti, Giribuola… les personnes sur lesquelles nous avions misé. À l’époque, KTM et ces personnes étaient sur un pied d’égalité avec Aprilia. »

Mais tout s’est écroulé aussitôt l’encre sèche. « Ils nous ont caché la vérité, ils ont balayé la poussière sous le tapis. Sterlacchini a été viré cinq jours après notre signature, on plaisante ? » s’indigne Pernat.

EneaBastianiniKTM

Carlo Pernat : « ce sont des choses honteuses que je ne pardonnerai jamais à KTM en tant que manager »

Puis il lâche la bombe sur Todocircuito : « si j’avais été là, si j’avais été en bonne santé, j’aurais rompu ce contrat car pour moi c’était frauduleux. Ce sont des choses honteuses que je ne pardonnerai jamais à KTM en tant que manager. »

Comment en est-on arrivé là ? Parce que KTM a construit son image MotoGP sur du vent. L’entreprise a longtemps joué les challengers à coups de slogans : « mêmes armes que l’usine », « projet solide », « batailler avec Ducati ». Mais la réalité industrielle est plus sombre.

Fin 2024, KTM admet publiquement des pertes colossales, des stocks invendus qui s’empilent chez les concessionnaires, et une situation financière qui frôle le naufrage. Il faut une injection d’urgence du partenaire indien Bajaj pour éviter la catastrophe. Dans ce contexte, comment croire que le projet MotoGP pouvait être stable ? Les départs en série, la valse des dirigeants techniques et les promesses jamais tenues prennent soudain tout leur sens.

Enea Bastianini est aujourd’hui prisonnier d’un contrat signé sur la base d’un mensonge industriel. On lui a vendu un navire de guerre ; il se retrouve à ramer sur un radeau. Sa carrière est prise en otage par un constructeur qui préfère maquiller ses failles plutôt que d’assumer ses limites.

Le podium de Barcelone, aussi héroïque soit-il, ressemble à une étincelle dans un désert. Chaque week-end, Bastianini pilote une machine qui manque de vitesse, de stabilité, de développement. KTM a joué avec sa carrière pour sauver son image, et c’est un pari cynique : on promet, on signe, on restructure… et tant pis pour le pilote.

Dans un paddock où Ducati bétonne son empire et où Aprilia progresse à pas sûrs, KTM se comporte comme un colosse aux pieds d’argile, prêt à séduire pour exister mais incapable de tenir parole. Et Enea Bastianini en paie le prix le plus lourd : celui d’une saison sacrifiée sur l’autel de l’improvisation.

Carlo Pernat

 

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