Le Grand Prix de Saint-Marin n’a fait que confirmer une tendance inquiétante : le MotoGP ressemble de plus en plus à une loterie de survie. Samedi, Marc Marquez a chuté alors qu’il menait le Sprint, mettant fin à une série parfaite. Dimanche, pas moins de six pilotes ont abandonné et Joan Mir n’a même pas pris le départ, forfait à cause d’un coup au cou subi lors d’une chute le vendredi. Ai Ogura, blessé après sa sortie de piste, n’a pas participé aux essais de lundi…
Le constat est implacable : dix des 22 pilotes titulaires ont déjà manqué au moins une course pour cause de blessure cette saison. Jorge Martin, champion du monde en titre, en est l’exemple le plus dramatique, après trois chutes terribles entre février et avril qui l’ont laissé sur le carreau. Somkiat Chantra (LCR) a manqué plus de dix départs, Miguel Oliveira (Pramac) sept. Le MotoGP devient une infirmerie de campagne.
Pour Mat Oxley, ancien pilote devenu chroniqueur, le mal est structurel. Dans Motorsport Magazine, il accuse directement les règles d’« égalisation des performances » mises en place par Dorna. Le système de concessions, qui bride le développement des équipes leaders, pousserait les pilotes à compenser en piste en « prenant plus de risques ».
Misfortunes, pressure, battles and more from a tense #SanMarinoGP 😬⚔️#MotoGP pic.twitter.com/sX8fyMV0NR
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) September 16, 2025
Oxley : « les pilotes chutent presque deux fois plus souvent »
Le résultat ? « Ils chutent presque deux fois plus souvent qu’à la fin des années 1990 », affirme Oxley, ajoutant que la majorité d’entre eux finissent « blessés à vie ».
La Commission de sécurité du MotoGP existe, mais elle est jugée impuissante par ceux qu’elle est censée protéger. Selon Oxley, les pilotes envisageraient même de nommer un représentant indépendant. Mais dans un paddock dominé par Dorna, une telle initiative pourrait être fatale à une carrière : « une telle personne ne pourrait plus jamais travailler en compétition », prévient-il.
Face à ce rapport de forces déséquilibré, Oxley appelle les pilotes à suivre l’exemple de la Formule 1 : « ils devraient engager un avocat, quelqu’un de capable d’exploiter leur pouvoir collectif et d’obtenir enfin ce qu’ils veulent. »
Son idée : que chaque pilote finance une caisse commune pour rémunérer ce défenseur. Une manière de sortir du simple rôle de marionnettes d’un système verrouillé.
Mais même un avocat suffira-t-il ? Dorna, malgré le rachat par Liberty Media, reste l’acteur tout-puissant du MotoGP. La société espagnole n’hésite pas à intervenir dans les décisions sportives ou contractuelles.
Le cas Jorge Martin en début de saison l’a montré : Carmelo Ezpeleta a fait savoir qu’aucun pilote impliqué dans une bataille contractuelle ne pourrait courir, un avertissement qui a pesé lourd dans la balance et a fini par profiter à Aprilia.
Aujourd’hui, des bruits de paddock évoquent une pression pour retenir Pedro Acosta chez KTM, dans le but de répartir les « superstars » entre les usines.
Face à une telle autorité, les pilotes risquent d’être condamnés à subir. Même si l’idée d’un avocat circule, la capacité de Dorna à modeler le championnat selon ses intérêts reste écrasante. Ezpeleta, maître du MotoGP depuis des décennies, a toujours le dernier mot – sous couvert de « défendre les intérêts communs ».
Mais pour les pilotes, la réalité est plus crue : ils s’exposent à des vitesses folles, chutent de plus en plus, et voient leur marge de manœuvre se réduire. L’image d’un sport héroïque laisse place à celle d’un système où les champions roulent vite… mais marchent sur des œufs.
Testing day at #Misano 🛠️💥#ForzaDucati #DucatiLenovoTeam pic.twitter.com/Zv3VbSe9zM
— Ducati Corse (@ducaticorse) September 15, 2025