Au point de venir surpasser les Ducati en l’absence de Marc Marquez, l’équipe Aprilia Racing a incontestablement fait un pas en avant lors de la deuxième partie de saison MotoGP 2025, mais elle n’a pas attendu cela pour partager avec la presse sa vison des choses à l’instant T, grâce aux très intéressantes rencontres avec l’équipe dirigeante, de Massimo Rivola à Fabiano Sterlacchini en passant par Marco Di Luca.
Si les deux premiers sont bien connus du grand public, le dernier, dans un premier temps responsable de l’aérodynamique, se fait plus rare, son champ d’action en ayant évolué au fil du temps.
Alors avant de revenir prochainement sur la dernière évolution aperçue lors du test à Valence, et qui marque un vrai changement de l’approche d’Aprilia, nous diffusons ici sur les propos que « l’homme aux brevets » a partagé en septembre à Misano au sujet de la future RS-GP 27, et présenté comme suit par le chargé de communication dans l’hospitality de Noale.
» Merci d’être parmi nous. Donc Marco, comme vous le savez, est responsable de la partie-cycle (« véhicule ») chez Aprilia Racing. Juste une petite introduction : vous le connaissez déjà. Il est passé par de nombreuses catégories, y compris la Formule 1. Aujourd’hui chez Aprilia Racing, il s’occupe la partie-cycle, donc de l’aérodynamique, mais pas seulement : châssis, suspensions, bras oscillant, ergonomie, tout ce qui concerne la moto. Cette discussion est consacrée au projet 2027, et je pense que cela peut être très intéressant. Je vous laisse la parole. «
L’homme est bonhomme, affable, doté d’humour, et prend visiblement un plaisir malin à répondre à la curiosité de la presse.
Comme à notre habitude, nous reportons ici en intégralité les propos de Marco Di Luca sans la moindre mise en forme, même si cela est traduit de l’anglais.
Retrouvez la première partie ici…
🎤 Les courses seront-elles plus spectaculaires ?
«
Je ne sais pas. Peut-être oui, parce que certaines phases seront un
peu plus longues.
La phase de freinage, par exemple : il y aura moins de traînée
aérodynamique, donc j’espère qu’au freinage il y aura un peu plus
de distance pour se battre.
L’accélération aussi, parce qu’en compétition, si vous êtes trop
rapide, vous n’avez pas le temps de vous battre, n’est-ce pas ?
Mon expérience montre que si vous freinez en trois mètres… »
🎤 Enlevez les disques en carbone !
« Hmm… c’est la sécurité. Le carbone, c’est la sécurité, parce
qu’ils sont de plus en plus… »
🎤 Marco, pensez-vous que les 850cc seront
nettement plus lentes en vitesse de pointe ?
« Nous
avons quelques spéculations sur une réduction de la vitesse. Je ne
peux pas vous donner de chiffres, mais cela dépend, comme toujours,
de la longueur de la ligne droite.
Si vous avez moins de traînée, sur une très longue ligne droite…
mais comme la phase de freinage sera anticipée, il faudra s’arrêter
un peu plus tôt.
Donc la vraie réponse est oui, mais je ne vous dirai pas de combien
ce sera plus lent. »
🎤 Et la vitesse de passage en courbe
?
« La vitesse de passage en courbe… je dirais qu’avec
des caractéristiques de pneus identiques, donc sans intégrer la
variable pneumatique, d’un point de vue global, elle sera
similaire.
Je m’attends donc à quelque chose d’assez comparable sur cette
phase. Mais encore une fois, on ne peut pas isoler cette partie,
parce qu’il faut aussi prendre en compte le freinage et
l’accélération. C’est un continuum, n’est-ce pas ? »
🎤 Quand prévoyez-vous, ou quand est-il prévu, de sortir de la
phase “méta” et de voir une vraie moto pour la première fois en
piste ?
« Il existe un accord selon lequel nous ne
pouvons rien faire cette année, donc ce sera au début de l’année
prochaine.
Voyons… peut-être que certains concurrents seront un peu plus
rapides que nous, nous ne le savons pas. Mais honnêtement, c’est ce
que nous pouvons nous permettre. »
🎤 Lorsque le nouveau règlement a été publié,
vous aviez déclaré qu’il aurait été possible de réduire la vitesse
et d’atteindre tous les objectifs, notamment en termes de coûts,
avec une solution moins complexe…
« En termes de
coûts, l’exercice sur le moteur est, à mon avis, un
suicide.
Parce que, et c’est encore une fois mon opinion personnelle, je
pense qu’on aurait pu obtenir plus ou moins le même résultat avec
quelque chose de beaucoup, beaucoup plus simple que cela. »
🎤 Laquelle ?
« Il y a plusieurs choses. Le poids,
par exemple. D’accord, ce ne sera pas exactement la même chose si
l’on parle uniquement du temps au tour.
Mais le moteur reste un exercice très intéressant. Donc, pour vous
répondre clairement : si vous me demandez si cela va être moins
cher, au début, non. »
🎤 Par rapport à ce que vous aviez imaginé ou
planifié, le coût de développement d’une moto entièrement nouvelle
sera-t-il conforme à vos prévisions, ou plutôt plus élevé ou plus
bas ?
« Ce sera une moto entièrement nouvelle. À ce
niveau très élevé de compétition, avec un moteur plus petit et plus
léger, tout doit être revu.
Le moteur sera positionné différemment. L’échappement sera
différent. Le système de refroidissement sera complètement
différent. L’admission d’air aussi. Absolument tout sera
différent.
On ne peut pas prendre un nouveau moteur et le monter sur la moto
actuelle (2025) : ce serait un jeu perdant.
Donc on repart de zéro. J’imagine que, comme les autres, nous
travaillons déjà, mais à part quelques éléments que l’on pourra
éventuellement conserver, ce sera une moto entièrement
nouvelle.
D’un point de vue économique, pour nous, c’est un très grand défi.
»
🎤 Cela signifie-t-il que nous sommes quasiment
certains de voir un changement dans la hiérarchie actuelle :
Ducati, Aprilia, KTM, Yamaha… ?
« Pourquoi avez-vous
dit Ducati en premier ? (rires)
Désolé… c’est vous qui l’avez dit. Donc honnêtement, je ne peux pas
vous répondre. »
🎤 Changer de fournisseur de pneus au moment de
construire une moto entièrement nouvelle, était-ce selon vous la
bonne chose à faire ?
« Non, non. »
🎤 Les constructeurs auraient-ils peut-être dû
intervenir davantage ?
« D’un certain point de vue,
pour rebattre les cartes, peut-être que oui.
Mais du point de vue réglementaire, non, non.
Je sais qu’au début, on peut se dire : “Waouh, c’est…”.
Mais quand on introduit un nouveau règlement, avec le
temps…
Du point de vue moteur, oui peut-être. Du point de vue ingénierie,
c’est un exercice intéressant, mais…(grimace) »
🎤 À cause de cela, et aussi du manque de données que
vous aurez sur ces pneus Pirelli jusqu’aux premiers essais l’an
prochain, y a-t-il un risque accru de voir la hiérarchie encore
plus éclatée entre les équipes ? On peut très bien avoir conçu une
excellente moto, puis voir les pneus arriver et tout
bouleverser…
« Oui, je veux dire que cela fait partie
du jeu. Peut-être. Je ne sais pas. On peut être chanceux au départ,
mais si vous faites un très bon travail et que vous avez la
capacité, disons dès la phase initiale, de préparer une moto qui,
au début, vous offre suffisamment de liberté, alors vous pouvez
compenser des éléments comme la répartition des masses, par
exemple.
La philosophie de conception d’une première moto est donc
différente de celle d’une moto développée pour l’année suivante,
quand le règlement est stable. Parce que vous devez réfléchir en
amont : « et si le pneu se
comporte de telle manière ? Et si… »
Je me trompe
peut-être sur certains points, par exemple sur la consommation,
même si ce n’est pas le meilleur exemple.
Il faut donc concevoir la moto de façon à conserver une marge de
manœuvre, une capacité de réaction, sans compromettre le poids.
Vous savez, le poids minimum passera de 157 à 153 kg. Il faut donc
peut-être garder quelque chose “en réserve”, quelque chose avec
lequel jouer. »
🎤 Lorsque Dorna a annoncé cela l’an dernier, il a été
dit que les données GPS de chaque constructeur seraient mises à
disposition des autres constructeurs. Pensez-vous que cela aidera ?
Que ce sera pertinent ? Que cela permettra de maintenir une
compétition plus serrée ?
« C’est quelque chose de
très nouveau, je dirais, pour toute la communauté moto. Ce n’est
pas le cas en Formule 1, où c’est très courant. Mais je pense que
cela peut l’être aussi ici. Et si vous couplez cela aux
méthodologies qui évoluent très rapidement grâce à l’IA, vous
pouvez obtenir quelque chose de très puissant, si vous le
souhaitez. »
🎤 Marco, j’aimerais avoir votre avis sur le
poids minimum moto + pilote, qui existe dans presque toutes les
catégories, partout, sauf en MotoGP…
« Oui, je suis
totalement favorable à l’introduction de cette règle. Avec
peut-être une certaine tolérance.
Oui, pas quelque chose de trop strict. On parle bien de la moto et
du pilote, n’est-ce pas ? Parce qu’actuellement, cela pénalise
clairement certains pilotes. Et ce n’est pas juste.
Peut-être que le mécanisme, la formule, pourrait inclure une marge
de tolérance. Mais personnellement, je serais favorable à
l’introduction d’un poids total. »
🎤 Est-ce un sujet qui a été évoqué au sein du
comité dont vous faites partie ?
« Je pense que je
l’ai proposé personnellement, de manière assez simple, et ils ont
dit : “D’accord” (rires). J’avais trouvé cela intéressant.
»

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