Ce Grand Prix d’Italie aurait pu marquer un tournant pour Pecco Bagnaia. Il s’est transformé en un signal d’alarme. Sur un circuit où il était jusque-là invaincu depuis trois saisons, le pilote turinois a non seulement perdu face à Marc Marquez, mais il a surtout mis 23 secondes de plus à parcourir la même distance qu’il y a un an. Une régression flagrante, et certains n’ont pas tardé à invoquer des théories du complot.
Certains vont jusqu’à suggérer que Ducati favoriserait désormais Marc Marquez, allant jusqu’à parler d’un transfert de statut de pilote numéro un sous influence d’Audi, quitte à « sacrifier » Pecco, pourtant payé sept millions d’euros par an. Une lecture facile, mais peu compatible avec la logique technique et sportive qui gouverne encore, pour l’essentiel, le MotoGP.
En 2024, Bagnaia avait remporté le GP du Mugello en 40’51″385. Cette année, il a terminé en 41’14″295. Une perte d’environ une seconde par tour. Marc Marquez, avec une Ducati GP23 l’année dernière, avait fini à deux secondes de Pecco. En 2025, avec la GP25, il l’a dominé avec plus de cinq secondes d’avance à l’arrivée.
L’écart de performance n’est donc pas une pure perte de vitesse isolée chez Bagnaia, mais aussi un gain manifeste de Marquez, qui a lui aussi été plus lent que l’an dernier… mais de « seulement » 16 secondes. Parlant de son rythme à la fin du Grand Prix d’Italie, Neil Hodgson de TNT Sports a été choqué par la façon dont il a abordé la dernière partie de la course : « le plus étrange, c’est que Bagnaia a tout simplement jeté l’éponge », a-t-il déclaré. « Si vous êtes Bagnaia, vous êtes en Italie, vous devez attaquer. »
Michelin a apporté une réponse technique sobre mais claire : les températures. Cette édition s’est disputée avec 32 °C dans l’air et 51 °C sur l’asphalte, contre 22 °C et 38 °C en 2024. Dans ces conditions, les performances des pneus sont altérées, la gestion de la gomme devient un casse-tête, et tout le monde perd du temps. Tous les pilotes ont été affectés, mais certains plus que d’autres.
Marc Marquez vs Pecco Bagnaia : le mental, facteur déterminant
Ce qui interroge le plus, ce n’est pas tant la baisse de rythme généralisée, mais bien l’effondrement relatif de Bagnaia face à son nouveau coéquipier. Le début de course avait pourtant laissé espérer un duel à la hauteur des attentes. Pendant trois tours, Pecco et Marc se sont livré une bataille intense. Puis, tout s’est effondré. Après un contact qui aurait pu le faire chuter, Bagnaia a reculé dans le classement et a fini hors du podium, derrière Marquez mais aussi derrière Fabio Di Giannantonio.
Le double champion MotoGP semble aujourd’hui confronté à un défi inédit dans sa carrière : un coéquipier plus rapide, plus expérimenté, plus affamé. « Ici, j’ai toujours fait la différence dans les virages rapides, maintenant il y a quelqu’un de plus rapide que moi », a-t-il reconnu, avec lucidité mais sans solution apparente. Avoir un champion comme Marc Marquez dans le même box aurait dû le pousser à élever son niveau. Pour l’instant, c’est l’effet inverse qui semble se produire.
Dans le paddock, certains n’hésitent pas à comparer la situation de Bagnaia à celle de pilotes de F1 comme Yuki Tsunoda, écrasé par la présence de Max Verstappen chez Red Bull. Un phénomène classique dans le sport de haut niveau : face à une référence absolue, un coéquipier peut se révéler… ou s’effondrer. Au Mugello, Bagnaia n’a pas sombré totalement, mais il a encaissé une défaite symbolique. Et douloureuse.
Pendant ce temps, Marc Marquez redevient ce qu’il a toujours été : un compétiteur féroce, un prédateur de la première ligne, un champion en pleine possession de ses moyens. La blessure qui l’a écarté du sommet pendant trois longues années semble désormais digérée. Avec la Ducati la plus avancée du plateau, il est redevenu intouchable. Et ce retour rebat toutes les cartes.
Le sport a ses logiques. Aujourd’hui, il serait injuste de demander à Pecco Bagnaia l’impossible. À lui de réfléchir, de travailler, et de décider s’il peut encore reprendre le dessus. Mais une chose est sûre : le Mugello 2025 restera comme le jour où le vent a tourné.
Classement de la course MotoGP Mugello
