pub

Pecco Bagnaia

Le séjour au purgatoire de Pecco Bagnaia semblait s’être achevé avec sa double victoire à Motegi. Mais le Grand Prix d’Indonésie a brutalement renvoyé l’Italien en enfer — un endroit dont Ducati doit désormais le tirer sans la moindre condition.

Parmi toutes les choses que Marc Maquez a déclarées il y a un peu plus d’une semaine, lorsqu’il a reconquis le titre mondial MotoGP, il y a une phrase passée presque inaperçue, mais qui résume à merveille ce que l’Espagnol a traversé au plus sombre de sa carrière :

« C’est l’aide que j’ai reçue qui me permet d’être ici aujourd’hui. Je ne suis pas tombé à terre, j’étais déjà sous terre. Si on est à terre, on peut remonter. Mais si on est en dessous, il faut que quelqu’un nous tire de là. »

Bagnaia n’a peut-être pas encore touché un point aussi extrême que Marquez, mais lui aussi a besoin d’aide — sans condition et sans calcul politique. L’Italien est au fond du trou, et il mérite d’être soutenu. Malgré sa situation actuelle, il reste le pilote le plus titré de l’histoire de Ducati et la figure de proue de la VR46 Académie de Valentino Rossi. Pourtant, à la lumière des événements récents, on peut se demander si Borgo Panigale et la structure de Rossi font vraiment tout pour sauver leur double champion du monde.

La concentration d’egos chez Ducati dépasse celle de toute autre structure du paddock — ce n’est pas une surprise. L’usine a réussi à réunir sous un même toit les deux pilotes les plus titrés de la grille actuelle, tout en construisant la machine la plus dominante jamais vue en MotoGP : la Desmosedici, dernière évolution signée par l’ingénieur-star Gigi Dall’Igna.

Dall’Igna est aujourd’hui l’une des figures les plus puissantes de l’histoire du championnat. Sa voix pèse dans toutes les décisions majeures : technique, sportive et même politique. Mais cette centralisation de l’influence n’est pas sans conséquences dans un sport qui a toujours glorifié ses pilotes comme des héros. Les tensions apparaissent inévitablement — Andrea Dovizioso en fut la victime il y a quelques années. Lui, le seul à avoir défié Marquez en 2017 et 2018, a fini par quitter Ducati en plein sommet de sa carrière.

Bagnaia, arrivé en 2021 sans a priori, a grandi avec la moto jusqu’à devenir double champion du monde (2022-2023 et prétendant constant au titre sur quatre saisons (2021-2024). Mais aujourd’hui, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Et malgré ses efforts, Ducati semble incapable de lui donner le soutien psychologique et technique dont il a cruellement besoin.

Pecco Bagnaia

Ducati : un empire d’egos où même les champions peuvent vaciller

L’une des causes de la crise actuelle réside peut-être dans l’évolution de la machine. Les constructeurs n’aiment pas admettre qu’une version précédente pourrait être plus compétitive que la dernière. Reconnaître cela reviendrait à dire que le développement a été un échec coûteux. C’est pourquoi Ducati a soigneusement caché que Bagnaia avait testé la GP24 avec moteur GP25 lors des essais post-Misano.

Mais le secret a explosé vendredi dernier, quand Uccio Salucci (directeur de la VR46) a laissé échapper l’information : « Pecco a piloté la moto de Morbidelli le lundi après Misano », a-t-il révélé.

Fureur immédiate à Borgo Panigale. Le directeur sportif Davide Tardozzi s’est dit « surpris » publiquement. Certains y voient un simple lapsus d’Uccio, d’autres y décèlent un acte de défi subtil visant à dénoncer le traitement réservé à Bagnaia.

Si c’était une vraie erreur, cela soulève deux inquiétudes : soit la gaffe est indigne d’un dirigeant du rang d’Uccio Salucci, soit la communication entre VR46 et Ducati est quasi inexistante — improbable pour une organisation réputée méticuleuse.

Quoi qu’il en soit, l’incident n’a fait qu’aggraver la situation de Bagnaia, qui a quitté une fois de plus un Grand Prix sans adresser un mot aux médias, comme déjà à Misano.

« Il est clair que Pecco est dévasté en ce moment, plus en tant qu’homme qu’en tant que pilote », a reconnu Tardozzi. « Nous voulons le protéger et respecter ses émotions. Quand Pecco arrive avec les larmes aux yeux, c’est inévitable : c’est un pilote rapide, mais aussi très sensible. Pour l’instant, nous pensons qu’il vaut mieux le laisser tranquille et travailler pour qu’il soit prêt à performer à Phillip Island. »

Ces mots illustrent bien la fragilité actuelle du double champion. Derrière son palmarès impressionnant, Bagnaia est un pilote sensible qui semble écrasé par la pression, par la supériorité écrasante de Marquez et par l’incertitude technique de la GP25.

En une semaine, Ducati est passée de la gloire — le sacre mondial de Marquez et un doublé prometteur — au drame : blessure du champion et effondrement psychologique de son coéquipier.

La blessure de Marquez guérira avec le temps. Mais pour Bagnaia, le problème est plus profond. Il faudra quelqu’un capable de mettre son ego de côté pour tendre la main au pilote turinois.

Si Ducati parvient à relever ce défi, elle ne se contentera pas d’être l’usine qui fabrique les meilleures motos et les champions les plus titrés. Elle deviendra aussi celle qui protège et reconstruit ses héros quand ils sombrent. Et c’est peut-être le plus grand défi que la marque de Bologne ait rencontré depuis qu’elle règne sur le MotoGP.

Bagnaia Ducati Tardozzi MotoGP GP Indonésie Mandalika

Tous les articles sur les Pilotes : Francesco Bagnaia

Tous les articles sur les Teams : Ducati Team