Simon Crafar n’a jamais été du genre à mâcher ses mots, ni à freiner à mi-courbe. L’ancien pilote MotoGP, désormais commissaire de la Direction de Course, a troqué le cuir contre la chemise blanche du contrôle de course — une transition que beaucoup redoutaient, mais qu’il assume avec la même franchise qu’à l’époque où il accrochait les vibreurs.
Dans un entretien avec Pol Espargaró relayé par motosan, le Néo-Zélandais a offert un regard cru et lucide sur le métier de juge en MotoGP — cet exercice d’équilibriste où l’on tente de garder la tête froide au milieu du vacarme des fans, des caméras, et des réseaux sociaux.
« Je n’ai plus peur des commissaires maintenant. J’avais plus peur quand j’étais comme vous, à la télévision, car tout le monde voit une erreur », confie-t-il.
La phrase résume bien le paradoxe : être commissaire, ce n’est pas fuir la lumière, c’est simplement la voir d’un autre angle — celui où chaque décision peut te transformer en héros ou en punching-ball.
Crafar, aujourd’hui, fait partie d’un trio de juges qui détermine sanctions et arbitrages. Pas de décisions unilatérales, mais une collégialité sous tension :
« Je suis à la tête des décisions, mais nous sommes trois à nous compléter. Nous avons 160 caméras, une équipe d’analyse et un objectif : la cohérence. »
160 caméras, et pourtant, toujours quelqu’un pour dire que “les commissaires n’ont rien vu”.
Crafar revendique une approche plus humaine, presque pédagogique :
« Lorsqu’une action n’est pas une pénalité, mais reste dangereuse, on appelle le pilote. On lui montre la vidéo et on lui dit : « Ce n’est pas une sanction, mais ne refais pas ça. » »
Voilà la différence entre punir et comprendre. Un détail que certains fans oublient, habitués à hurler “injustice” dès que leur favori prend un long lap. Pour Crafar, l’idée n’est pas de casser des carrières, mais d’éduquer des comportements.
« Je n’ai aucun problème à faire ce que je crois juste, même s’ils sont en colère. » Ceux qui ont déjà croisé le regard du Kiwi savent : il ne dit pas ça pour la posture.
Sujet sensible s’il en est : les limites de piste. Crafar tranche, avec ce mélange d’expérience et d’ironie :
« À mon époque, le green, c’était de l’herbe. Aujourd’hui, c’est pour la sécurité. Mais la règle reste la même : on ne gagne pas du temps en coupant. »

Simon Crafar : « je n’ai pas peur de prendre des décisions difficiles si ce sont les bonnes »
Simple. Logique. Et pourtant, source infinie de polémiques chaque week-end. Les fans crient au scandale pour un pneu sur le vert, oubliant que sans ces zones, les pilotes sortiraient du bac à gravier sur une civière.
Concernant les pressions de pneus, Crafar précise : « Ce n’est pas nous qui décidons. On applique. Le service technique fixe les règles, on veille à ce qu’elles soient respectées. » Traduction : inutile d’aller lui aboyer dessus sur Twitter, il n’y peut rien.
Les accrochages ? Crafar ne les diabolise pas — il les comprend, les a vécus.
« On tolère les contacts, surtout dans le dernier tour. Ce qu’on ne tolère pas, c’est la tricherie. »
Et il ajoute, avec le bon sens d’un homme qui a déjà connu le chaos du premier virage :
« Les actions du premier tour sont plus dangereuses, donc plus susceptibles d’être pénalisées. »
Une logique que les pilotes connaissent, mais que le public, souvent, refuse d’entendre. Parce que dans les gradins, la nuance ne fait pas de bruit.
Le plus dur, admet-il, reste la frontière floue entre justice et perception.
« Le plus compliqué, c’est quand la sanction est difficile à prendre. On essaie d’être aussi justes que possible. »
Et quand la tempête médiatique s’abat, Crafar a une réponse qui vaut toutes les chartes éthiques :
« À ceux qui se plaignent des sanctions, je leurs dis de réfléchir à ce qu’ils feraient si c’étaient leurs enfants qui participaient à ces courses. »
Phrase cinglante. Vérité implacable. Parce qu’au bout du compte, derrière les combinaisons et les chronos, il y a des vies. Et Crafar, lui, n’a pas oublié que la course n’est pas un jeu vidéo.
Il termine : « je n’ai pas peur de prendre des décisions difficiles si ce sont les bonnes. » Cette phrase, c’est toute la philosophie de Simon Crafar. Pas d’arrogance, pas de calcul : juste la conscience tranquille d’un homme qui juge avec ses tripes et son expérience.
Et dans un MotoGP de plus en plus politisé, où la moindre pénalité devient affaire d’État, ça fait du bien d’entendre un commissaire qui parle encore comme un pilote.
































