Il y a vingt ans, Loris Capirossi entrait dans les virages comme s’il avait une vie de rechange. Chutes spectaculaires, dépassements suicidaires, instinct pur. Aujourd’hui, ironie du destin : c’est lui qui décide si une course doit s’arrêter pour éviter qu’un pilote ne finisse contre un mur.
Dans le podcast Mig Babol, le triple champion du monde dévoile avec lucidité et humour son quotidien dans l’ombre… celui du patron de la sécurité Dorna. Capirossi balaye d’un rire l’idée qu’il ne ferait qu’« appuyer sur pause quand il pleut » :
« Beaucoup pensent qu’on se contente de rester assis devant quelques écrans. Mais nous maîtrisons chaque détail. Nous avons plus de 70 caméras, nous pouvons revenir en arrière, comparer, aller jusqu’à la veille si nécessaire. »
Chaque week-end démarre à 7h du matin : inspection de chaque virage, drapeau, lumière, briefing des commissaires, surveillance continue avec possibilité d’analyser tout incident en quelques secondes. Ce n’est pas seulement contrôler une course, c’est tenir les vies des pilotes au creux des mains.
Souvent critiqué pour des drapeaux rouges « trop tard », Capirossi explique leur règle d’or dans le cas d’une averse en pleine bataille : « nous analysons les temps au tour. S’ils restent constants malgré la pluie, nous laissons courir. Nous n’intervenons que lorsque l’écart augmente d’au moins deux secondes. Mais quoi qu’on fasse, quelqu’un sera mécontent… »
Puis il tranche, sans détour : « la sécurité avant tout. Si la piste n’est pas sûre, c’est fini. Point final. »

Loris Capirossi : « je suis là pour garantir une vie plus sûre et plus juste aux pilotes. Quand je vois que ça marche, je suis fier »
Les pilotes savent désormais que Capirossi ne joue plus au gendarme : « avant, la direction de course distribuait aussi les pénalités, et cela abîmait nos relations. Aujourd’hui, ce sont les commissaires qui sanctionnent. Nous, on gère la course. »
Il ajoute : « si quelqu’un dit n’avoir rien fait… je réponds que nous avons tout vu. » Mais il ajoute une touche d’humanité : « les pilotes m’écrivent souvent en privé. Je leur montre les images… et, généralement, ils sont d’accord. »
Capirossi n’a jamais quitté l’esprit du paddock : « je fais ça par passion. J’ai toujours été de l’autre côté. Maintenant, je suis là pour garantir une vie plus sûre et plus juste aux pilotes. Quand je vois que ça marche, je suis fier. Au fond, je reste un pilote ; ça ne changera jamais. »
Capirossi, c’est le pilote qui ne critiquait jamais la direction de course… parce qu’il fonçait avant tout. Aujourd’hui, il est celui qui dit stop quand les autres ne veulent pas l’entendre.
Grâce à lui, les risques sont mesurés. Les drapeaux rouges ne sont plus improvisés. Et la passion ne se transforme plus en drame.
Dans un sport où la limite entre gloire et catastrophe se joue en millisecondes, il fallait un homme qui sache ce qu’est tenter la mort pour gagner un dixième. Ce gardien-là… a déjà vécu ce que les autres n’osent même pas imaginer.
































