Marc Marquez n’avance plus seulement vers les sommets du MotoGP. Il marche désormais droit vers l’héritage le plus sensible, le plus symbolique, et le plus inflammable de l’histoire moderne de la discipline : celui de Valentino Rossi. Sa saison 2025 avec Ducati, d’une domination presque clinique, n’a pas seulement marqué son retour définitif au sommet après des années de blessures et de doutes. Elle a rouvert une fracture jamais refermée.
Car même si Valentino Rossi a quitté le paddock MotoGP depuis longtemps pour se consacrer aux quatre roues, la rivalité qui l’oppose à Marquez reste omniprésente. Elle vit dans les tribunes, sur les réseaux sociaux, et dans la mémoire collective du sport. L’épisode de Sepang 2015, devenu un point de non-retour émotionnel entre les deux camps, continue de structurer les discours et les passions. Rien n’a été apaisé. Rien n’a été oublié.
En égalant en 2025 le record de sept titres MotoGP de Rossi, Marquez a franchi une ligne symbolique. Une frontière que beaucoup pensaient intouchable. Et en 2026, il pourrait aller encore plus loin : dépasser Rossi en catégorie reine et rejoindre Giacomo Agostini au sommet absolu de l’histoire. Une perspective qui dépasse largement la simple statistique.
Avec 73 victoires, Marquez n’est plus qu’à 17 succès du total de Rossi. Un chiffre vertigineux, difficile à atteindre sur une seule saison de 22 courses, mais qui n’a plus rien d’utopique au regard de la dynamique actuelle. Pourtant, réduire la trajectoire de Marc Marquez à une chasse aux records serait une erreur fondamentale.
C’est précisément ce que souligne Pol Espargaró, ancien coéquipier de l’Espagnol chez Honda, dans une analyse aussi lucide que dérangeante.
Pol Espargaró : « le rival de Marc Marquez, tout au long de sa carrière, a toujours été le même : lui-même »
Pour lui, Marquez n’a jamais vraiment couru contre Rossi. Ni contre Lorenzo. Ni contre qui que ce soit d’autre.
« Le rival de Marc, tout au long de sa carrière, a toujours été le même : lui-même. Sa propre ambition, ses propres limites, ses propres défis. »
Espargaró pose sur AS une question essentielle : que reste-t-il à conquérir quand on a déjà tout gagné ? Et surtout, qu’est-ce que cela change réellement de passer de neuf à dix titres, ou de dix à onze ? Pour beaucoup de champions, rien. Pour Marquez, tout.
« Je fais partie de ceux qui pensent qu’il ne sera jamais satisfait. Il continuera tant qu’il le pourra, parce que c’est ce qu’il aime. Pas pour les records, mais pour la passion, pour la victoire, pour l’ambition brute. »
Cette lecture éclaire différemment la trajectoire actuelle du pilote Ducati. Marquez ne semble pas mû par le besoin d’écraser un héritage ou d’humilier une légende. Il est mû par quelque chose de plus profond, presque plus inquiétant : l’impossibilité de s’arrêter tant que la flamme est là.
Livio Suppo, qui le connaît mieux que quiconque, l’a résumé sans détour : Marquez prendra sa retraite le jour où un pilote plus fort que lui apparaîtra. Pas avant.
C’est là que le sujet devient explosif. Si Marc Marquez venait à dépasser Valentino Rossi en nombre de titres MotoGP, la réaction ne serait pas simplement sportive. Elle serait émotionnelle, presque identitaire, pour une partie du public. Rossi n’est pas qu’un champion. Il est un symbole culturel. Le dépasser, ce n’est pas seulement battre un record : c’est redéfinir le panthéon.
Luca Marini, demi-frère de Valentino, n’a jamais compris l’ampleur de cette obsession collective autour de leur rivalité. Mais qu’on le veuille ou non, elle structure encore le MotoGP d’aujourd’hui. Et aucune réconciliation n’est à l’horizon.
Si Marquez va au bout de cette trajectoire, s’il dépasse Rossi, alors le débat sur le plus grand pilote de tous les temps cessera d’être théorique. Il deviendra frontal. Brutal. Inévitable.
Et le plus ironique dans tout cela, c’est que Marc Marquez, lui, n’a peut-être jamais vraiment couru après ce titre-là. Il court simplement après la seule chose qui l’a toujours guidé : la victoire suivante.
