Marc Marquez est sans doute le plus grand talent brut de sa génération, un extraterrestre du bitume capable de faire glisser n’importe quelle machine jusqu’à la victoire. Mais derrière ce don presque inhumain se cache un problème bien réel : il n’est pas un bon développeur de moto. Il est peut-être même l’un des pires.
Et ce n’est pas une accusation gratuite. C’est Alvaro Bautista lui-même qui l’a expliqué récemment, sans détour, dans l’émission Revival MotoGP de Nico Abad. Un témoignage de l’intérieur, relayé par Todocircuito, d’un pilote qui a piloté la Honda RC213V avant, pendant et après l’ère Marquez. Et ce qu’il en dit est sans appel.
« Le problème, c’est que Marc est rapide avec tout », lâche Bautista. Et c’est là que le bât blesse. Là où les autres pilotes ont besoin d’un certain feeling pour aller vite – freinage clair, stabilité à l’entrée, confiance sur l’angle – Marc, lui, n’a besoin que d’un point de pivot et d’un cerveau de kamikaze.
Résultat : il masque les défauts des prototypes avec son talent pur. Il va vite même avec une moto instable, imprécise, mal équilibrée. Et dans un paddock où les données et les chronos dictent les décisions techniques, cette capacité d’adaptation devient toxique. Les ingénieurs pensent que « la moto marche », car le chronomètre l’indique… pour Marc. Pas pour les autres.
Quand Bautista raconte que Pedrosa refusait certaines évolutions techniques que Marquez adorait, on comprend à quel point la dynamique était biaisée : « Dani disait : “ça ne marche pas”, Marc disait : “c’est génial”. Et donc… on gardait la pièce. »
Marc Marquez arrive, il détruit tout, mais il gagne
Ce n’est pas que Marc veut nuire. C’est juste qu’il s’en moque. Tant que la moto freine fort et qu’elle peut rentrer en glisse dans un virage, il s’adapte. L’électronique ? Le comportement moteur ? Les sensations sur la roue avant ? Des détails pour les mortels. Pour Marquez, la seule variable, c’est lui-même.
La RC213V de l’ère HRC-Marquez ? Un monstre indomptable pour les autres. Ce prototype était littéralement construit autour de lui. Résultat : les coéquipiers se sont succédé et aucun n’a survécu. Pedrosa ? Mis sur la touche. Lorenzo ? Écrasé. Bradl ? Spectateur. Nakagami ? Naufragé. Pol Espargaró ? Désarçonné. Tous broyés par une moto impossible à comprendre… sauf pour son génial bourreau.
Et aujourd’hui, alors que Ducati l’a enrôlé comme sauveur, il serait bon que Borgo Panigale garde cette leçon en tête. Marquez est un tueur. Un stratège. Un animal de course. Mais pas un bâtisseur de cathédrale. Il est le type qui gagne avec une moto bancale, pas celui qui la rend meilleure pour tout le monde.
Il faut des Pedrosa, des Dovizioso, des Lorenzo pour construire une base solide. Marc, lui, arrive après. Il détruit tout, mais il gagne. Et c’est bien le paradoxe qui a mené Honda droit dans le mur pendant cinq ans : le meilleur pilote du monde était peut-être… leur pire ingénieur.
Ironiquement, Pecco Bagnaia ne vit pas ce problème aujourd’hui. Comme le dit Bautista, son mal est ailleurs : « il est juste perdu. Ce qui marchait ne marche plus. Il cherche, tourne en rond. » Pecco n’est pas dans un bras de fer technique avec la machine. Il est dans une crise de confiance.
Mais attention : le jour où Ducati se reposera uniquement sur les sensations de Marquez pour faire évoluer sa Desmosedici, le risque sera réel. Le prodige de Cervera peut gagner tout seul, oui. Mais pas développer pour les autres.