Le MotoGP est en train de vivre un virage stratégique historique. Après la septième couronne de Marc Marquez, Dorna a enclenché une refonte de son storytelling pour faire briller plus que jamais la catégorie reine. Et depuis le rachat par Liberty Media, les ambitions se précisent : propulser le MotoGP au rang de produit premium mondial, comme la F1 sous l’ère « Drive to Survive ». Mais derrière les communiqués rassurants, une question taraude le paddock : que deviendront Moto2 et Moto3 ?
Carmelo Ezpeleta, patron de Dorna, a dû monter au créneau pour éteindre les rumeurs de disparition ou de relégation des catégories inférieures. “Ces rumeurs sont totalement infondées,” assure-t-il. “Moto2 et Moto3 sont essentielles pour notre championnat.”
Oui, Moto2 et Moto3 resteront des championnats du monde officiels, continueront à courir le dimanche et conserveront leur rôle de tremplin pour les jeunes talents. Mais Ezpeleta assume qu’un repositionnement marketing est en cours : nouvelles infrastructures, présentation repensée, mise en avant totale du MotoGP dans la communication officielle. Autrement dit, les petites catégories continueront d’exister… mais dans l’ombre d’un MotoGP érigé en produit star.
Depuis son arrivée, Liberty ne cache pas sa vision : faire du MotoGP un blockbuster global, comme elle l’a fait pour la F1. La stratégie est claire : concentrer les ressources et l’image sur la catégorie reine, séduire sponsors et diffuseurs, maximiser la valeur télévisuelle et numérique.
Les équipes Moto2 et Moto3, elles, oscillent entre espoir et inquiétude. D’un côté, Liberty promet que le succès global du MotoGP profitera par ricochet aux petites classes grâce à une exposition accrue. De l’autre, aucun soutien financier concret n’est prévu à court terme, alors que lever des fonds reste bien plus compliqué pour ces équipes que pour les géants du MotoGP.
“Nous investissons dans le MotoGP mais sans sacrifier les autres catégories.”
Liberty prépare aussi une réduction naturelle des grilles : Moto2 passerait de 28 à 24 pilotes, Moto3 resterait à 26, jugé “idéal”. Objectif : donner plus de valeur aux équipes existantes, limiter les nouvelles structures et stabiliser l’économie des catégories intermédiaires.
Officiellement, le paddock restera accessible, les teams Moto2/Moto3 garderont leur place près des garages MotoGP, mais tout sent la rationalisation et la hiérarchisation assumée. Car derrière les mots, une réalité : le MotoGP veut tout capter.
Le discours d’Ezpeleta se veut rassurant : “Nous investissons dans MotoGP mais sans sacrifier les autres catégories.”
Mais les faits parlent : réduction des grilles, recentrage marketing, absence de nouveaux financements, et storytelling remodelé pour glorifier la catégorie reine. Liberty ne fait pas mystère de sa priorité : vendre un MotoGP puissant, lisible, sexy pour les plateformes et sponsors. Moto2 et Moto3 ? Elles serviront d’incubateur, mais avec des moyens limités.
Pendant des décennies, Moto2 et Moto3 ont été bien plus que des classes d’accès : elles ont écrit des histoires fortes, construit des légendes et maintenu une diversité de talents. À force de les reléguer à un rôle secondaire sans soutien financier, Liberty prend le risque de fragiliser la base même du championnat.
Les signaux faibles sont déjà là : des équipes qui peinent à trouver des sponsors, des grilles qui se réduisent, un public de plus en plus concentré sur la seule catégorie reine.
Le MotoGP veut séduire Netflix et les sponsors mondiaux, mais pourrait s’auto-amputer de son vivier, comme la F1 l’a fait avec ses formules juniors invisibles pour le grand public. Alors, Moto2 et Moto3 seront-ils sacrifiés sur l’autel du MotoGP premium ? On devrait connaître la réponse assez vite …