pub

Paolo Simoncelli

Paolo Simoncelli ne parle jamais à moitié. Et lorsqu’il ouvre son cœur au Corriere della Sera, c’est avec la même sincérité brute qui a toujours fait de lui une voix respectée – et redoutée – du paddock. Le père de Marco Simoncelli, figure morale du MotoGP et gardien d’une certaine idée de la course, dresse un constat sombre de l’évolution du championnat. Entre son envie de tout arrêter, son incompréhension face à Liberty Media, son admiration intacte pour Marc Marquez, ses doutes sur Pecco Bagnaia et une confidence bouleversante sur son fils disparu, Paolo Simoncelli livre une interview à la fois lucide, rageuse et profondément humaine.

C’est sans détour que Paolo Simoncelli attaque la nouvelle ère du MotoGP. L’arrivée de Liberty Media, synonyme de business, de show et de standardisation, l’exaspère au point d’envisager un retrait pur et simple.

« Je crois que je vais bientôt démissionner. Ces Américains m’ont déjà exaspéré. Ils veulent tout changer. On dirait que rien de ce qu’on a construit n’est valable. »

Pour Simoncelli, le problème est clair : le sport passe après le marché. L’histoire, la formation, les catégories inférieures, tout ce qui a fait l’ADN du MotoGP est menacé.

« Ils veulent supprimer les titres remportés dans les catégories inférieures, au profit de ceux du MotoGP. Ils veulent effacer l’histoire. Marco, les Gresini, Nieto… ils disparaîtraient. »

Il dénonce aussi une génération de pilotes formatés trop tôt, déjà stars avant d’avoir appris à perdre.

« À 18 ans, les pilotes ont déjà le physique d’un pilote de MotoGP et le train de vie d’un Marquez ; ils sont déjà influencés par leurs managers. Ils nous font sentir inutiles. »

La conclusion est cinglante, presque désabusée : « pour Liberty Media, la moto n’existe pas. Ils veulent du spectacle : qu’ils montent un cirque, alors ! »

MotoGP | Paolo Simoncelli : « Pour Liberty, la moto n'existe pas. »

Paolo Simoncelli : « Marc Marquez court et pense comme mon fils »

Dans ce paysage qui le déçoit, une figure continue de susciter chez Paolo Simoncelli une admiration sincère : Marc Marquez. Une admiration ancienne, profonde, presque fraternelle.

« Je savais qu’il était le plus fort. Il court et pense comme mon fils, je l’ai toujours aimé. »

Ce qu’il respecte chez l’Espagnol, ce n’est pas seulement le palmarès, mais l’état d’esprit : l’attaque permanente, le refus d’abandonner. « Il n’abandonne jamais, il essaie toujours. »

Et inévitablement, Paolo Simoncelli laisse parler l’émotion et l’imaginaire : « si Marco n’était pas mort, on se serait tellement amusés. Imagine les combats ! » Une phrase lourde de sens, qui rappelle ce que le MotoGP a perdu ce jour d’octobre 2011.

Concernant Francesco Bagnaia, le regard est plus nuancé, presque inquiet. Simoncelli voit dans les difficultés récentes du champion italien moins un problème de talent qu’un choc mental mal anticipé.

« Espérons qu’il ait retrouvé ses repères mentalement. Il n’était pas préparé à un coéquipier aussi fort. »

Il pointe aussi l’environnement dans lequel Bagnaia a grandi, celui de l’orbite Rossi, et une forme de sous-estimation fatale.

« Il vient du groupe de Valentino et, en écoutant tout ce qu’ils disent là-bas, il a sous-estimé Marquez. »

Le verdict est sans appel : « Marc est une bête sur la piste et il l’a mis en difficulté. »

Et puis, il y a Marco. Toujours Marco. Le fils, le pilote, l’absence qui ne s’est jamais vraiment installée. Les mots de Paolo Simoncelli sont d’une sobriété bouleversante.

« Les cendres de Marco reposent dans sa chambre, il y dort toujours. Rien n’a changé. »

Pas de regret, pas de colère. Seulement l’acceptation d’un destin qu’il refuse de réécrire.

« Je ne regrette rien ; c’était son destin, et ma femme et moi avons tout fait pour le rendre heureux. »

La conclusion est aussi simple que déchirante : « il est mort en faisant ce qui le rendait heureux. »

À travers cette interview, Paolo Simoncelli rappelle une chose essentielle : le MotoGP n’est pas seulement un produit, un spectacle ou une plateforme marketing. C’est une histoire faite d’hommes, de risques, de sacrifices et de mémoire. Et tant que des voix comme la sienne continueront de s’élever, cette histoire refusera de disparaître en silence.

Paolo Simoncelli

 

Tous les articles sur les Pilotes : Francesco Bagnaia, Marc Marquez