Dans les coulisses du mythe Rossi, il existe une histoire parallèle, un « et si… » monumental qui aurait pu réécrire l’histoire de la MotoGP. Celle du projet fou de Suzuki pour s’attacher les services d’un Valentino Rossi en pleine traversée du désert chez Ducati.
Tout au long de sa carrière, Valentino Rossi a incarné une forme de fidélité presque instinctive aux constructeurs japonais. D’abord avec Honda, où il empila les titres à la fin de l’ère 500 cc deux-temps puis au début du MotoGP moderne, avant d’écrire l’un des chapitres les plus mythiques de l’histoire avec Yamaha. Une relation passionnelle, parfois conflictuelle, mais globalement victorieuse.
Puis, au tournant des années 2010, la machine s’est grippée. Les victoires se sont raréfiées, la domination s’est effritée, et Rossi a tenté ce qui devait être l’apothéose de sa carrière : réaliser le rêve italien avec Ducati. On connaît la suite. Un mariage raté, l’un des échecs les plus retentissants de l’ère MotoGP, et une frustration profonde pour “Il Dottore”.
Mais ce que l’histoire officielle a longtemps laissé dans l’ombre, c’est qu’un autre géant japonais était prêt à tout pour l’arracher à Ducati.
Dans cette histoire parallèle, un nom revient avec insistance : Davide Brivio.
L’homme qui avait déjà réussi l’exploit presque insensé de convaincre Rossi de quitter Honda pour Yamaha au début des années 2000 – alors que la marque n’avait gagné aucune course la saison précédente – était de nouveau dans les parages.
À l’époque Ducati, Brivio n’était plus chez Yamaha. Il avait quitté l’usine d’Iwata fin 2010 et travaillait aux côtés de Rossi sur des projets annexes, notamment le merchandising. C’est à ce moment précis que Suzuki entre en scène.
L’usine d’Hamamatsu préparait en coulisses son retour en MotoGP. Officiellement absente fin 2011, Suzuki n’avait conservé qu’une seule moto en piste cette saison-là, confiée à Bautista, uniquement pour honorer ses engagements contractuels avec Dorna.
Brivio raconte ce contexte dans le magazine Slick :
« Il faut remonter à 2011, lorsque je travaillais pour Valentino. J’avais moi aussi quitté Yamaha fin 2010, comme lui. Suzuki avait quitté le MotoGP fin 2011. Tout le paddock savait déjà que Suzuki voulait arrêter fin 2010, donc en 2011, ils n’ont couru qu’avec une seule moto afin d’honorer le contrat signé avec Dorna. »

Davide Brivio : « chez Suzuki, ils étaient prêts à tout, ils avaient déjà en tête d’établir leur siège en Italie »
Puis vient l’appel qui change tout. « Shinichi Sahara m’a contacté et m’a dit qu’ils souhaitaient revenir, qu’ils le feraient en 2014 et voulait savoir si Rossi rejoindrait le projet. »
Chez Suzuki, l’ambition était démesurée. Rossi devait être la pierre angulaire du retour.
« Ils étaient prêts à tout : installer le siège de l’équipe ici en Italie, afin qu’il soit proche de Rossi. Ils avaient déjà en tête d’établir leur siège en Italie. »
Un geste symbolique et stratégique, montrant à quel point Suzuki était prête à se plier aux exigences du numéro 46.
Contrairement à ce que beaucoup ont longtemps cru, Valentino Rossi n’a jamais fermé la porte. Bien au contraire. L’idée de rejoindre Suzuki l’attirait réellement. Le problème n’était pas sportif, mais temporel.
Son contrat avec Ducati le liait jusqu’à fin 2013, tandis que Suzuki prévoyait son grand retour en 2014. Une année blanche était inenvisageable pour Rossi.
Brivio explique : « j’en ai parlé à Valentino, mais il m’a répondu qu’il avait besoin d’une moto pour 2013, pas pour 2014, donc il ne pouvait pas attendre Suzuki. » Et c’est là que le destin a tranché.
Faute de pouvoir aligner la légende italienne, Suzuki a poursuivi son projet sans lui. À son retour en MotoGP, la marque bleue a confié ses machines à Aleix Espargaró et Maverick Viñales.
Un duo talentueux, prometteur, mais qui n’avait évidemment pas le poids médiatique, technique et symbolique d’un Valentino Rossi.
Avec le recul, cette histoire ressemble à l’un des plus grands “et si” du MotoGP moderne. Et si Rossi avait quitté Ducati un an plus tôt ? Et si Suzuki avait avancé son retour ? Et si Brivio avait réussi un deuxième miracle après Yamaha ?
On ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : à Hamamatsu, Valentino Rossi a été désiré comme rarement un pilote l’a été. Et cette opportunité manquée a probablement changé, à sa manière, le cours de l’histoire du MotoGP.
































