Dans un paddock où les rugissements des moteurs résonnent aussi fort que les émotions, le MotoGP s’affirme comme un bastion de liberté verbale. Contrairement à la F1 et au WRC, régis par la FIA et leur récente croisade contre les jurons, le championnat de la FIM et de la Dorna laisse aux pilotes et aux équipes le luxe d’une expression plus… brute. Et cela ne risque pas de changer.
Pedro Acosta, nouvelle pépite de KTM, ne mâche pas ses mots. Et il n’est pas le seul. Jack Miller, roi du langage fleuri, a encore récemment lâché à Jerez : « Tu ne peux pisser qu’avec la queue que tu as » — une perle de franchise australienne qui n’a pas été censurée, simplement parce qu’elle n’avait pas à l’être. Pas de blâme, pas d’amende, pas de communiqué contrit.
Pendant ce temps, la Formule 1 serre la vis. Max Verstappen, pourtant l’un des visages les plus médiatisés du sport, a vu ses écarts de langage faire la une. Entre amendes, avertissements et demandes de retenue, la FIA tente de lisser ses champions. Même les conférences de presse sont devenues des zones à surveiller.
Pourquoi ce contraste ? Parce que le MotoGP, comme le surf ou le BMX, vient d’une culture de la débrouille, de la passion brute. Historiquement peuplé de pilotes issus de milieux modestes, le championnat conserve un lien fort avec le public. Barry Sheene parlait comme un Cockney, pas comme un aristocrate. Et aujourd’hui, les Acosta, Miller perpétuent ce ton sans filtre en Grand Prix.
Même Valentino Rossi le savait : pour se faire aimer, il fallait rester sincère, parfois un peu sale, mais toujours vrai.
Le MotoGP préfère l’authenticité à l’hypocrisie. Et ça fonctionne
En laissant les émotions s’exprimer sans filtre, le MotoGP gagne une chose inestimable : la personnalité. À l’heure où la F1 standardise, le deux-roues expose les failles, les colères, les blagues.
Cela donne une image plus humaine. Plus accessible. Et dans une grille de pilotes souvent composée d’Espagnols et d’Italiens, la langue familière devient un moyen de se démarquer. Mettez un frein à cela, et vous verrez l’âme du MotoGP s’effacer peu à peu.
Alors que Liberty Media, propriétaire de la F1, lorgne sur le MotoGP, certains redoutent une américanisation du ton, avec sa pruderie médiatique. Espérons que cela ne sonne pas le glas des jurons en direct. Car oui, le sport doit évoluer. Mais il doit aussi préserver ce qui fait battre son cœur. Et parfois, ce cœur s’exprime avec des mots de quatre lettres.
Si cela dérange ? Tant mieux. C’est peut-être le signe qu’il reste un coin de paddock encore un peu sauvage. « Quand tu risques ta vie, t’as le droit de lâcher un ‘putain’« , analyse justement un membre d’équipe.