Le projet le plus ambitieux de Yamaha depuis vingt ans est aussi le plus déroutant. Avec l’abandon historique du quatre-cylindres en ligne au profit d’un moteur V4, le constructeur japonais espère sortir de l’impasse en MotoGP. Mais en interne, les signaux envoyés sont tout sauf clairs. Et pour Marco Melandri, ancien pilote MotoGP et observateur averti du paddock, quelque chose ne colle pas.
Pour tenter de combler son retard face à Ducati, KTM et Aprilia, Yamaha a pris une décision radicale : la YZR-M1 V4, une première depuis la fin de l’ère deux-temps en 2002.
La moto a été officiellement dévoilée lors du Grand Prix de Saint-Marin 2025, avec Augusto Fernandez en wild-card. L’Espagnol a ensuite enchaîné les roulages en Malaisie et à Valence, accumulant un kilométrage précieux pour orienter le développement.
À ses côtés, Andrea Dovizioso joue un rôle central. Fort de ses 22 années d’expérience en Grand Prix, l’Italien est devenu l’un des piliers techniques du projet V4, multipliant les essais privés et les échanges avec les ingénieurs japonais.
Le problème, c’est que Fabio Quartararo, pourtant moteur du changement chez Yamaha, se montre très critique après ses premiers essais. Le champion du monde 2021 n’a pas caché sa frustration, pointant un manque de sensations et un moteur encore loin du niveau attendu.
C’est précisément cette divergence qui interpelle Marco Melandri.
Dans une interview accordée à GPOne, l’ancien champion du monde 250 cc 2002 s’interroge ouvertement :
« D’après ses propos et les événements qui se déroulent, il semblerait que oui. Fabio pourrait partir, mais attendons de voir. J’ai, quant à moi, quelques questions. »
Invité à préciser ses doutes, Melandri met le doigt sur un point clé : l’adaptation de Quartararo.
« Je pense qu’il ne sera pas facile pour Fabio de reproduire avec le V4 ce qu’il a fait avec le quatre cylindres en ligne. »
« Je fais surtout référence à la nécessité de trouver les bons réglages et le bon équilibre de la moto. Pendant tant d’années, il a été habitué au quatre cylindres en ligne, et je ne pense pas que ce passage au V4 soit facile. »

Quartararo inquiet, Dovizioso confiant, deux discours opposés : à qui faire confiance ? Melandri répond
Mais le constat va plus loin : « autre chose : il me semble que tous les pilotes Yamaha se plaignent de la nouvelle moto. D’après leurs déclarations, je ne les ai pas vus vraiment enthousiastes à propos de la nouvelle M1, et sur la piste, je m’attendais à mieux au niveau du moteur. »
D’où la question centrale : « je me demande donc si Yamaha bluffe ou non. Je dis cela car le mécontentement des pilotes contraste avec les propos de Dovizioso, qui me semble proactif et optimiste. »
Melandri tranche, sans pour autant balayer les doutes :
« Cela dit, je préfère faire confiance à Andrea, car c’est lui qui développe la moto et qui maîtrise parfaitement la situation. »
Selon Jorge Lorenzo, qui s’est entretenu avec Dovizioso, Yamaha serait même « extrêmement satisfait » de la direction prise par le V4. Un optimisme partagé par Toprak Razgatlioglu, nouvel arrivant chez Yamaha, qui affirme que ses sensations sont « tout sauf négatives ».
À l’inverse, Quartararo semble de plus en plus isolé. Un rapport récent indique même que Yamaha ne suivrait plus prioritairement ses indications, préférant s’appuyer sur Dovizioso et Fernandez pour guider le développement.
Entre discours rassurants en coulisses et critiques ouvertes des pilotes titulaires, le projet V4 de Yamaha avance dans une zone grise. Est-ce une phase normale de développement ou une tentative de masquer des difficultés plus profondes ?
2026 sera une saison charnière. Soit le V4 relance Yamaha au sommet, soit il accélère la rupture avec son pilote star. Et comme le suggère Melandri, derrière les communiqués optimistes, le doute reste entier.
































