Franchement, je ne m’attendais pas à ça. Loin de moi l’idée de me vanter auprès de vous, mais en France, j’étais l’un des premiers à alerter mes chers lecteurs de l’influence négative que pouvait avoir Liberty Media si jamais ils passaient aux commandes. Un an et demi après le premier article sur la question, nous y sommes. Les premières mesures arrivent, et, croyez-moi, ça m’embête d’avoir eu raison.
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Une fracture annoncée ?
J’ai volontairement attendu avant d’écrire ce papier, histoire de voir comment tout cela allait tourner au fil du temps. Vous avez peut-être vu passer la nouvelle, mais les pilotes doivent désormais assister à une cérémonie en écoutant l’hymne du pays hôte quelques minutes avant le départ, comme en Formule 1. Marc Marquez s’est publiquement offusqué de cela, mais on lui a bien fait comprendre qu’il ne fallait pas jouer avec les nouvelles règles ; une amende lui sera infligée s’il ne vient pas, et son montant augmentera au fil des absences.

Liberty Media devra comprendre que les caractères des pilotes de MotoGP n’ont rien à voir avec ce qu’il y a en F1. Photo : Michelin Motorsport
En soi, ce n’est pas si grave. Le problème, c’est que ça ne plaît pas aux pilotes, et, historiquement, ce qui ne les convainc pas n’est pas bon pour le sport. Pire, ça peut même se transformer en querelle entre les instances et eux, comme on en a déjà vu pas mal en sports mécaniques. Et dans ces cas-là, les pilotes ont toujours raison, car le public, la cible, est de leur côté.
Cette histoire d’apparence anecdotique est en réalité assez importante, car ça pourrait parfaitement être le début d’un schisme entre le corps des pilotes et le promoteur des Grands Prix. Pour suivre la F1, croyez-moi quand je vous dis que les éléments de la grille MotoGP sont loin d’avoir tout vu ! En monoplace, les cérémonies ridicules se multiplient, incluant parfois des stars dont personne ne connaît l’identité. C’est particulièrement visible sur les manches américaines, au nombre de trois en Formule 1.
Là, ce ne sont « que » des hymnes, mais force est de constater que c’est déjà beaucoup pour certains. Attention à la suite.
Liberty Media veut-il effacer l’histoire ?
Bon. Les hymnes, à vrai dire, ça ne change rien à l’âme du MotoGP, j’ai surtout voulu utiliser ce point pour vous souligner l’éloignement progressif entre les pilotes et ceux qui décident. Maintenant, je vais aborder un sujet plus grave. De ce qu’ils ont laissé entendre, à Motegi, on ne parlera pas du neuvième titre de Marc Marquez, mais du septième. Pourquoi ? Car il y aurait une volonté d’invisibiliser les petites catégories, pour simplifier et accentuer le côté exceptionnel du MotoGP.
C’est vrai que, quand l’on fait découvrir l’histoire du MotoGP à un novice, il a toujours tendance à demander pourquoi on parle de Valentino Rossi comme d’un nonuple champion alors qu’il n’a gagné que sept titres en catégorie reine. Ça prend un petit moment à expliquer, mais c’est simple : Le Championnat du monde des Grands Prix motos a été conçu pour récompenser le meilleur pilote de chaque cylindrée. Si vous avez du mal à le formuler, voici mon conseil : comparez notre sport à la boxe. Pour le noble art, la catégorie poids lourds est reine, marquée par les exploits de Joe Louis à Tyson Fury en passant par Mohammed Ali.
Cependant, ça ne veut pas dire que les champions des autres catégories leur sont inférieurs, car les Sugar Ray Robinson, GGG et autres Prince Naseem (quels souvenirs) ont tous été monstrueux également. Eh bien, en moto, c’est pareil. Il y a le champion de la catégorie la plus exposée, qui était représentée par la cylindrée 500cc puis les MotoGP, et les autres, titrés en 350cc, 250cc, 125cc, 80cc, 50cc, et même, à une époque, en side-car. Marc Marquez pourra fêter son neuvième titre à Motegi, car il a été le meilleur pilote du monde en 125cc, en Moto2, et en MotoGP, bientôt sept fois, et ça compte, car tout fait partie des Grands Prix motocyclistes. De la même manière, Manny Pacquiao a été couronné douze fois en carrière, alors qu’il a gagné dans huit catégories de poids différentes.

Les pilotes Moto3 sont très proches de leurs homologues en MotoGP. Le petit Maximo Quiles s’entraîne d’ailleurs avec Marc Marquez. Photo : Aspar Team
J’aime beaucoup cette analogie, et elle ridiculise d’autant plus le projet fou de Liberty Media : invisibiliser totalement les petites catégories, ce qui était d’ailleurs l’une de mes plus grandes craintes. Voyez-vous, en monoplace, ce n’est pas comme ça que ça marche. La F1 est l’unique catégorie reine, et les autres ne sont et n’ont toujours été que des classes réservées aux jeunes loups promis à la Formule 1. Il y a eu des spécialistes de la Formule 2 comme Jochen Rindt, mais lui aussi a été champion de F1 en 1970. Certes, depuis le début des années 2000, disons, la 125cc, la 250cc puis le Moto3 et le Moto2 sont devenus des catégories de promotion, mais elles font partie intégrante du spectacle MotoGP ! On prend plaisir à suivre un pilote depuis le début de sa carrière, et, d’ailleurs, les stars du sport sont toujours au départ de ces courses pour voir les éléments qui se démarquent. Je ne parle même pas du spectacle en piste ! Cette année, particulièrement, nous sommes très bien servis, notamment en Moto2.
Philidor disait des pions qu’ils sont l’âme des échecs ; et bien, de la même manière, pour moi, les petites catégories sont l’âme du MotoGP. Si l’on se met à traiter Marquez comme un septuple champion du monde, que faire d’Angel Nieto, treize sacres à son palmarès ? Que dire des Carlo Ubbiali, Walter Villa, Rodney Gould ? Vraiment, c’est difficile de comprendre, car, pour le coup, ça n’avait rien d’un problème.
Demain, dans un deuxième volet, nous reviendrons sur la plus grave mesure décidée récemment, qui concerne également les plateaux Moto2 et Moto3. D’ici là, dites-moi ce que vous pensez de ces mesures en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Déjà qu’il n’y a plus que trois catégories… Photo : IntactGP.
Photo de couverture : Michelin Motorsport