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MotoGP étrange

Cette saison MotoGP est étrange à bien des égards. En effet, cela faisait longtemps qu’un pilote n’avait pas dominé de la sorte, mais, pour autant, nous avons rarement eu un tel nombre de performances et contre-performances inexplicables. A priori, ce n’est pas si grave, sauf que je pense que ce n’est pas idéal pour le sport.

 

Ce qu’il se passe

 

Il faut que je m’explique, car cela peut paraître un poil obscur sans contexte. Pour faire simple, je trouve qu’il n’y a jamais eu de telles fluctuations de niveau entre deux courses pour un même pilote. Ce phénomène, qui n’existait quasiment pas il y a dix ans, est désormais courant. Voyez-vous, depuis l’introduction de l’ECU unique en 2016, les cartes sont plus rebattues que jamais, et tous les engagés peuvent au moins prétendre à un top 5 dans la saison, même les moins bien classés. Depuis 2016, nous avons eu jusqu’à neuf vainqueurs différents sur l’année (2016 et 2020), mais pour autant, les favoris restaient les favoris.

 

MotoGP étrange

Di Giannantonio peut passer d’un des meilleurs de la planète (Mugello) en un pilote anecdotique (Brno) en trois courses. Photo : Michelin Motorsport

 

Cette fois, il devient quasiment impossible de pronostiquer la performance d’un pilote donné. Quelqu’un qui jouait le top 5 sur les deux dernières courses peut parfaitement terminer en 17e position lors de la suivante, sans aucune explication. Les exemples sont très nombreux, et il me semble important de vous les présenter.

Bien sûr, il y a Pecco Bagnaia. En difficulté avec sa moto depuis le début de l’année, il parvenait à rester régulier jusqu’au Grand Prix d’Allemagne, plus ou moins. Depuis, il est souvent à la ramasse, mais, pour une raison totalement inconnue – si bien qu’un grand mystère plane sur cette course –, il a dominé le GP du Japon de la tête et des épaules le samedi comme le dimanche. Puis, une semaine après, il était dernier.

C’est loin d’être le seul. Fabio Di Giannantonio, également sur GP25, jouait fréquemment les meilleures places, et a même terminé trois Sprints consécutifs dans le top 3. Mais, parfois, il est tout simplement inexistant, sans aucune réponse de sa part. Je pense à la Tchéquie (16e), ou au Japon (13e). D’ailleurs, à Motegi, le vendredi, il disait ne jamais avoir pris autant de plaisir sur la moto. Et puis, les autres jours, « Diggia » n’était nulle part.

Ce n’est pas inhérent à la Ducati. Mais où est passé Johann Zarco, premier en France, puis deuxième, sur le sec, à Silverstone ? De ce que l’on a compris, cette fois, il bénéficie depuis récemment des dernières améliorations, mais sa bonne forme semble avoir disparu, presque du jour au lendemain. Là encore, il évoque un manque de sensation, mais ceci est l’élément de langage le plus courant, et accessoirement le moins compréhensible. Que dire d’Enea Bastianini, qui semblait avoir trouvé le manuel d’utilisation de la KTM RC16 à Brno, mais qui, depuis quelques courses, est retourné en bas du classement ?

Il y a ceux qui régressent brutalement, et ceux qui progressent de manière tout aussi inexplicable. Comment se fait-il que Fermin Aldeguer ait collé huit secondes à tout le monde avec une Ducati à Mandalika ?

 

Les pneus ne facilitent pas la compréhension de notre sport

 

Mais d’où ces variations peuvent-elles venir ? Les pilotes préfèrent-ils certains tracés à d’autres ? Oui, c’est probable, mais cela ne peut pas tout expliquer. Regardez Bagnaia, qui, à Mandalika, a souvent été rapide en course. Là, il était bon dernier, une semaine après avoir gagné. Il est possible de dresser la liste des pilotes qui sont réellement réguliers dans la performance, c’est-à-dire, qui sont toujours là où on les attend : il y a Marc Marquez, bien sûr, Bezzecchi et Acosta, depuis la mi-saison, Luca Marini, Raul Fernandez (étonnement), et Alex Rins, en fond de classement. Tous les autres sont soumis à d’importantes fluctuations, et, pour la plupart, ils n’ont pas d’explication. Même Alex Marquez a eu quelques week-ends étranges, où il ne semblait pas comprendre sa moto.

 

MotoGP étrange

On ne peut pas vendre des héros qui font premier-dernier en une semaine sans raison. Photo : Michelin Motorsport

 

Restent donc les pneus, the usual suspects. Je n’évoque jamais les gommes dans mes articles, car je n’y comprends rien. Peut-être que les pneus Michelin sont excellents, et d’ailleurs, ils sont apparemment très rapides, mais pour le public, c’est totalement illisible. Comparé à la Formule 1, il est impossible de se faire un avis quant à la stratégie en étudiant les préférences pneumatiques des pilotes. Parfois, le tendre n’est pas le plus rapide, alors que c’est ce que notre intuition nous fait croire. Parfois, le médium n’est pas le plus durable, et certains pilotes performent beaucoup mieux sur la durée avec un composé plus tendre. Le dur ? Presque plus personne ne l’utilise.

C’est incompréhensible, et c’est le seul sport mécanique qui embrouille totalement le spectateur sur ce point. En F1, le tendre va, la très grande majorité du temps, plus vite que le médium, et dure moins longtemps. C’est fait exprès pour créer du spectacle, impliquer le spectateur dans la question pneumatique – pourtant cruciale. Je ne parle même pas des fois où les pneus ne fonctionnent pas sans aucune raison, ce qui arrive assez souvent d’après les pilotes. On se rappelle du Grand Prix du Qatar 2023 de Jorge Martin, mais tous les week-ends, en gros, au moins un de nos héros va dire qu’il n’a pas compris ce qui lui est arrivé ou qu’il a subi un drop plus important que prévu… sans raison.

 

Pourquoi c’est gênant

 

Alors, on pourrait croire que c’est génial d’avoir autant d’inconnues avant d’aborder un Grand Prix. C’est un point de vue qui existe, mais que je ne partage pas. Je n’ai jamais vraiment aimé les saisons comme 2016 ou 2020, où, chaque week-end, une surprise pouvait se créer. S’il arrive tout le temps, l’exceptionnel devient banal. Personnellement, comme en 2022, 2023 et 2024, j’aime identifier les favoris, voir les mêmes devant, me rendre compte de la progression constante d’un pilote. C’est aussi comme ça que naissent les rivalités, quand les mêmes croisent le fer pour les meilleures positions fréquemment. Là, on retombe un peu dans cet esprit « série monotype » que l’on a déjà connu, celui qui favorise la volatilité du public, car il est ainsi plus dur de s’attacher à un pilote aux performances aléatoires. Et cette saison prouve bien que douze hommes sur le podium ne font pas rimer diversité avec grand spectacle en piste, soit dit en passant… et ce n’est pas que de la faute de Marquez.

Ce n’est là que mon avis, mais, personnellement, j’ai du mal à m’impliquer dans cette année où de nombreux éléments nous échappent – et pas qu’à nous, de toute évidence !

Je suis curieux de savoir si vous partagez mon avis quant à cette question. Dites-le-moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

Quand Rins est l’un des plus réguliers, alors, il y a de quoi s’interroger sur la physionomie de la saison. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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