Le paddock a explosé. En début de semaine dernière, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe : Jorge Martin, le champion du monde en titre, serait prêt à quitter Aprilia à la fin de la saison. Cette semaine, je me suis empêché d’écrire sur le sujet, car je voulais prendre du recul. Aujourd’hui, l’heure est à l’analyse… et votre avis m’intéresse beaucoup.
Afin de rester concis, je ne vais malheureusement pas vous détailler tout ce qu’il s’est passé ces cinq derniers jours à propos de cette affaire. Vous pouvez cliquer ici pour en comprendre les tenants et aboutissants. Il est également possible de retrouver de nombreuses informations complémentaires sur notre site.
Une triste révélation
Par où commencer ? Pour l’instant, aucune des deux parties ne s’est exprimée et chaque jour qui passe sans déclaration est un pas de plus vers la rupture. C’est vrai que rien n’est confirmé, mais, vu que rien n’est démenti non plus, ça ne sent pas bon du tout. Ce que je vais dire n’engage que moi, mais je crois malheureusement qu’il n’y a pas de fumée sans feu.

Nous n’avons vraiment pas beaucoup d’images de Martin sur l’Aprilia. Photo : Michelin Motorsport
Débutons par Jorge Martin, qui est l’acteur principal de cette triste affaire. La manière dont on a appris cette information est assez étrange, car l’Espagnol aurait dû faire le maximum pour que son souhait reste secret. Maintenant que tout le paddock MotoGP est au courant de cette rupture annoncée, Aprilia ne doit le vivre que plus mal. Cela nuit à sa propre image, mais aussi celle du constructeur italien, totalement décrédibilisé par un champion du monde qui veut déjà s’en aller.
Pas une question de performance pour Martin
J’ai une théorie et je vais vous la partager. D’abord, il me semble parfaitement clair que Jorge Martin a déjà une porte de sortie ; aucun humain censé ne mettrait en péril sa réputation sans être sûr de son coup. Nous aurons l’occasion de reparler de ses possibilités, mais Honda est assurément en pole position. Tout coïncide : l’absence de leader jeune et dynamique, des moyens démesurés, un projet à faire progresser… son point de chute est tout trouvé.
Selon la presse, Jorge Martin activerait une clause de performance ajoutée tardivement à son contrat au moment de sa signature, et validée par Massimo Rivola himself. Apparemment, Jorge Martin a le droit de rompre son contrat s’il ne figure pas dans les trois premiers à l’issue du Grand Prix de France, ce qui n’est évidemment pas le cas. Vous l’aurez compris, le mobile ne tient pas la route. Cette clause, si tout est vrai, n’est qu’un argument, une faille trouvée par le clan Martin pour quitter Aprilia le plus vite possible.
Comment Jorge Martin aurait-il pu avoir le temps de réaliser le potentiel de l’Aprilia ? Il s’est blessé une première fois au tout début des essais à Sepang, puis juste après son retour au Qatar. Il n’a pas encore disputé un seul week-end entier au guidon de la RS-GP. Et puis, hormis Ducati qu’il vient de quitter, je ne pense pas que les autres constructeurs soient nettement plus performants qu’Aprilia en ce moment. Le classement est, je crois, un peu tronqué par les exploits récents de Fabio Quartararo et Johann Zarco, mais Aprilia reste un constructeur majeur qui fait régulièrement partie des favoris depuis 2022. Oui, c’est plus difficile pour Rivola et ses hommes depuis le début de saison… mais Martin n’est pas là ! L’activation de cette clause ne serait qu’un moyen pour son manager Valera de le partir plus rapidement, c’est tout. Si une clause dans son contrat disait qu’il pouvait s’en aller à cause d’un manque de massages, Martin se plaindrait de courbatures.

Ce qui me choque, c’est à quel point cette histoire sort de nulle part. Je le croyais bien loti.
Une erreur d’Aprilia ?
Mais, au fait, parlons plus en détail de cette condition invoquée par Martin. Si elle existe et que tout est vrai – bien entendu –, comment se fait-il qu’Aprilia ait accepté d’intégrer cette clause empoisonnée au contrat du champion du monde ? Pourtant, avant le début de saison, il ne fallait pas réfléchir bien longtemps pour se rendre compte que figurer dans les trois premiers à l’issue de six courses allait être extrêmement difficile pour Jorge Martin, et ce, même en pleine forme. Personnellement, je le voyais finir cette saison entre la troisième et la sixième place, c’est dire à quel point il ne fallait pas s’attendre à un miracle tôt dans l’année.
Cela me rappelle l’affaire Piastri/Alpine en Formule 1. J’ai l’impression que les équipes professionnelles ne sont tout simplement pas assez précautionneuses au moment de signer leurs pilotes, en sachant que ce sont eux qui ont toujours le dernier mot lorsqu’ils sont rapides. Et d’ailleurs, ceci s’est encore confirmé.
En effet, Jorge Martin aurait proposé à Aprilia de rallonger la période à six courses à partir de son retour à la compétition, ce qu’aurait refusé la firme de Noale. Pourquoi ? Parce que si Jorge décide de ne pas se donner à fond, alors ça ne change rien ! Encore une fois, le pilote a raison, car Aprilia a davantage besoin de Martin que l’inverse, en tout cas à l’heure actuelle.
Ça me paraît fou que de telles décisions puissent être prises à notre époque avec tout ce que l’on sait déjà. Certains journalistes évoquaient la possibilité pour Aprilia d’aller au tribunal. D’accord, mais après ? On ne peut pas forcer Martin à rester et à performer. C’est perdant perdant pour Rivola et, si tout est avéré, il n’y serait pas pour rien ; une telle clause ne devrait jamais exister en premier lieu.
Assez déçu de Martin… en attendant la confirmation

Ne vous inquiétez pas, nous aurons tout le temps de nous poser la question : « pourquoi ? » quand nous saurons où il ira. Photo : Michelin Motorsport
L’analyse s’arrête là, mais je vais tout de même conclure avec mon ressenti. Je dois reconnaître que je serais assez déçu de Jorge Martin si et seulement si tout s’avère exact, et, comme vous l’aurez compris, c’est ce qui semble se dessiner. D’un point de vue totalement extérieur – je le confesse –, Aprilia a tout fait pour séduire le « Martinator ». Il ne faut pas oublier que Rivola s’est battu pour le faire revenir plus tôt, et désormais, tous les blessés absents depuis trois courses ont le droit de participer à un test si leur employeur le demande.
Le constructeur était en position de force lorsque Ducati n’a pas retenu Martin, car il n’y avait pas de meilleures places disponibles. Tout s’est fait très rapidement, et pourtant, l’existence de la clause prouverait que l’engagement et la confiance de Rivola étaient immenses. Je n’irais pas jusqu’à qualifier cette manœuvre de « malhonnête » comme j’ai pu le voir ici et là, mais s’appuyer de facto sur le manque de performance serait assez bas, car cela reviendrait à ridiculiser Aprilia. Je tiens à rappeler qu’il n’en serait pas à son coup d’essai, puisqu’il y avait déjà eu un précédent chez KTM en Moto2 lors de la saison 2020.
Je reparlerai de cette affaire ubuesque dès que nous aurons de plus amples informations ; par exemple, une déclaration de l’une des deux parties. Mais je ne vois absolument pas comment l’association peut continuer, le divorce est entamé.
Qu’avez-vous pensé de tout ça ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

C’est difficile d’y voir clair dans cette situation.
Photo de couverture : Michelin Motorsport