Depuis quelques années en MotoGP, une équipe est particulièrement discrète, sauf que ça devient un peu trop gênant pour le sport. En effet, Trackhouse Racing, qui exploite les Aprilia, n’a pas réussi à s’illustrer en tant qu’écurie satellite de la firme de Noale, exactement comme RNF avant eux. Pourquoi est-ce grave ? Analyse.
Deux pilotes décevants
Commençons par rappeler les faits. Depuis le début de saison 2023, Aprilia dispose elle aussi d’une équipe satellite, après la défection de Suzuki en MotoGP. L’équipe RNF n’a tenu qu’un an dans ces conditions avant de tristement disparaître. Début 2024, on annonçait l’arrivée d’une toute nouvelle formation en MotoGP : Trackhouse Racing, menée par des Américains déjà présents en NASCAR. La saison passée, avec Raul Fernandez et Miguel Oliveira, Trackhouse ne s’est pas vraiment illustré, si ce n’est pour une deuxième place du Portugais lors du Sprint en Allemagne. Sur une saison, c’est maigre, surtout quand l’on sait que de nos jours, toutes les équipes ont le matériel pour faire au moins un podium dominical dans l’année. Oliveira, parti chez Pramac Yamaha, laissa sa place au rookie Ai Ogura, accessoirement champion du monde Moto2 2024.

Sans vouloir être méchant, je crois que c’est l’une des pires livrées qu’il m’ait été donné de voir en MotoGP. Photo : Michelin Motorsport
Et depuis le Grand Prix de Thaïlande… il ne se passe rien. Certes, il y a eu ce week-end incroyable à Buriram pour Ai Ogura, qui, pour son tout premier GP, rivalisait avec les meilleurs. Mais a posteriori, ce n’était qu’un feu de paille. Depuis, le très discret japonais – d’ailleurs pas très à l’aise en anglais, ce qui limite sa force de communication –, ne fait que régresser. Il était bon en Argentine, certes, mais fut disqualifié le dimanche pour raisons techniques. Puis, il se blessa et manqua deux Grands Prix. En quelques semaines, Ogura perdit totalement le fil. Il expliquait qu’il était plus rapide quand il ne connaissait rien des MotoGP, ce qui fait sens, mais ce qui n’est pas vraiment rassurant pour la suite. Malheureusement pour le Japonais, ça ne semble pas revenir, puisqu’il compte deux abandons sur les cinq dernières courses, alors que sa dernière apparition dans le top 10 remonte au Mugello.
Je n’ai pas grand-chose à dire sur ce pilote, car on ne le voit jamais à l’écran. Il fait partie des invisibles, exactement comme son coéquipier dont nous reparlerons d’ici quelques lignes. Bon, il reste un rookie, certes, mais, même en analysant sa saison sous ce prisme, ça reste maigre.
Passons maintenant à Raul Fernandez. Vous le savez, si vous suivez cette chronique depuis longtemps, je n’ai jamais placé de grands espoirs en ce pilote, qu’on nous vendait pourtant comme un crack lorsqu’il était en Moto2. Pour sa défense, cette saison, il est tout de même assez régulier : il ne compte que deux chutes dominicales, et avait réussi à maintenir une série de neuf Grands Prix consécutifs terminés dans les points avant de tomber au Balaton Park. Il compte un top 5 à Brno, mais on sait qu’il est capable d’atteindre ses places, car il l’a déjà fait. D’ailleurs, je vous mets en garde dès maintenant : s’il vient à performer à Barcelone, l’un de ses tracés préférés, ne soyez pas surpris : il l’a fait l’année dernière avant de retomber dans l’anonymat complet toute le reste de la saison.
Having one last glimpse of the Balaton Park Circuit before moving on to the iconic Circuit de Barcelona. #HungarianGP pic.twitter.com/NywW5oVsmM
— Trackhouse MotoGP (@TrackhouseMoto) August 31, 2025
Ce qui me déçoit le plus, avec lui, c’est son manque de vitesse. En Moto2, il était assez explosif, et très rapide sur un tour qui plus est. Il n’a jamais su convertir cette vélocité au plus haut niveau, et je crois que cette saison, c’est ce qui lui coûte très cher. Il est encore jeune, et pourtant, s’il continue à rester invisible de la sorte, je ne crois pas qu’il puisse rester très longtemps en MotoGP.
Ce qui est encore plus gênant, c’est que l’Aprilia RS-GP fonctionne ! En se basant sur le retour de Jorge Martin et la régularité dans la performance de Marco Bezzecchi, on peut affirmer assez sereinement qu’il s’agit de la deuxième meilleure moto du plateau derrière l’intenable Ducati. Et pourtant, alors que les officiels progressent, Trackhouse stagne, timidement, sans faire de bruit. Le plus inquiétant, c’est que ce n’est pas dans la philosophie de l’écurie.

Il faut tout de même reconnaître que Raul Fernandez a progressé par rapport à l’année passée. Photo : Michelin Motorsport
Un pari américain raté ?
Selon moi, cette situation est assez grave, voici pourquoi. Au moment de l’arrivée de Trackhouse, on savait que Liberty Media, entreprise américaine, allait racheter le MotoGP tôt ou tard. Comme expliqué hier, les États-Unis sont un immense marché à conquérir pour notre discipline, et nul doute que les instances travaillent actuellement sur ce point. Pour cette raison, j’imagine que l’« échantillon test » Trackhouse Racing représentait une donnée importante pour Liberty Media, qui pouvait voir, selon les retours des patrons, comment les Américains réagissaient à la présence d’une équipe du pays de l’Oncle Sam en MotoGP.
C’est très peu connu en Europe, mais sachez que Trackhouse est une entité importante outre-Atlantique. L’équipe de NASCAR est très performante, avec plusieurs pilotes remarquables. Le plus connu d’entre eux, le Néo-Zélandais Shane Van Gisbergen, s’est déjà imposé à quatre reprises cette année, à chaque fois sur les circuits routiers ! En fait, Trackhouse mise tout sur les coups d’éclat, et a recruté cet ancien pilote du championnat australien de V8 Supercar pour tout rafler sur les circuits conventionnels, au diable les ovales ! Ainsi, cela fait beaucoup de publicité à Trackhouse.
Quand on compare ce programme explosif, surprenant, piquant et basé sur l’exploit soudain à ce que fait la formation en MotoGP depuis deux ans, ça fait mal. Si Trackhouse venait à se lasser de ces résultats en berne, cela pourrait porter un premier coup à la probable expansion américaine à venir, et, ainsi, aux intérêts de Liberty Media qui voit les USA comme un véritable eldorado.
Je suis curieux de savoir si vous partagez mon point de vue sur Trackhouse Racing. Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Trackhouse a ses deux pilotes sous contrat jusqu’à fin 2026. C’est dommage, car ils passent à côté du probable futur champion du monde Moto2 2025, Manuel Gonzalez. Pourtant, ils lui ont fait essayer la RS-GP à Aragon. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport