Lors du Grand Prix de France MotoGP, Fabio Quartararo a encore régalé les fans jusqu’à sa chute lors de la course dominicale. On ne peut pas vraiment lui en vouloir, car il se devait de pousser, d’une part, et, de l’autre, il s’est fait piéger par l’un des virages les plus traîtres du Bugatti, le Raccordement. Yamaha se remet difficilement de ses années noires, mais pourtant, la conversion en points est très difficile. Pourquoi ? Notamment parce que Fabio Quartararo est bien trop seul.
Attention au phénomène Marc Marquez
Quartararo m’a donné le sourire. Son tour récompensé de la pole position en Q2 était juste exceptionnel ; il me fait dire, une fois de plus, qu’il fait partie des meilleurs de l’histoire dans cet exercice. Lors du Sprint, nous avons très clairement vu la différence entre la Ducati et la Yamaha, car « El Diablo » ne pouvait rien faire face au retour de Fermin Aldeguer. Pourtant, il a tout de même bataillé, honorablement, jusqu’à ce que l’Espagnol force le passage au Musée.

La décoration de la Yamaha et le casque de Quartararo étaient juste magnifiques. Photo : Michelin Motorsport
Ça m’a fait prendre conscience que le chemin est encore long pour Yamaha. Sur une piste historiquement favorable à la YZR-M1, Quartararo termine à près de trois secondes du vainqueur Marc Marquez, alors qu’il a très bien roulé. À l’échelle de cette saison, c’est relativement peu, mais c’est énorme quand on regarde la course. La firme d’Iwata a fait d’immenses progrès pour s’extraire de la zone rouge du classement, mais, pour rejoindre Ducati, il faudra en faire encore davantage. Plus Yamaha se rapprochera, et plus ce sera difficile.
C’est notamment dû à la « Fabio Quartararo-dépendance ». Cela me fait beaucoup penser à l’époque où Marc Marquez était le seul à performer chez Honda en MotoGP. Quand un seul pilote fait tourner la boutique, historiquement, ça mène souvent à la régression dudit constructeur. Pourquoi ? Car la direction technique est totalement dominée par l’avis d’un seul homme, aussi talentueux soit-il. Et on se retrouve donc avec une dépendance très compliquée à gérer lorsque celui qui mène est absent.
En gros, sur les circuits où Quartararo est bien comme Jerez ou Le Mans, Yamaha est bien. Mais lorsque nous arriverons sur des pistes plus difficiles pour le Français, alors, Yamaha sera au plus mal. C’est un problème majeur dans un projet de reconstruction et c’est pour cette raison que Honda se donne tant de mal à essayer de recruter en ce moment – les rumeurs vont dans tous les sens, entre Toprak Razgatlioglu, Pedro Acosta et maintenant Jorge Martin.
Yamaha doit absolument s’armer d’une deuxième force majeure. Cela ne pourrait que motiver Fabio Quartararo, et donner plus de régularité à la marque japonaise. Une telle manœuvre permettrait de décorréler la performance d’« El Diablo » de celle de la YZR-M1, ce qui n’est jamais mauvais pour une marque. Ducati domine de la sorte justement parce que de nombreux grands talents ont apporté leur pierre à l’édifice ces dernières années. Pramac jouait un rôle essentiel dans cette construction avec Jack Miller, Danilo Petrucci, Johann Zarco et le « Martinator », qui ont tous été déterminants dans la progression globale de Ducati. Et c’est ce qui manque à Yamaha, qui, au moins en se fiant au faible nombre de rumeurs, n’est pas très actif sur le marché des transferts.
Peut-être qu’une signature exceptionnelle se prépare en secret, bien sûr, mais on entend beaucoup plus parler du fameux V4 que d’une recrue ces dernières semaines. D’ailleurs, je peine toujours à comprendre pourquoi Yamaha dépense autant d’énergie sur un tout nouveau moteur alors que la version actuelle du quatre en ligne semble convenir aux pilotes, et qu’il faut à la fois préparer le moulin de 850cc pour 2027. Si la firme aux diapasons le fait, c’est qu’elle doit encore en avoir les moyens, mais attention à la dispersion des forces, comme le laissait sous-entendre Massimo Meregalli.

Concentré sur l’objectif. Photo : Michelin Motorsport
Un supporting cast limité
Les trois collègues de Quartararo, d’après moi, n’ont plus vraiment leur place dans un projet si ambitieux. Et pourtant, deux de mes pilotes favoris font partie de l’effectif, à savoir, Alex Rins et Miguel Oliveira. Sans même évoquer l’un de mes coups de cœur, Augusto Fernandez, qui a déjà disputé trois courses cette saison. Rins et Oliveira étaient autrefois capables de coups d’éclat, mais ont des profils trop similaires pour que cela fonctionne durablement. Leur problème, c’est que les blessures les affaiblissent beaucoup, et je ne crois même plus qu’une victoire sous la pluie de Miguel Oliveira soit encore possible. Oui, il était exceptionnel dans ce rôle d’outsider… mais c’était en 2022, il y a déjà trois saisons.
Idem pour Rins, dont le dernier coup de génie remonte à Austin 2023. C’est dur, mais il faut prendre conscience que le temps passe beaucoup plus vite pour les athlètes de très haut niveau, aussi talentueux soient-ils. Et à mon grand désarroi, je pense qu’à moins d’un miracle ou d’une course totalement tronquée, nous ne reverrons plus Rins et Oliveira choquer la planète moto comme c’était le cas auparavant.
Cela ne les rend pas totalement inutiles, et je ne nie pas la pertinence des commentaires d’Oliveira. Mais si une marque veut revenir et s’imposer dans les trois à cinq ans, elle ne peut pas se permettre d’être représentée en piste par des pilotes sur le déclin ; surtout pas Yamaha, qui incarne un prestige seulement égalé par Honda sur la grille. C’est, je pense, la triste vérité.
Reste Jack Miller, chez Pramac. J’étais sceptique quant à sa signature, mais il faut reconnaître qu’il était assez surprenant sur les premières manches. Pourtant, comme avec KTM, nous ne sommes qu’au sixième Grand Prix et c’est déjà plus compliqué. L’Australien est sur une série de trois abandons consécutifs, alors que le GP de France semblait écrit pour lui. J’ai l’impression qu’il retombe dans ses travers, sauf que plus le temps avancera, et plus il lui sera difficile d’en sortir.
J’aurai l’occasion de refaire un article sur les candidats idéaux pour ces guidons. En attendant, dites-moi ce que vous pensez de la situation chez Yamaha en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Fabio est une superstar, Yamaha doit l’entourer du mieux possible. À vrai dire, il a déjà passé pas mal de temps esseulé. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport