Il est l’heure de débriefer cette saison. Comme tous les hivers depuis deux ans, cette chronique analyse en détail la campagne de chaque pilote, du moins bien classé au champion du monde. Il s’agit là d’apporter un point de vue argumenté sur la performance de chacun de nos héros, afin d’en discuter tous ensemble. Vous êtes prêts pour ce premier volet, qui traitera du cas de Nicolo Bulega et ses autres collègues ponctuels ? C’est parti !
Un job difficile
Comme c’est de coutume, ce premier épisode portera non pas sur le dernier pilote titulaire, mais sur les remplaçants et autres wild-cards. Ces pilotes, appelés pour une ou parfois plusieurs manches, sont essentiels à l’écosystème MotoGP et leur effort mérite largement un article. Pour chacun, j’ai prévu un petit paragraphe argumenté, et j’attends, bien sûr, votre avis sur la question.
Au pied levé
Débutons avec Michele Pirro, tout dernier du classement général, soit 29e. Il n’a disputé que deux courses, en Australie puis en Malaisie, afin de remplacer Marc Marquez chez Ducati. Juger ses résultats est toujours difficile, car on sait que son travail s’articule autour du développement exclusivement. À 39 ans, il continue de faire au moins une apparition en catégorie reine depuis 2012, et prouve, après toutes ces années, qu’il est toujours l’une des pierres angulaires du projet de Gigi Dall’Igna. Rien que pour ça, on peut le féliciter.

Photo : Michelin Motorsport
Une retraite qui n’en était pas une
À la 28e place suit Aleix Espargaro. Tout le monde savait qu’il n’allait pas pouvoir arrêter la compétition à la fin de la saison 2024, l’appel de la piste est trop fort pour un passionné comme lui. Un peu comme pour Pirro avec Ducati, Aleix a beaucoup testé pour Honda cette saison : il compte cinq apparitions en MotoGP, avec une 16e place pour meilleur résultat. Honnêtement, et étrangement, d’ailleurs, j’attendais au moins un coup d’éclat d’un pilote qui montrait encore beaucoup de vitesse l’année dernière, mais il a dû se cantonner, sans aucun doute, au développement de solutions pour Honda. De ce que l’on comprend, il remplit plutôt bien son rôle, donc chapeau à lui.

Photo : Michelin Motorsport
L’appel d’une vie pour Nicolo Bulega
Vient maintenant le moment d’évoquer le remplaçant qui aura le plus fait parler cette année : Nicolo Bulega, 27e du général, et deux points marqués sur les deux dernières manches, soit plus que Pecco Bagnaia le dimanche (égalité si l’on compte les Sprints). La tâche était loin d’être simple pour un transfuge du WSBK, et le miracle n’a pas eu lieu. Jonathan Rea n’avait pas été ridicule en 2012 lorsqu’il avait fait deux piges pour Honda Repsol, mais je crois toujours que le niveau du championnat Superbike a considérablement baissé. Marquer deux points en MotoGP sans connaître la moto reste un accomplissement respectable, peu importe la monture. Bravo, Nicolo Bulega.

Nicolo Bulega avait le n°16 aux essais de Valence car Diogo Moreira, pilote titulaire, a le n°11 pour 2026. Photo : Michelin Motorsport
La promesse du V4
Lui aussi a fait jaser : Augusto Fernandez était de sortie pour tester le futur prototype V4 cette saison, en plus de remplacer Miguel Oliveira après la blessure de ce dernier en Argentine. Yamaha, qui s’est offert ce « super sub » (champion du monde Moto2 2022, il ne faut pas l’oublier), l’a beaucoup mis à contribution : il compte huit apparitions en GP, avec pour meilleurs résultats deux 13e places. Rien d’exceptionnel à proprement parler, mais il faut noter qu’il a terminé 14e à Misano avec la M1 V4, pour sa toute première sortie. Par la suite, c’était plus compliqué, mais le boulot qui lui a été assigné est loin d’être facile à assumer, c’est certain. Comme je l’avais prédit, il a eu du temps de roulage, beaucoup, même, et j’espère qu’il pourra le mettre à profit pour, un jour, faire un retour à plein temps, peut-être en WSBK. Je crois que sa place est là-bas.

Photo : Michelin Motorsport
L’habitué
Avec Pirro, Lorenzo Savadori est le plus connu des pilotes d’essais. L’Italien multiplie les piges pour Aprilia depuis 2020, et parvient, quelque fois, à tirer son épingle du jeu. À déjà 32 ans, on ne peut pas lui demander d’égaler Marco Bezzecchi, certes, d’autant plus que son travail se concentre, lui aussi, sur de nouvelles pièces. Cependant, cette saison, plus que les autres, il avait l’occasion de se démarquer un tant soit peu : il a participé à 13 Grands Prix, c’est plus que l’officiel Jorge Martin à qui il doit ses remplacements. Il n’a marqué « que » huit points, certes, mais les progrès récents d’Aprilia montrent clairement qu’il est une référence parmi les pilotes d’essais. Je me souviens quand tout le monde félicitait – à juste titre, d’ailleurs – Dani Pedrosa pour son job chez KTM, mais, à bien des égards, Aprilia a plus progressé sur la même période que la firme de Mattighofen, en partie grâce au retour d’informations de Savadori.

Photo : Michelin Motorsport
Le couteau suisse japonais
Takaaki Nakagami, en retraite « officielle » depuis la fin de la saison 2024, a lui aussi fait quelques apparitions. De ce que l’on comprend, il est le pont entre le Japon et l’Europe pour le développement de la moto, un poste à responsabilité. Je n’ai jamais été particulièrement fan du Japonais, ni même été impressionné par son talent, mais force est de constater qu’il s’en sort pas trop mal cette année. Appelé une fois chez LCR, une fois dans l’équipe d’usine pour remplacer Marini et deux fois dans l’équipe test, ce couteau suisse a réussi à tirer son épingle du jeu en France, dans des conditions dantesques. La victoire de Zarco vous l’a fait oublier, mais « Taka » termine sixième de cette course ! Il s’agit de sa seule entrée dans les points en 2025, mais ça lui suffit pour scorer 10 unités, et terminer à la 23e place du général.

Photo : Michelin Motorsport
Comment fait-il ?
Dernier sujet du jour, et pas des moindres : Pol Espargaro. Avec 29 points marqués en cinq courses, l’Espagnol m’a bluffé. Il est le mieux classé des remplaçants/wild-cards, de loin, et cela s’est vu en piste. Pour son grand retour en Tchéquie, à la place de Maverick Vinales chez Tech3, il est tout de suite entré dans le top 10, en Sprint comme en GP. Il était même huitième du GP en Hongrie, deux manches plus tard ! Sa vitesse lui a permis de réclamer haut et fort une place sur la grille dans les médias, ou alors, à défaut, une très belle offre d’une équipe WSBK. Même si c’était beaucoup plus compliqué en 2023 lors de sa dernière saison complète, il faut reconnaître que « Pollycio », à 34 ans, jouit encore d’une très belle pointe de vitesse.
Conclusion
Je tire mon chapeau à ces pilotes parfois appelés en dernière minute. La pression inhérente à ce métier doit être décuplée quand on ne prend pas régulièrement part aux courses, et tous s’en sont bien sortis cette année, avec une mention pour Pol Espargaro, toujours très affûté.
Qu’avez-vous pensé des remplaçants cette saison ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport




























