Comme prévu, tout a explosé. Hier, l’affaire Jorge Martin a pris une tout autre tournure : l’Espagnol s’est enfin exprimé et ce n’était pas trop tôt. Même s’il est toujours difficile de lire entre des lignes aussi serrées, je vous propose une analyse un peu décalée, histoire de prendre du recul. Installez-vous confortablement, et c’est parti !
Martin n’était pas tout seul
À l’heure qu’il est, mes lecteurs éclairés ont déjà pris connaissance de cette nouvelle incroyable dont tout le monde parle. Martin, par le biais d’un assez long communiqué de presse, a laissé s’exprimer sa plume trempée dans le vitriol pour dire… eh bien, pour pas dire grand-chose.

Je pense qu’Aprilia a les moyens de se lancer dans une vraie guerre aux tribunaux. J’espère que Martin ne regrettera rien sur ce point, mais sa réputation est bien entamée. Photo : Michelin Motorsport
Ce qui m’a choqué, à la lecture de ce texte, c’est le langage utilisé. Le fond est important, et nous y reviendrons, mais personne ne s’est attardé sur la forme. Martin et son équipe ont choisi le communiqué de presse, en espagnol, et en anglais. Cela a été fait sur Instagram, moyen de communication privilégié pour les annonces personnelles, mais ce message n’était absolument pas destiné à ses fans. On retrouve, à travers ces quelques lignes, cette espèce de langage juridique qui m’horripile, celui qui dit tout, mais sans rien dire, celui qui s’adresse à quelques personnes, mais destiné à la masse populaire. Je ne vais pas dire que je suis étonné de devoir relire le texte dix fois pour y comprendre quelque chose, car je crois saisir l’enjeu économique de cette décision. Mais clairement, j’aurais préféré une communication plus simple, plus directe, plus humaine.
Deux éléments à retenir sur ce point : je suis prêt à mettre ma main à couper que ce texte a été écrit par une équipe d’avocats et de juristes, ce qui signifie donc que le clan Martin est prêt à s’engager dans une bataille de ce type. On sait qu’il est représenté par un cabinet juridique espagnol prestigieux, et on sent particulièrement son influence à la lecture de ce communiqué.
Il reste, ou il part ?
Beaucoup de gens ont légitimement compris que c’était une manière d’annoncer sans départ tout en restant dans le cadre de la loi, et de ce fameux contrat. C’est normal, car la dynamique actuelle tend vers un divorce entre les deux parties. Si Martin voulait rester et si ces rumeurs n’étaient que du vent, il aurait opté pour un communiqué bien plus franc. Et si Rivola ne s’inquiétait pas d’un départ, il n’aurait pas lancé un message en mondovision au « Martinator » suite à la victoire de Marco Bezzecchi à Silverstone. On est d’accord là-dessus : ça sent la séparation à plein nez.
Sauf que rien ne précise clairement, dans le communiqué, qu’il partira – c’est là toute la force de ce langage. Il dit bien que « sauf circonstances particulières [il se réservait] le droit de décider de [son] avenir en 2026. » Ça, on comprend. Mais en fait, plus loin, une information vient compléter ce propos et rend le tout plus confus : « L’objectif est que les deux parties puissent se donner une seconde chance et se sentir à l’aise avant de prendre une décision pour 2026. » Il faisait ici référence à sa blessure qui a entraîné l’imbroglio contractuel, car elle pourrait rendre la clause de libération (dont j’ai parlé dans cet article) caduque.
Peut-être que je comprends mal, et que je suis à côté de la plaque – je suis sérieux, aucune ironie ici –, mais je ne vois aucune porte fermée, pas de rupture immédiate entre les deux parties. Cependant, si l’on analyse la situation en prenant du recul, il est difficile d’imaginer un futur joyeux entre Martin et Aprilia en raison même de l’existence de ce communiqué.
La manière est moche
J’étais assez déçu de Martin lorsque la rumeur a pris de l’ampleur, et je ne le suis pas moins aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que c’est la presse qui nous a appris l’existence de cette clause, et de la volonté de Martin de l’activer. L’information a fuité, et on savait, après Le Mans, que le champion du monde en titre avait déjà entamé des discussions avec Honda – qu’Alberto Puig a plus ou moins nié en affirmant qu’il ne recruterait pas un pilote sous contrat avec une autre marque, mais c’était peut-être une autre pirouette.
Le fait qu’on l’apprenne comme ça, et que Jorge Martin communique d’une manière aussi procédurière me chagrine, car ça, « ce n’est pas mon MotoGP ». On se croirait en Formule 1, et encore ! Oscar Piastri, au cœur d’une polémique contractuelle avec Alpine il y a quelques années, s’en était tiré en n’écorchant pas son image, car il avait été sincère, direct, plus concis. Nous reparlerons du choix de Jorge Martin quand nous en saurons plus, car, pour l’instant, impossible de dire où il va atterrir malgré la suspicion Honda. Mais sachez que je ne suis pas fan de la manière dont Martin a traité cette période, et, par-dessus le marché, je ne pense absolument pas que cela lui sera bénéfique dans le futur. Je n’en dirai pas plus pour le moment.
Comment Aprilia a-t-il pu se faire avoir ?
Il faut savoir que ce n’est pas la première fois que ça arrive en sports mécaniques. Plus tôt, j’évoquai l’affaire Piastri, qui devait initialement piloter pour Alpine en F1 et qui se retrouve à jouer le titre mondial 2025 avec McLaren. Cela me surprend toujours que des entreprises avec des moyens juridiques quasi illimités, ou, en tout cas, bien supérieurs à ceux des pilotes, se fassent avoir en incluant des clauses aussi étranges que celle ajoutée par Massimo Rivola en dernière minute. Pour rappel, elle permettrait à Martin de casser son contrat s’il ne figurait pas dans le top 3 à l’issue des six premières courses, si l’on en croit Motorsport, qui sont ceux qui ont découvert le pot aux roses. Les trois premiers. Mais, même s’il était en forme, il n’y serait peut-être pas arrivé !
À la limite, si une petite équipe qui voulait signer une superstar avait fait ceci pour l’avoir dans ses rangs quelque temps, j’aurais compris. Mais à l’époque, il ne faut pas oublier qu’Aprilia était en position de force au moment de recruter Martin, et pas qu’un peu ! Dans son communiqué, il affirme que la présence d’une telle clause était « un prérequis pour se laisser la possibilité de tester la moto dans des conditions réelles ». « De cette manière, je pouvais me sentir à l’aise en signant pour deux ans au lieu d’un » ajoutait-il. Mais admettons qu’Aprilia refuse. Que pouvait-il faire ? Si Pramac était resté avec Ducati, sa situation n’aurait pas évolué. Et si Pramac avait quand même rompu son lien historique avec la firme de Borgo Panigale, Martin aurait sans doute voulu trouver une autre solution pour rester compétitif sans attendre le retour de Yamaha aux affaires.
Où pouvait-il aller ? Apparemment, il est grillé chez KTM, pour une affaire similaire datée de 2020, avant son passage en MotoGP. Il n’aurait sans doute pas voulu aller chez Yamaha et Honda, qui, sans les concessions de leur côté, n’étaient absolument pas au même niveau de performance que maintenant. Aprilia était une opportunité en or, ça le sauvait, en quelque sorte. Pourquoi a-t-il pu négocier une clause aussi puissante avec une marque qui avait clairement la main, et qui aurait pu trouver un autre pilote facilement ? À savoir que beaucoup d’observateurs du milieu et d’anciens agents se questionnent sur la pertinence de ce choix, comme moi.
Voici ce que j’avais à dire sur cette affaire, en attendant de savoir ce que lui et Aprilia vont faire par la suite. Qu’avez-vous pensé de ce communiqué ? N’hésitez pas à vous exprimer en commentaires, car je dois avouer qu’il est difficile d’y voir clair.
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Je commence à manquer de photos de Jorge Martin. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport