C’est passé totalement inaperçu, mais il y a un peu plus d’une semaine, Carlos Ezpeleta, le directeur sportif du MotoGP (et fils de Carmelo) s’est exprimé sur le futur de la catégorie Moto3. Vous en conviendrez, la plus petite des classes est essentielle à l’écosystème MotoGP, car c’est là que sont censées être formées les futures superstars. Qu’en est-il vraiment ? Analyse.
Il y a de quoi s’inquiéter
Honnêtement, je ne suis pas très optimiste quant à l’avenir de ce championnat que nous chérissons tant. Depuis 2012, il nous a offert quelques champions anecdotiques, oui, mais aussi, de purs talents. Au-delà de la simple formation, le Moto3 a un vrai caractère, avec des batailles toujours plus serrées. Personnellement, et bien que j’adore l’histoire, je préfère largement la catégorie actuelle à la précédente 125cc.

Nous arrivons au bout d’un cycle, et la DORNA l’a bien senti. Photo : Honda Team Asia
Mais je ne peux pas nier qu’il existe des problèmes, et pas des moindres. Premièrement, comme l’a très bien souligné Carlos Ezpeleta, ça coûte cher, trop cher. C’est ce qui freine le plus la DORNA actuellement. Si vous suivez assidûment le championnat, vous savez que quelques équipes seulement peuvent s’imposer. Il n’y a pas d’écurie d’usine à proprement parler, mais quelques formations se distinguent et gagnent tout le temps, année après année, course après course.
Si l’on parle uniquement de celles qui existent encore, il y a Red Bull KTM Ajo, l’équipe d’Aki Ajo, championne du monde en 2012, 2016, 2021 et sans doute 2025. C’est le représentant semi-officiel de KTM. De l’autre côté, car il n’y a plus que deux constructeurs, Honda soutient Leopard Racing, champion en 2015, 2017, 2019, et 2023. Ajoutez à cela Aspar (vainqueur du titre en 2022 et 2024), et vous avez plus ou moins tous les champions du monde. Pour une catégorie aussi serrée, c’est maigre, et les places sont très chères.
Clairement, cette hiérarchie régie par les plus grosses structures – qui recrutent les meilleurs talents avant même leur accession en Moto3 – n’est pas bénéfique, car on s’éloigne ainsi de la formule de promotion, et on se rapproche d’un championnat MotoGP miniature, ce que ne devrait pas être l’essence du Moto3. Mais admettons : ce problème a toujours existé et il sera très difficile d’y faire quelque chose, car c’était plus ou moins la même chanson en 125cc.
Les spécialistes du Moto3
Pour moi, le plus grand problème du Moto3 n’est pas là. Il réside dans le fait que ceux qui dominent ne sont parfois « que » des spécialistes de cette catégorie, à tel point qu’on en oublie sa nature. Je m’explique. Avant, les jeunes pilotes – dès 14 ans – pouvaient s’y inscrire. Mais depuis, l’âge minimum a été avancé, à 18 ans (et 17 dans des conditions exceptionnelles). Le problème, c’est qu’il faut bien que les pilotes courent de 11-14 ans à 18 ans. Où peuvent-ils aller ?
Avant, le CEV comptait pour beaucoup. Des cracks comme Fabio Quartararo l’ont totalement écrasé. Mais depuis, la MotoGP Red Bull Rookies Cup a pris plus d’ampleur, et représente une sorte de passage obligatoire pour qui veut prétendre à un titre Moto3. Le leader du championnat, José Antonio Rueda l’a remporté en 2022. Il fut suivi d’Angel Piqueras, en 2023, et d’Alvaro Carpe en 2024. Tous sont aux avant-postes actuellement. Puis, il y a eu l’émergence du JuniorGP World Championship, essentiel pour passer en mondial, la nouvelle forme du CEV. Deux problèmes majeurs à cela : les pilotes peuvent courir dans les deux championnats en même temps, ce qui réduit la diversité et favorise, par logique, les grosses structures qui peuvent se permettre d’être représentées partout. Deuxièmement, et c’est là où je veux en venir depuis le début de ce paragraphe : les deux championnats de promotion utilisent une base Moto3, soit une 250cc quatre temps. Et ça, ça ne va pas du tout.

Beaucoup s’attendaient à un début exceptionnel de David Alonso en Moto2 suite à son historique saison 2024. Mais finalement, ses débuts en catégorie intermédiaires furent assez poussifs. Alonso est un crack, il y arrivera sûrement et était d’ailleurs sur le podium à Silverstone. Photo : Aspar
Pourquoi ? Parce que les « jeunes » de 18 ans qui arrivent sont tellement habitués aux Moto3 qu’ils en deviennent de vrais spécialistes. Ils ne sont pas préparés au passage en Moto2, ce qui, pourtant, devrait être l’unique but du Moto3. Des exemples, j’en ai beaucoup, malheureusement. Lorenzo Dalla Porta, champion en 2019, est porté disparu. Albert Arenas, titré en 2020, est coincé en milieu de peloton en Moto2.
Izan Guevara, sacré en 2022, n’y arrive pas en catégorie intermédiaire. Jaume Masia, couronné en 2023, n’est même plus en mondial. Et encore, je ne parle que des champions ! J’en ai des dizaines d’autres en tête. À l’inverse, récemment, il me semble que Sergio Garcia soit le seul à avoir effectivement réussi sa transition, en passant de très bon pilote Moto3 à excellent pilote Moto2. L’exemple Aron Canet marche aussi, mais il est un peu plus vieux.
Pendant ce temps-là, ceux qui gagnent en Moto2 sont soit des pilotes qui n’ont pas brillé en Moto3, soit des éléments qui n’en ont carrément jamais fait, en omettant l’exception Pedro Acosta, forcément. Franchement, je crois que cet écosystème ne peut plus tenir et je ne peux que comprendre la volonté du fils Ezpeleta. Il faut que ça change, il faut que la formation redevienne de la formation.
Maintenant que c’est dit, que faire ? Demain, j’essaierai de proposer des solutions, et vous présenterai ce qu’Ezpeleta avait en tête. En attendant, dites-moi ce que vous en pensez en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

C’est une question primordiale, parce que les catégories de promotion sont les fondations du MotoGP, et ont toujours revêtu d’une importance particulière. Encore aujourd’hui, on inclut les titres acquis dans ces catégories au moment de présenter le palmarès des pilotes, ce qui est une exception propre au MotoGP. Photo : Aspar
Photo de couverture : Leopard Racing