Aujourd’hui, petit coup de gueule. Alors, rien contre Marc Marquez, rassurez-vous, mais plutôt contre le MotoGP, qui, une fois de plus, invisibilise son histoire. Depuis le titre de Marc Marquez, six ans après son dernier sacre, nous voyons son exploit qualifié un peu partout de « plus grand retour de l’histoire du sport », ce qui peut s’entendre pour des médias généralistes, bien sûr, mais ça devrait s’arrêter là. Explications.
Qu’est-ce qu’un « comeback »
En fait, il s’agit là d’une discussion assez américaine dans l’esprit. Outre-Atlantique, où on adore les scénarios hollywoodiens, on aime célébrer les belles histoires et les retours au sommet après un passage par les ténèbres. C’est tellement ancré dans la culture que la NFL, ligue de football américain, attribue chaque année le titre de « comeback de l’année » à un joueur qui a « démontré de la résilience face à l’adversité en se battant contre la maladie, les blessures, ou d’autres circonstances ayant provoqué des absences répétées la saison précédente ».

Photo : Michelin Motorsport
Depuis que Marc Marquez a remporté le titre mondial 2025 au Japon, beaucoup d’observateurs qualifient son exploit de plus grand comeback de l’histoire du sport, pas seulement du MotoGP. Et, je suis désolé de le dire, mais c’est trop. Attention : je ne veux aucunement manquer de respect à Marc Marquez, car ce qu’il a accompli entre 2020 et 2025 relève de l’exceptionnel. Le problème, c’est que j’ai vu de très sérieux médias britanniques spécialisés comparer son retour sur le toit du monde à celui de Tiger Woods après ses problèmes de dos, à celui de Rafael Nadal, Peyton Manning etc.
Ce qui me gêne, c’est qu’on élève Marc Marquez au dessus de sa nature de pilote moto, et qu’on omet, par le fait, d’autres héros des circuits qui ont subi la même chose, voire pire. Pourquoi ne pas jeter un œil à notre propre histoire avant d’invoquer les Tiger Woods et Michael Jordan, qui sont tout aussi légendaires, mais dont le rapport au risque n’a absolument rien à voir avec un pilote moto ?
Marc Marquez fait partie d’un monde très particulier
J’aime et respecte tous les sports. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que les disciplines motorisées sont de loin les plus violentes. Plus encore que le MMA ou la boxe anglaise. Aucune autre activité professionnelle n’a connu autant de décès, d’horribles accidents, et de blessures capables de stopper net la carrière d’un adolescent.
De ce fait, je ne peux pas mettre sur le même plan les blessures de Marc Marquez subies lors d’accidents effroyables à 250 km/h et une rupture du tendon d’Achille sur un parquet de NBA. Il y a un monde entre le fait de remettre ses chaussures de basket après une longue période de pause et remonter sur une machine qui peut réellement tuer son pilote. Ce n’est là que mon avis, mais je considère donc que les retours en sports mécaniques sont les plus impactants et courageux dans le monde du sport.
L’histoire ne commence pas avec Marc Marquez
Mais alors, pourquoi est-ce que je ne considère pas le retour de Marc Marquez comme le plus grand si, de mon point de vue, il est plus difficile de réaliser un comeback en sports mécaniques qu’ailleurs ? Parce qu’il y a 76 ans d’histoire à considérer, voilà tout.

Comment ont-ils pu l’oublier ? Photo : Box Repsol
L’idée de cet article m’est venue en me baladant sur le site officiel MotoGP.com. Vous pourrez y trouver un article qui traite, justement, des plus grands retours de l’histoire du sport, publié après le titre de Marc Marquez. Forcément, il est inclus dedans. On retrouve également Niki Lauda, qui, après son accident au Nürburgring en 1976, est un peu la référence dans le domaine, mais également Tiger Woods et Michael Jordan, que j’ai déjà évoqués.
Sur le site officiel du MotoGP, aucune mention de Mick Doohan, qui a, selon moi, un comeback encore plus incroyable. L’Australien, en 1992, était juste injouable. Il se dirigeait presque tranquillement vers son premier titre mondial quand un terrible accident vint stopper net sa domination à Assen. Transféré à l’hôpital, il souffrait d’une double fracture en spirale à sa jambe droite. La situation était si grave qu’une pernicieuse gangrène s’installa. Grâce aux efforts du Docteur Costa, Doohan a été « enlevé » de l’hosto et a évité l’amputation, non sans souffrir, bien sûr.
Il fallut plusieurs opérations extraordinaires pour sauver la mise. Pour maintenir la jambe droite en vie, le Dr Costa dut coudre les deux jambes entre elles, pour que la gauche permette à sa sœur jumelle de vivre. Je vous passe les détails crus de cette histoire folle, d’ailleurs très bien racontée par Mat Oxley sur Motorsport Magazine. En fin de saison, il était déjà de retour, sans aucune sensation dans sa jambe. Puis, après une année assez difficile, il remporta le titre mondial en 1994. Mais ça ne s’arrête pas là ! Avec une jambe un peu plus courte que l’autre, Doohan remporta cinq titres consécutifs de 1994 à 1998, ce que Marc Marquez n’a d’ailleurs jamais réussi à faire même en pleine forme.
Si l’on se base sur les résultats après la blessure, alors, d’après moi, le comeback de Doohan est le plus grandiose de l’histoire du sport moto, et, par extension, l’un des plus grands du sport tout court.
En revanche, si l’on parle de la symbolique, je voudrais rapidement vous évoquer celui d’Ernst Degner, pour moi le plus miraculeux de tous. J’ai longuement raconté son histoire à peine croyable dans cet article, donc je vais vous la faire courte. Au Grand Prix du Japon 250cc 1963, sa moto se transforma en boule de feu lors d’un accident. Les brûlures étaient tellement graves que Degner reçut cinquante greffes de peau. Il faut prendre en compte l’époque dans laquelle ces opérations très délicates ont été réalisées ! Marc Marquez, s’il a démontré une volonté de fer, a de facto été aidé par les meilleurs médecins de la planète, ce qui n’était certainement pas le cas de Doohan aux Pays-Bas avant son kidnapping, sans même parler d’une greffe de peau dans les sixties.
Et pourtant, après une longue période de convalescence, Ernst Degner remporta le Grand Prix du Japon l’année suivante, cette fois en 125cc. Il a même fait une très bonne saison 1965 en 125cc comme en 250cc, avec trois victoires au total. Un héros.
Conclusion
Marc Marquez est dans le débat, c’est certain. Ceci dit, je trouve cela absolument honteux que le site officiel n’évoque même pas les cas de Mick Doohan et d’Ernst Degner dans un article dédié aux comebacks, mais plutôt ceux de Tiger Woods et Monica Seles, dont la gravité et le contexte des blessures sont absolument incomparables avec celles que doivent gérer les gladiateurs modernes que nous admirons tant.
Je suis curieux d’avoir votre avis sur cette épineuse question. Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Ernst Degner (le petit, deuxième en partant de la droite) et Jan Huberts au TT Assen 1962. Photo : ANEFO
Photo de couverture : Michelin Motorsport




























